16 octobre 2018 Opération policière et boue médiatique de concert contre la France Insoumise

samedi 17 novembre 2018.
 

Récit de la perquisition policière à mon domicile

L’opération policière étant finie chez moi, je me dirige vers le siège de la France insoumise. En chemin, j’achète de quoi manger. Je trouve les camarades du siège un peu sonnés. On me regarde avec un air peiné. On me demande si ça va. Certains me prennent dans leurs bras pour marquer leur affection et leur solidarité. Je raconte brièvement ce qui s’est passé. Puis nous nous installons autour d’un ordinateur pour écouter l’intervention de Jean-Luc Mélenchon sur le sujet à l’Assemblée nationale. En dépit du caractère exceptionnel de l’opération policière que nous avons subie, on lui coupe le micro avant la fin de son intervention. La République en marche n’aime pas qu’on parle des choses qui fâchent.

Je retranscris l’intervention de Jean-Luc Mélenchon et je la mets en ligne pour qu’elle puisse circuler de manière indépendante du système médiatique. Car sans avoir rien vu des chaînes d’info en continu jusqu’alors, je sais sans l’ombre d’un doute que l’opération « boue médiatique » a commencé et bat son plein.

Ce n’est que lorsque j’arrive à l’Assemblée, vers 17h00, que je comprends l’ampleur de l’opération médiatique en cours. Les bandeaux odieux. Les intervenants tous d’accord en plateau pour dire que nous sommes « excessifs », « inquiétants », « sanguins », que nous « allons trop loin », que nous « montrons notre vrai visage ».

Pas un pour se demander si oui ou non cette opération policière est disproportionnée. Pas un pour s’interroger sur la concordance entre cette opération et la nomination du nouveau gouvernement. Pas un pour dire que le ministre de l’Intérieur est forcément informé d’une opération de ce type et pour rappeler qu’il s’agissait alors d’Edouard Philippe, le même qui s’occupe aussi de la nomination du gouvernement après l’avoir repoussée et repoussée encore. Pas un pour dire que ce ministre de l’Intérieur choisit le jour des perquisitions pour nommer son gouvernement. Non, pas un seul pour signaler tout cela ! Plus c’est gros plus ça passe.

À l’Assemblée, je fais le point. Enfin, je peux voir Jean-Luc. On se demande comment ça va. On discute un peu. On échange des éléments d’analyse. Mais il y a à faire. On se remets à nos tâches. Pour ma part, elles sont de trois natures : premièrement, faire le point avec mon avocat pour mon audition du lendemain (au final, je réussis à la faire repousser à 15h30 pour des raisons d’agenda professionnel, mais j’y reviendrai) ; deuxièmement, filmer une vidéo dans laquelle Manuel Bompard fait le point sur les évènements ; troisièmement préparer l’émission à laquelle je suis censé participer le soir-même sur CNews.

Parlons-en de cette émission. Jusqu’à environ 15h, je ne savais même pas si je pourrais ou non y participer, étant physiquement bloqué à mon domicile par la perquisition pour une durée indéterminée. Puis, une fois sorti, se posait la double question de savoir si j’aurais matériellement le temps et physiquement la force après 7h30 de perquisition chez moi. Dans la balance pèse aussi cet élément : si j’annule, quel est le signal que j’envoie ? Celui que les coups portés contre nous peuvent nous atteindre et nous ramollir. Or c’est l’inverse qu’il faut montrer. Et par ailleurs, c’est aussi l’inverse qui se produit. Comme l’a justement dit Jean-Luc Mélenchon dans l’un de ses meetings : « Jusqu’à la victoire, il n’y a que des coups à prendre ». On est en plein dedans. Et quand un insoumis prend des coups, il les rend.

Je décide donc de faire l’émission. Je fais bien. Car sur le plateau j’ai affaire à une caricature de la majorité macroniste. Elle trouve les « petites phrases » du président « rafraîchissantes ». Je lui demande si elle trouve « rafraîchissant » de dire que certaines personnes « ne sont rien ». Elle bafouille et parle du « pognon de dingue ». Je lui dis que ce sont leurs cadeaux aux riches qui nous coûtent cher. Puis elle a le culot de parler du glyphosate. Je lui rappelle que la République en Marche a refusé l’amendement de la France insoumise visant à interdire cette molécule sous trois ans.

Et puis surtout, j’ai enfin la possibilité de parler de cette incroyable journée. J’explique, sur le plateau, ce que nous avons vécu. Je dénonce une opération politique évidente. Je dis aussi ce qu’on ressent dans ce genre de situation.

La journée s’achève. Dans la voiture qui me raccompagne à mon domicile, j’ai enfin le temps d’appeler mes parents. Ils me disent qu’ils sont fiers de moi et que j’ai bien parlé. Que ça faisait du bien de me voir combattif. Qu’il ne faut rien lâcher. Qu’ils me souhaitent bon courage. Et ces mots qu’ils me disent, ce sont aussi ceux que j’ai lus sur les réseaux sociaux. Partout. Des centaines, des milliers de messages de soutien nous parviennent. Partout une colère sans nom. Partout un soutien sans faille. Et je sais que nous formons comme une immense famille. Et je comprends que ces perquisitions, c’était comme si on les avait faites à toutes celles et ceux qui envoient ces messages.

L’honnêteté m’oblige ici à avouer (Mediapart, c’est le moment de prendre des notes !) que je suis ensuite allé boire une bière avec un ami. Histoire de décompresser un peu. Je savais que la journée du lendemain serait dure. Mais je ne savais pas alors à quel point.


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