Le monde de la santé selon Macron est un monde en ruines

samedi 13 octobre 2018.
 

Parmi les secteurs où la colère et les révoltes montent , ici et dans beau­coup de villes, le secteur de la santé est en pointe. A ce propos, comme contri­bu­tion au débat, voici un texte que l’Union syndi­cale de la psychia­trie diffuse suite à la présen­ta­tion du plan « Ma santé 2022 » par Macron le 18 septembre dernier. Présen­ta­tion qui fut suivie de l’an­nonce du nouveau plan d’aus­té­rité pour les hôpi­taux.

Le président de la Répu­blique a présenté, le 18 septembre, le plan Ma Santé 2022. Nous nous féli­ci­tons que les commu­ni­cants du président aient convaincu notre arro­gant président de ne pas disqua­li­fier dans son propos une caté­go­rie profes­sion­nelle, c’est nouveau et rare. Car nous n’ou­blions pas qu’il se permit, il y a peu, d’ac­ca­bler de son mépris les fonc­tion­naires, les chemi­nots, les migrants, les retrai­tés, les allo­ca­taires divers, les malades, tous préten­du­ment jouis­seurs d’avan­tages indus, de privi­lèges. Il conti­nue cepen­dant à acca­bler de son mépris les chômeurs que son monde laisse au bord de la route. Mais gageons que Macron pour­sui­vra dès que possible cette stra­té­gie du bouc émis­saire, qui dresse les Français les uns contre les autres, encou­rage la haine, la violence et n’est déci­dé­ment pas bonne pour la santé.

Cette fois, c’est « seule­ment » l’in­tel­li­gence des hospi­ta­liers qu’il insulta. Il se présenta à nous comme une sorte de Mac Gyver capable de brico­ler sous les yeux ébahis du public le système de santé du pays. Ce fut juste avant…. l’an­nonce de la restric­tion de 3,8 milliards d’eu­ros sur le budget de la santé, et l’an­nonce de la suppres­sion de 30 000 postes hospi­ta­liers, dans le cadre d’un budget où les capi­ta­listes sont plus que jamais les premiers servis. Cela alors que la souf­france au travail se géné­ra­lise dans les services hospi­ta­liers, que 30 % des postes hospi­ta­liers sont à pour­voir, et alors que les mouve­ments de soignants dans les hôpi­taux psychia­triques se multi­plient. Ce président mérite bien l’im­po­pu­la­rité remarquable qu’il concentre sur sa personne.

Certes, la fin annon­cée du « nume­rus clau­sus » actuel, c’est la fin d’une aber­ra­tion enfin recon­nue comme telle. C’est bien, mais cela ne suffira pas à repen­ser les études de méde­cine et à orga­ni­ser leur refonte. Ensuite, une des prin­ci­pales annonces large­ment commen­tée est celle de Commu­nau­tés profes­sion­nelles de terri­toire ((CPTS) pour « désen­gor­ger les urgences ». Annonce en fait fort floue lorsqu’on lit que la parti­ci­pa­tion de méde­cins libé­raux s’y fera sur le mode du volon­ta­riat. Il reste à avoir confiance dans la parole prési­den­tielle pour obte­nir quelques moyens maté­riels pour concré­ti­ser ce vœu prési­den­tiel.

Passons main­te­nant au cœur de notre oppo­si­tion au plan de ce président.

Des hôpi­taux de proxi­mité sont promus : les hôpi­taux locaux reloo­kés se concen­tre­ront sur quelques acti­vi­tés (la méde­cine poly­va­lente, géria­trique). Il semble s’agir prin­ci­pa­le­ment d’éta­blis­se­ments à but lucra­tif, pratique­ment sans person­nel sala­rié (en dehors de l’en­ca­dre­ment, de l’en­tre­tien). Les person­nels soignants seraient prin­ci­pa­le­ment des pres­ta­taires exerçant en libé­ral (méde­cins, infir­mières). Ce n’est pas une réponse à la déser­ti­fi­ca­tion médi­cale galo­pante alors que les hôpi­taux et mater­ni­tés de proxi­mité exis­tants conti­nuent de fermer et que le secteur psychia­trique qui fut un modèle, plus ou moins réussi, de méde­cine décen­tra­li­sée et en lien avec les acteurs locaux achève de mourir.

La créa­tion d’un statut unique de prati­cien hospi­ta­lier (PH), asso­ciée à la suppres­sion du concours PH, « pour faci­li­ter l’en­trée dans la carrière, diver­si­fier les parcours profes­sion­nels et faci­li­ter l’exer­cice mixte » est censée renfor­cer les services. Or, la dispa­ri­tion de ce concours de PH est un des aspects du déman­tè­le­ment du service public. Le concours et le statut de prati­cien hospi­ta­lier sont un socle du service public hospi­ta­lier, avec des équipes de soignants travaillant à temps plein et sous statut. Briser cela c’est briser l’au­to­no­mie des équipes de soin, brider leur créa­ti­vité au service du public  ; c’est parache­ver l’œuvre destruc­trice que nous vivons chaque jour.

Nous mettons cette déci­sion en série avec le main­tien réaf­fir­mée des GHT. Cette fois c’est dit : les cliniques privées vont y parti­ci­per. Cette poro­sité entre le service public et les établis­se­ments privés à but lucra­tif est un autre volet de la destruc­tion annon­cée et voulue du service public de santé. Nous prévoyons que cela favo­ri­sera la fuite des méde­cins vers le privé, les riva­li­tés entre respon­sables, la compé­ti­tion pour les primes. In fine cela favo­ri­sera les ressources libé­rales et les reve­nus du capi­tal.

Quant à la « qualité des soins », si elle est envi­sa­gée, son finan­ce­ment va conduire inéluc­ta­ble­ment à soigner des indi­ca­teurs, comme le montrent toutes les études inter­na­tio­nales. Sa construc­tion sera une nouvelle usine à gaz bureau­cra­tique qui alour­dira le travail des soignants, alors que nous avons plutôt besoin de simpli­fi­ca­tion admi­nis­tra­tive  ! Or, de simpli­fi­ca­tion, Macron en parle beau­coup, mais il orga­nise l’in­verse.

Il nous propose en fait de passer des dysfonc­tion­ne­ments perfor­mants de la T2A à ceux de la qualité et de parcours stan­dar­di­sés.

Le renfor­ce­ment de la parti­ci­pa­tion des méde­cins au pilo­tage stra­té­gique des établis­se­ments ainsi que la réaf­fir­ma­tion de la place des services sont appa­rem­ment de bonnes nouvelles, mais le terme de « mana­ge­ment des ressources hospi­ta­lières » suit cette annonce : ce seront les direc­tions armées de leur mana­ge­ment catas­tro­phique qui seront à la manœuvre et sont invi­tées à s’as­so­cier quelques méde­cins aimant mana­ger à leurs côtés. Sous la tutelle réaf­fir­mée des ARS et du minis­tère.

Concer­nant la psychia­trie publique, avec une habi­leté sans égale, Madame Buzyn en orga­nise la dispa­ri­tion en la rédui­sant à ses dimen­sions éduca­tives, sécu­ri­taires ou de trai­te­ment de symp­tômes (commu­niqué Buzyn, feuille de déroute de la psychia­trie) tout en lais­sant pour­rir toutes les situa­tions locales, au Rouvray, à Amiens, à Paris, à Niort à Saint Etienne, etc. (commu­niqué Une rentrée animée pour sauver les insti­tu­tions psychia­triques).

Respon­sable mais pas coupable : ce sont les ARS qui font les basses besognes locales.

La psychia­trie était le parent pauvre de la santé  ; la solu­tion à ce problème trou­vée par Macron-Buzyn-Darna­nin est de liqui­der la psychia­trie  !

Macron défi­nit les grandes lignes de la stra­té­gie et Darma­nin donne les moyens budgé­taires de la liqui­da­tion. C’est en même temps que Macron, le 18 septembre, promet de sauver l’hô­pi­tal et de program­mer la dispa­ri­tion de l’hô­pi­tal public.

Ces annonces n’ap­portent pas de solu­tion à tous les problèmes explo­sifs de la santé en France, elles parti­cipent au contraire du problème par la déstruc­tu­ra­tion annon­cée du service public de santé au profit des capi­ta­listes du secteur. Qui appar­tiennent au même milieu social que ce président.

Face à cela, l’USP renou­velle son appel à soute­nir toute lutte ou mouve­ment non violent et non fasci­sant permet­tant de mettre fin à cette poli­tique.

Pascal Bois­sel, Pierre Pare­sys


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