Plus que jamais, la Laïcité a besoin d’une Gauche mobilisée (Marie Lou Marcel, candidate socialiste sur la 2ème circonscription de l’Aveyron)

mardi 5 juin 2007.
 

Si la Laïcité a une histoire, ce n’est pas une raison pour la conjuguer au passé. Plus que jamais, nous avons besoin d’une Laïcité vivante pour faire face aux défis de notre société mondialisée.

Plus que jamais, la Gauche doit être offensive pour défendre sinon faire progresser l’idéal laïque. Le combat politique a été extrêmement rude en 1905 : sans une mobilisation à Gauche, rien n’aurait été possible.

Or, dans le contexte actuel, la vigilance seule ne suffira pas : il faut s’attendre au pire dans les 5 ans à venir.

Certes, notre Laïcité est extrêmement aboutie, mais elle reste inachevée : si des exceptions peuvent s’expliquer par les aléas de l’histoire (l’Alsace-Moselle), rien ne justifie qu’une ordonnance royale soit le fondement du régime particulier de la Guyane, outrageusement favorable à une seule religion !

La Droite aujourd’hui ne joue plus l’accommodement. Elle a feint le ralliement ces dernières années. Que va-t-il rester de la posture Laïque de la présidence CHIRAC ?

Nous allons être bientôt fixés. Mais on ne peut qu’avoir bien des inquiétudes, au regard des épisodes récents...

La loi dite « du voile », censée réaffirmer que l’Ecole Publique est un sanctuaire laïque a créé une belle polémique. Elle a jeté une population aisément indentifiable en pâture à l’opinion, dans le but de la stigmatiser. Cela faisait visiblement partie d’une stratégie d’ensemble, jouant sur la peur, en décalage total avec la réalité de notre pays.

La question n’est pas, bien évidemment, de savoir s’il fallait ou non réaffirmer le caractère laïque de l’Ecole publique - on peut s’interroger sur le besoin d’une telle réaffirmation - en oubliant au passage les établissements privés.

L’objectif était de mettre en avant la différence, d’opérer une distinction communautariste, dans le contexte de l’après 11 septembre 2001. De quoi, avant tout, réalimenter le discours sécuritaire de 2002.

Comment s’étonner alors, cette étape franchie, que la Droite ait promu le pire ennemi de la Laïcité, le communautarisme ?

Nicolas SARKOZY s’en est fait le chantre, ce qui ne l’empêche nullement, à l’occasion, de citer Blum et Jaurès !

Résultat : la Laïcité a été prise en otage au profit d’une entreprise véritablement réactionnaire, l’école privée en a récolté les fruits, des écoles islamiques - mais pas islamistes - sont en construction...

Le rapport dit « MACHELON », rédigé à la demande de Nicolas SARKOZY, est venu à point souligner où l’intéressé, alors ministre candidat, veut aller.

Ce rapport préconise en effet d’autoriser les collectivités publiques à financer des lieux de culte. Un détournement assumé de l’esprit de la Loi de 1905, au motif que seul l’Etat est visé par le texte, les collectivités n’ayant acquis une pleine capacité qu’à partir de la décentralisation de 1983.

La Droite se nourrit de la confusion, affirmant un discours tout en agissant à l’inverse. Elle s’en est fait une spécialité, cela lui profitant dans bien d’autres domaines. En toute inconscience des risques, satisfaite de sa rouerie et oublieuse de la montée de l’extrême droite, qu’elle pense avoir jugulée.

Je refuse bien évidemment toute mise en cause de la Laïcité. Mais je veux, avant tout, la faire progresser.

Notamment quant on l’affuble de qualificatifs. Parler de laïcité « plurielle », « neutre » ou « moderne », c’est se résoudre au pire : atténuer la portée du principe, reculer sans bruit pour, au final, renoncer à l’idéal.

S’il y a un domaine où la marge de progression est forte, c’est celui des cérémonies publiques. Préciser le caractère laïque du protocole des cérémonies civiles et militaires de la République sera un moyen efficace de mettre fin aux dérives que l’on a pu constater ces dernières années. Je pense à l’hommage rendu à un chef d’un état étranger bien peu républicain, celui du Vatican.

J’évoquais plus haut le cas spécifique de la Guyane : un statut républicain est impératif ! Pour l’Alsace-Moselle, le particularisme local a servi de fondement au maintien de l’exception concordataire. Notons à ce sujet que seules 3 religions bénéficient du statut alsaço-mosellan, ce qui est oublieux d’autres cultes - de manière totalement illégitime.

Le particularisme géographique justifie pleinement qu’un transfert aux collectivités concernées soit étudié, à charge pour ces collectivités de le faire évoluer ou non, au regard des évolutions dans les pratiques religieuses constatées localement.

Au delà de ses exceptions, qui doivent rester exceptionnelles, l’école privée doit être soumise à un audit global. Si des lois lui ont reconnu des missions de service public, il n’y a jamais eu aucune évaluation pour vérifier si celles-ci étaient correctement assumées. A n’en pas douter, de quoi faire d’intéressantes découvertes et rétablir quelques vérités...

De plus, obliger tous les établissements privés à présenter tous les élèves qu’ils scolarisent aux épreuves nationales comme le Baccalauréat assurerait une comparaison sur la base des résultats réels. Pour en finir avec la falsification éhontée de leurs taux de réussite, grâce au recours aux « candidatures libres » pour leurs élèves les moins doués.

La Droite se complaît à réclamer l’évaluation de ceux qui remplissent des missions de service public, à commencer par les fonctionnaires : mettons-là en face de ses contradictions.

Ce sont là des pistes concrètes qui ont un mérite éminent : reprendre la marche en avant de la Laïcité pour nous préparer à assumer un objectif ambitieux : passer à l’offensive au niveau européen.

Nous ne sommes plus, désormais, seuls. Nous bénéficions de l’exemplaire action de nos camarades espagnols en faveur de la Laïcité. Un travail remarquable de mémoire a, d’ailleurs, permis de rappeler, de part et d’autre des Pyrénées, ce qu’a été le franquisme et le rôle joué par une certaine église, à l’appui de cette dictature odieuse.

La difficulté viendra des pays de tradition protestante, où, historiquement, la conquête de la liberté s’est conjuguée avec le droit de choisir un des christianismes réformés.

Il est patent de constater que les négociations pour l’adhésion avec la Turquie ont achoppé parce que nombre de députés européens estiment qu’Ankara fait preuve de protectionnisme religieux, prenant pour prétexte le fait que les églises chrétiennes ne s’y installent pas...

C’est oublier que le religieux ne peut être traité comme un marché au sens économique et que la Turquie est une République juridiquement fondée sur un modèle laïque - même si, sociologiquement, une religion est extrêmement présente.

Afin de promouvoir la laïcité au niveau européen, à nous de faire valoir son inestimable atout : elle seule a un caractère universel, elle seule permettra à tout citoyen européen, quelle que soit son origine, sa conviction religieuse ou non, d’être assuré d’une égalité de droit.

C’est peu dire que bien du travail nous attend : l’application de notre modèle laïque au niveau européen ne sera pas de tout repos. Raison de plus pour ne pas s’endormir !


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