Défaite pour Corbyn et la gauche

mercredi 19 septembre 2018.
 

La vraie gauche britannique, celle qui défend les Palestiniens contre l’Etat raciste d’Israël et lutte contre toutes les formes du racisme, a subi une défaite majeure. Le comité exécutif national (NEC) du parti travailliste vient d’adopter une définition de l’antisémitisme (avec des exemples) qui rend difficile sinon impossible de dénoncer le caractère raciste et terroriste de l’Etat sioniste et de rester membre du parti.

Le vote aura inévitablement un impact négatif sur tous ceux-celles qui militent en faveur des droits des Palestiniens, qu’ils soient membres ou pas du parti, en Grande-Bretagne et sans doute au-delà.

La décision est censée mettre fin à la polémique au sujet de l’antisémitisme au sein du parti travailliste - un ’problème’ qui a été largement fabriqué par les anti-Corbyn et les groupes de pression pro-israéliens.

En réalité c’est une victoire pour les ’amis d’Israël’ et la droite du parti.

Leur véritable objectif est d’évincer Corbyn et de neutraliser - ou tout simplement interdire - la solidarité active avec la Palestine et bien sûr le mouvement BDS. On peut donc être sûre que l’offensive ne s’arrêtera pas là. D’ailleurs, le caveat émis par le NEC, qui précise que la décision ne doit pas être considérée comme une atteinte à la liberté d’expression des militants au sujet d’Israël, est déjà contesté par des représentants de la faction anti-Corbyn. Un amendement proposé par Corbyn lui-même a été rejeté par le NEC.

Jeremy Corbyn, qui a milité toute sa vie contre le racisme dans toutes ces formes, a été affaibli par une campagne mensongère presque sans précédent orchestrée par la presse de droite et jusqu’au soi-disant journal ’progressiste’ The Guardian et la très prestigieuse BBC, avec la participation active de la droite travailliste - le fauteur de guerre en chef Tony Blair compris.

Pas besoin de tomber dans les travers du complotisme, non plus, d’y voir la main de l’ambassade d’Israël et des officines sionistes. D’ailleurs ils ne cachent ni leur implication ni leur objectif de faire tomber Corbyn.

La campagne a également été relayée par les mouvements d’extrême-droite les plus actifs, pour lesquels Corbyn n’est rien de moins qu’un ’communiste’, un ’ami des terroristes irlandais et islamistes’ et un traître. Les fascistes, qui pratiquent habilement le confusionnisme, sont très contents de se poser en défenseurs des Juifs.

> En Israël, Netanyahu et les sionistes d’extrême-droite n’ont pas hésité à soutenir publiquement cette campagne honteuse, alors que le groupe de députés arabes au Knesset a publié une excellente déclaration de soutien à Corbyn.

> C’est donc une veritable chasse aux sorcières qui a ete organisée contre des militants - dont beaucoup sont eux-mêmes juifs - qui ont eu le malheur d’attirer l’attention des ’amis d’Israël’ au sein du parti travailliste et leurs alliés dans les médias.

> Il est très important, enfin, de souligner qu’il ne s’agit aucunement, malgré ce qui est affirmé dans les médias et par les travaillistes anti-Corbyn, de ’Corbyn contre les Juifs’ (idée absurde qui a été reprise dans Libération qui parle d’une "communauté juive travailliste" qui n’existe pas). Au sein du parti travailliste il existe des Juifs (et des non-Juifs) pro-israéliens, et sans doute beaucoup de militants qui ont été désorientés par les mensonges et les distorsions. Mais parmi les antisionistes membres de l’aile gauche du parti ou de l’extrême-gauche (Socialist Workers Party (1), notamment) on trouve également beaucoup de Juifs, dont certains militent au sein de l’association Jewish Voice for Labour, du Jewish Socialist Group ou du collectif Free Speech on Israel. Enfin, parmi les personnalités qui ont pris la défense de Corbyn on trouve des noms comme Tariq Ali ou Ken Loach que personne parmi nous suspecterait d’antisémitisme

> Face à cette offensive, Corbyn et ses proches partisans ont multiplié des concessions, sans que cela rende leurs opposants plus conciliateurs - bien au contraire.

> En fin de compte, Corbyn a été lâché par plusieurs poids lourds du parti et des syndicats affiliés, dont son très proche associé John McDonnell (porte-parole du parti pour les affaires économiques) et Jon Lansman, le propriétaire de la marque Momentum - le mouvement qu’il a créé pour soutenir Corbyn qui a attiré des dizaines de milliers de nouveaux militants.

> Ce soir, donc, l’exécutif du parti a cédé à la pression. C’est une très mauvaise nouvelle pour la gauche britannique. Et, plus important encore, pour les Palestiniens.

> Il est difficile de prédire la suite. Mais une chose est claire. La gauche - et en premier lieu Corbyn lui-même - ne se redressera qu’à condition de ne rien céder sur la solidarité avec la Palestine et le droit non seulement de ’critiquer’ Israël mais de dire la vérité sur cet Etat colonial et raciste.

> (1) Le Socialist Workers Party, organisation à laquelle j’ai appartenu en Grande-Bretagne et qui soutient Corbyn "de l’extérieur", fut fondé par un Juif né en Palestine, Tony Cliff (Ygaël Gluckstein). Sa femme, Chanie Rosenberg, est une Juive originaire de l’Afrique du Sud qui vit encore et peut être vue dans des manifestations à l’âge de 96 ans. Ils seraient tous les deux très surpris de découvrir qu’ils sont "antisémites".

Colin Falconer Le 4 septembre 2018


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