La social-démocratie, fer de lance de l’atlantisme

mardi 18 septembre 2018.
 

En 1952, au congrès de la SFIO [l’ancêtre du PS], la motion adoptée stipule : « L’Europe, que nous voulons fonder en étroite solidarité avec les peuples des territoires d’outre-mer qui lui sont associés, ne saurait se complaire, entre les Etats-Unis et la Russie, dans la dangereuse illusion d’une impossible neutralité. Elle fait partie de cette communauté atlantique qui, après avoir à deux reprises sauvé le monde de la dictature, se trouve seule aujourd’hui en mesure de défendre la démocratie, d’assurer la sécurité… » [1].

Parfois, il est vrai que, lutte des classes oblige, on la verra prendre des positions plus tranchées que le reste de la social-démocratie européenne. Mais lorsqu’une action pourra porter à conséquence, le retour en arrière sera fulgurant. Ainsi, c’est le ministre social-démocrate Ernst Bevin qui fut à l’origine du projet d’armée européenne mais la SFIO affirme en France son hostilité au réarmement de l’Allemagne. Elle fera toutefois volte-face comme par enchantement en 1952 [2], lorsque sera posée la question d’approuver ou non la CED.

De même, l’adoption du Pacte Atlantique en 1949 ne sera pas un problème. La SFIO va jusqu’à prôner « la nécessité d’élargir les objectifs de l’OTAN aux problèmes économiques et sociaux » [3]. Par la suite, François Mitterrand approfondit, amplifie, cristallise l’engagement socialiste en faveur d’une Europe libérale et américaine. À tel point que l’on peut se demander quel était, dans les années 60, le projet le plus progressiste ? Celui, essentialiste, de Mitterrand, qui défendait l’Europe Occidentale ? [4] Ou celui, géographique et politique, de de Gaulle, qui défendait l’Europe de l’Atlantique à l’Oural ? [5]

Autre exemple typique, le plus européen de tous les socialistes : Bernard Kouchner. Troisième de liste de Michel Rocard aux élections européennes de 1994, c’est précisément sur le thème de l’Europe qu’il affirme s’engager : « Je veux vous dire pourquoi je suis à vos côtés : pour une idée, celle de l’Europe, pour une cause, celle de la gauche et pour un homme : Michel Rocard » [6]. On sait où cette carrière l’a mené depuis. Ministre de l’Hexagone, il dit tout haut ce que le Pentagone pense tout bas (voir ce qu’il n’ose penser lui-même).

Et comment ne pas louer, aussi, l’admirable cohérence d’un Strauss-Kahn qui considère Bill Clinton comme un « homme de gauche » au moment où ce dernier réduit à la famine, par blocus, le peuple irakien ? Comment ne pas reconnaître la force de son engagement, puisque, devenu président du FMI, il fait lui-même le job ?

Comment, enfin, ne pas reconnaître les mérites et la constance d’un Pascal Lamy, conseiller de Jacques Delors et Pierre Mauroy lors du « tournant de la rigueur » en 1983, président de la commission prospective du MEDEF jusqu’en septembre 1999, membre de plusieurs associations plus atlantistes les unes que les autres, puis commissaire européen au commerce sous la commission Prodi. Durant cette dernière charge, il a eu le plaisir d’approuver la célèbre « directive Bolkestein » avant d’aller directement promouvoir la substance de cette dernière dans le reste du monde, en étant catapulté en 2005, avec l’appui de Jean-Pierre Raffarin, directeur général de l’Organisation Mondiale du Commerce. Organisation dont on a pu voir le virage tout à fait social depuis qu’il est à sa tête...

Notes

[1] Mai 1950, 42e congrès de la SFIO. Cité in Ouvr. Coll., Histoire du réformisme, Editions Sociales, Paris 1976, p. 22

[2] Mai 1952, 44e congrès

[3] 51e congrès de la SFIO. Op. cit., p. 150

[4] ORTF, 20 avril 1972

[5] Celui-ci n’était cependant pas sans ambiguïté, mais nous n’entrerons pas dans les détails

[6] Antenne 2, 17 avril 1994


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