L’obsolescence programmée : Sortir de la société du «  tout-jetable  »

lundi 9 juillet 2018.
 

Entretien avec Laetitia Vasseur, Co-fondatrice et déléguée générale de l’association Halte à l’obsolescence programmée (HOP).

Qu’est-ce que l’obsolescence programmée ? Quelle est l’ampleur de cette pratique ? Qu’est-ce qu’elle révèle de notre modèle de société ?

L’obsolescence programmée est une stratégie qui vise à réduire délibérément la durée de vie d’un produit pour pousser le consommateur à un nouvel achat. Depuis 2015, c’est un délit en France. Théorisée par Bernard London en 1932 pour relancer un système économique à bout de souffle par la consommation et la production, l’obsolescence programmée peut toucher les biens de consommation comme les ampoules ou les collants. Mais avec la multiplication des appareils électriques ou électroniques dans nos foyers, elle a aussi tendance à se généraliser à l’ensemble des produits du quotidien : imprimantes, téléphones, machines à laver, etc. L’obsolescence programmée est un symptôme d’une société du tout-jetable. Elle s’inscrit dans une course à la surconsommation qui a des conséquences sociales, économiques et environnementales alarmantes.

Vous l’avez dit, l’obsolescence programmée est un délit depuis 2015. Pourtant, elle n’a pas disparu ! Pourquoi cette loi n’est-elle pas appliquée, et comment la faire respecter ? Quels sont les leviers d’action des citoyennes et des citoyens ?

Si le délit n’a pas encore été puni, des actions juridiques sont en cours suite aux deux plaintes de HOP. Nous constatons une véritable prise de conscience sur les enjeux de l’obsolescence programmée. L’engouement pour le sujet est réel, comme en témoigne la communauté de plus de 35 000 personnes fédérées au sein de HOP et qui veulent faire entendre leur souhait d’avoir des produits plus durables et réparables. C’est justement le rôle d’une association comme HOP de faire appliquer cette loi, en dévoilant les pratiques des industriels sur certains produits et en recueillant les témoignages des consommateurs victimes de ces pratiques pour ensuite faire valoir leurs droits. En tant que citoyen, la première manière d’agir est de se fédérer pour faire entendre sa voix et influencer les industriels et les lois dans le bon sens. C’est également de connaître ses droits, notamment ceux concernant la garantie légale qui s’applique pendant 2 ans sur tous les produits. Enfin, d’autres solutions sont à la portée de tous dans notre vie quotidienne : s’informer sur l’entretien de ses produits pour prolonger leur vie, avoir le réflexe de les réparer, louer ou emprunter les objets dont on n’a pas un usage fréquent...

Que répondez-vous à celles et ceux qui pensent que les pouvoirs publics ne peuvent rien faire contre ces pratiques ? Quelles mesures préconisez-vous ?

Certains outils légaux, comme la garantie, sont des leviers importants pour se prémunir de l’obsolescence programmée. C’est en obtenant un cadre légal plus favorable à des produits durables et réparables que nous pourrons mieux lutter contre l’obsolescence programmée. L’association HOP mène un lobbying citoyen afin d’obtenir des mesures concrètes de la part des pouvoirs publics, et a notamment obtenu du gouvernement la mise en place d’un affichage obligatoire de la durabilité pour plusieurs catégories de produits à partir de 2020. Cet affichage, inspiré de l’étiquette-énergie, permettra d’éclairer le choix des consommateurs pour qu’ils s’orientent vers des biens plus durables.

L’association milite également pour une meilleure application et une extension de la garantie légale et nous demandons que les pièces détachées soient plus accessibles.

HOP soutient des mesures visant à développer la réparation et à la rendre moins chère, notamment via des crédits d’impôts ou des réductions de TVA sur ces activités. En effet, favoriser la réparation permettrait d’encourager un allongement de la durée de vie de nos produits.

L’association "HOP" se mobilise contre des cas emblématiques d’obsolescence programmée, par exemple les collants ou les imprimantes. Pouvez-vous nous en dire plus sur vos actions ?

HOP a 3 missions principales : informer et sensibiliser le grand public au phénomène de l’obsolescence programmée et dénoncer ces pratiques notamment en justice  ; fédérer les citoyens, les experts, les associations et les entreprises pour faire entendre le souhait d’aller vers des produits plus durables et réparables, et influencer en accompagnant le changement des politiques publiques et des modèles économiques des entreprises en faveur de la durabilité et de la réparabilité.

Par des actions de sensibilisation et des enquêtes approfondies sur les produits, nous voulons fédérer les citoyens et à les informer afin qu’ils puissent orienter leurs achats vers des produits durables et réparables.

Forts d’une communauté de plus de 35 000 personnes, l’association recueille de nombreux témoignages de consommateurs sur certains produits. Sur la base de ces témoignages, les membres de HOP mènent ensuite des enquêtes approfondies pendant plusieurs mois, étayées par des sondages et des entretiens. Les résultats de ces enquêtes donnent lieu à la publication de rapports détaillés dévoilant les enjeux et les solutions pour certains secteurs. HOP tient à avoir une attitude constructive et positive, elle souhaite encourager les bonnes initiatives  : les rapports sont également l’opportunité de proposer de bonnes pratiques afin d’allonger la durée de vie des produits. L’association accompagne également les entreprises engagées dans la durabilité et la réparabilité.

Vous avez un exemple à nous donner  ?

Le dernier rapport d’enquête de HOP portait sur les collants, produit qui pose un problème écologique et économique de par son extrême obsolescence. En effet, dans plus de 70 % des cas, les collants ne durent pas plus de 6 utilisations. Dans ce rapport, HOP retrace l’histoire du collant, dévoile le classement des meilleures et des pires marques et appelle fabricants, vendeurs et consommateurs à agir afin d’obtenir des produits plus durables. Nous visons à promouvoir de nouveaux modèles de consommation et production soutenables et la défense du pouvoir d’achat des consommateurs, le tout dans une approche constructive et tournée vers les solutions  !

Propos recueillis par Elyse Lethuillier


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