Manifeste de la communauté scientifique internationale contre le méga-projet minier « Montagne d’or » en Guyane

mardi 19 juin 2018.
 

Monsieur le Président de la République française, le méga-projet minier « Montagne d’or » en Guyane présage un véritable désastre environnemental et humain :

Un projet gigantesque en pleine forêt tropicale guyanaise

En plein cœur de la forêt guyanaise, loti entre deux réserves biologiques intégrales (RBI Lucifer et Dékou-Dékou), se prépare actuellement le plus grand projet minier que la France ait jamais connu : porté par la Compagnie Montagne d’Or (CMO, consortium russo-canadien : 55,01 % Nordgold S.E. et à 44,99 % Columbus Gold Corporation). L’opérateur annonce la création d’une fosse de 2,5 km de long, 400 m de large et 200 à 400 m de profondeur. L’extraction de l’or nécessite par jour 10 tonnes de cyanure et 20 tonnes d’explosif afin d’extraire environ 20 kg d’or tout en en rejetant 80 000 tonnes de déchets miniers par jour. En effet la concentration en or est faible : 1,6 à 1,8 g par tonne de roche.

Une forte mobilisation citoyenne contre le projet

Ce projet fait actuellement l’objet d’un débat public, à la demande de ses opposants, dont les dates ont été fixées par la Commission Nationale du Débat Public (CNDP) du 7 mars au 7 juillet 2018. Les réunions publiques qui se sont tenues en Guyane depuis le 3 avril font déjà ressortir une forte opposition au sein de la population guyanaise à un projet destructeur de l’environnement qui ne rapportera quasiment rien à la Guyane sinon en termes de pollution et d’impact environnemental.

Un mirage économique

En effet si la CMO espère gagner plus de 3,5 milliards d’euros sur 12 ans, seulement 2% iront à la Guyane sous forme de taxes. D’après le rapport du WWF qui parle de « mirage économique » (1), les taxes et impôts du projet s’élèveraient à 308 millions d’euros sur 12 ans (241 M€ à l’État français et 67M€ de taxes locales), mais il engloutirait au moins 420 millions d’aides publiques. Ceci pour 750 emplois directs promis, « soit un coût aberrant de 560 000 euros publics pour chaque emploi » .

Un désastre environnemental et humain

L’impact environnemental est un véritable désastre : nuisances immédiates sur le site lui-même par la destruction d’une forêt primaire à la biodiversité élevée (les forêts de l’arc forestier du Nord guyanais sont les plus anciennes de Guyane et désignées par les spécialistes comme des « forêts reliques » (2)) ; mais aussi nuisances impactant pour le long terme les milieux naturels y compris les cours d’eau, et les populations humaines dans tout le bassin de la Mana, le plus grand fleuve intérieur de la Guyane. Sa mise en œuvre nécessite d’importants travaux de voirie (120 km de route depuis Saint-Laurent du Maroni) et surtout la création d’un nouveau barrage hydroélectrique plus important que celui de Petit-Saut : les besoins en énergie pour la mine (20MW) étant équivalents à la consommation de l’agglomération cayennaise. Le projet ferait augmenter l’empreinte carbone de la Guyane d’au moins 50% sans oublier les risques générés par le stockage de 350 millions de tonnes de déchets répandus sur 400 ha en partie retenus par une digue de 57 m de haut et 1,9 km de long. Drainage minier acide et rupture de digue menaceraient telle une épée de Damoclès tout l’aval du bassin. L’impact sur la santé humaine par la contamination aux métaux lourds, déjà préoccupante en Guyane, serait alors catastrophique.

Des milliers d’ha de forêt tropicale et d’espèces vivantes détruits

Situé à moins de 500 m des deux réserves biologiques intégrales Lucifer et Dékou-Dékou, le projet entraînerait non seulement une fragmentation de la forêt (3) limitant les échanges indispensables entre les deux réserves biologiques mais aussi un effet de lisière important. Les détonations journalières associées à la poussière, au bruit et à la lumière entraîneront inévitablement la fuite de la faune et l’altération des végétaux jusqu’à plusieurs kilomètres dans la forêt limitrophe. Plus de 1150 espèces végétales ont été relevées sur le site (4) (inventaire non exhaustif). En Guyane, l’immense complexité des écosystèmes et la variabilité de la composition spécifique est encore relativement peu connue, des espèces végétales et animales continuent d’être découvertes à chaque exploration approfondie (5). Toute destruction d’un pan de cette forêt millénaire entraînerait une perte irréversible de nombreuses espèces biologiques rares ou même inconnues (6) et renforcerait la 6e extinction de masse déjà signalée par les scientifiques (7).

Aussi techniquement élaboré qu’il soit, aucun essai de revégétalisation ne parviendrait jamais à restaurer l’état initial.

Un site archéologique remarquable : haut lieu de mémoire amérindienne

De plus le lieu abrite un grand nombre de sites archéologiques (8) avec une quinzaine de « Montagnes couronnées » recelant un grand nombre d’urnes funéraires. C’est le plus grand rassemblement jamais découvert en Guyane qui entoure la vallée convoitée par la compagnie minière. Ce site, qui a été visité pendant au moins 400 ans, représente un véritable sanctuaire pour les populations amérindiennes qui sont fortement opposées au projet.

D’autres modes de développement sont possibles

En autorisant un tel projet, la France risque aussi d’ouvrir, telle une boite de Pandore, la voie à d’autres convoitises. Elle s’enorgueillirait plutôt de préserver ce patrimoine guyanais, seule forêt tropicale humide de la communauté européenne, en soutenant des projets de développement mieux adaptés aux besoins de la population et aux enjeux de la transition écologique et énergétique.

Avis négatif non négociable à ce projet

Pour toutes ces raisons, et suivant votre préconisation « Make our planet great again », Monsieur le Président de la République, nous vous demandons, au nom de la lutte contre le changement climatique, de la préservation de la biodiversité et du principe de précaution, de donner un avis négatif à ce projet.

Références :

(1) Montagne d’or : Un mirage économique ? Analyse du WWF France, Septembre 2017. https://fr.slideshare.net/WWF_Franc...

(2) Sabatier D. et al., 2018. Forçages environnementaux et anthropiques du turnover forestier, conséquences sur la diversité des communautés d’arbres en forêt tropicale (DYNFORDIV). Rapport final du Programme de recherche ECOFOR « Biodiversité, gestion forestière, changement climatique et politiques publiques » : 88-89.

(3) Soulignons que les effets de la fragmentation des milieux naturels s’avèrent beaucoup plus graves que prévus : ils sont considérés comme de véritables bombes à retardement http://www.futura-sciences.com/plan...

(4) Dans le périmètre du site minier, de la piste et de la ligne : https://extranet.debatcndp.fr/index...

(5) À titre d’exemple l’expédition « Planète revisitée » menée par le MNHN en partenariat avec l’ONG ProNatura et qui s’est déroulée pendant un mois en 2015 sur le massif du Mitaraka dans le Sud de la Guyane a permis la description de 66 espèces nouvelles pour la Science et 29 premiers signalements pour la Guyane.

(6) Biotope, 2017. État initial du milieu biologique du projet minier de Montagne d’Or, Volet Mine. WSP, NORDGOLD. https://extranet.debat-cndp.fr/inde...

(7) Ceballos G., Ehrlich P. R. , & Dirzo R. , 2017. « Biological annihilation via the ongoing sixth mass extinction signaled by vertebrate population losses and declines » in Proceedings of the National Academy of Sciences of the United States of America (PNAS) http://www.pnas.org/content/114/30/E6089

(8) Mestre M., Rostan P. & al..,2016. Rapport d’opération. Étude d’impact archéologique, Projet minier de la Montagne d’or, INRAP, 2016 https://www.extranet.debat-cndp.fr/...

Pour plus d’informations :

https://montagnedor.debatpublic.fr/

http://ordequestion.org

Contact : manifestemontagnedor@gmail.com


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