L’imposition par François Fillon d’un service minimum ne peut qu’inciter à faire des grèves "sauvages" puisque ce sera le seul moyen de marquer le coup

jeudi 24 mai 2007.
 

Le premier ministre, monsieur Fillon, a déclaré qu’il laissait aux syndicats trois mois pour faire leurs propositions concernant la mise en place du service minimum après quoi il déposerait lui-même un texte de loi si rien ne lui était proposé.

Bingo ! C’est fort : il s’agit de demander aux syndicats de proposer eux-mêmes ce qu’ils ont toujours refusé jusqu’à ce jour. S’ils ne le font pas le premier ministre prendra l’opinion à témoin : "Regardez ces gens qui refusent de dialoguer. Ce sont des sectaires qui se moquent de l’intérêt général". Les gros beaufs branleront du chef compulsivement. Et les bons esprits modernes de la gauche non archaïque (futur sollicités pour faire ministres de gouvernement de droite "sans abandonner ses convictions !") lèveront les yeux au ciel avec des soupirs navrés. Moi, je ne suis pas d’accord avec le service minimum.

Chaque fois que la question a été posée, c’est à dire après chaque victoire électorale de la droite et après chaque grève massive dans les services publics, j’ai remarqué que nous n’étions qu’une poignée d’élus politiques à gauche pour aller braver les partisans du bon sens et de l’ordre tranquille sur les plateau de télé.

Apparemment ça s’est su. Je l’ai payé. Un jour à Orly, j’allais prendre un avion pour Strasbourg (une des lignes les plus pourries de l’aviation civile que l’on peut dorénavant s’épargner en prenant le TGV). Le personnel de piste s’était mis en grève "sauvage". Dès que l’information en a été donnée, c’est à dire après une heure d’attente sans explications, des gens très énervés ont commencé à protester haut et fort. On comprend. Moi même je ne peux pas dire que je nageais dans l’allégresse....Puis quelques excités se sont mis à dire les sottises que vous connaissez sur les "planqués qui se la coulent douce", etc... Puis un ou deux s’en sont pris à moi : "alors vous êtes content ! La voila votre grève ! Ah ils sont beaux vos amis " et ainsi de suite. C’est comme si j’avais donné le mot d’ordre de grève.

"Grève sauvage" ! Qu’est ce qu’une grève sauvage ? Une grève sans préavis. Le préavis est devenu obligatoire sous De Gaulle. L’idée c’était que le préavis donnait un délai pour discuter et régler le problème sans besoin d’aller au conflit ouvert. Supposons que le préavis soit déposé. Dans combien de cas discute-t-on pour éviter le conflit ? Pratiquement jamais. Qui ne veut pas discuter ? L’employeur. Pourquoi ? Pour ne rien céder si c’est possible, en comptant que les salariés n’ont pas les moyens de tenir la grève assez longtemps pour l’obliger à composer.

Toute grève est donc un échec dont la responsabilité n’est pas du fait des grévistes. Ce n’est pas facile à expliquer, surtout à ceux qui se sont au moins une fois heurté à un train qui reste à quai à la fin d’une journée de travail crevante ou à ceux qui se sont trouvé coincés dans un de nos riant aéroports à attendre des explications concernant l’annulation de leur vol. N’empêche. On n’a pas fini d’en parler. La grève est un échec. C’est parce qu’on ne peut faire autrement pour se faire entendre qu’on fait grève. Ce n’est jamais une partie de plaisir pour ceux qui la font : ils y perdent du salaire et vivent un stress d’autant plus grand qu’ils mesurent eux-mêmes l’ampleur de la gène qu’ils provoquent en connaisseurs qu’ils sont d’un service qu’ils font tourner tout le reste du temps..

On n’a pas fini d’en parler ! Car le droit de grève est un droit constitutionnel. Et, je le signale, c’est un droit individuel. Donc une liberté individuelle. Quoi qu’en pensent les porteurs de gros sabots la matière est délicate à manier dans ce genre de domaine.

On n’a pas fini d’en parler ! Car de plus si l’idée parait simple comme un mouvement de menton, elle est cependant assez compliquée à mettre en oeuvre.... Voyons ça...

L’EXEMPLE DES TRANSPORTS

Voyons le cas des transports. C’est celui qui vient toujours sur la table dans la mesure où il permet d’essayer de mettre du côté du service minimum les milliers de gens qui sont abandonnés sur les quais. Et parmi eux, souvent, les conjoints même des grévistes.... Voyons de près. Le programme de l’UMP parle d’un service minimum de trois heures le matin et trois heures le soir. Cela veut dire six heures de travail pour les réquisitionnés. La journée de travail est de huit heures.

Le service minimum est donc égal au trois quarts du service ordinaire.... Et ensuite ? Le conducteur de la rame ou du train laisse-t-il son véhicule à quai à l’endroit où il est parvenu au bout de trois heures de service ? Vue de l’esprit : le service suivant serait tout simplement un pur chaos. Dans le contrôle aérien l’idée d’une tour de contrôle qui fonctionne à temps partiel est tout simplement interdit par le système international.

Je reviens vers les quais. Que se passe-t-il pendant les trois heures de service minimum ? Compte -t-on que les voyageurs de toute la journée v ont rabattre leurs déplacements sur les heures praticables ? Combien de monde cela fait-il ? Ne cherchez pas, la réponse est toujours absurde. Car ce sera trop de toutes façon. En effet il est impossible de faire rouler davantage de train aux heures concernées. Si on le pouvait on le ferait déjà tout le reste du temps pour écluser le flux des heures de pointe. Le nombre de trains restera donc le même. "Les gens se serreront" affirment ceux qui ne prennent pas le train le matin et ne savent donc pas à quel point on se serre déjà ! Mais de toutes façon la réplique ne tient pas : dix pour cent de fréquentation supplémentaire aux heures de pointe bloqueraient physiquement le système qui est déjà souvent à la limite de tension.

JE MESURE LA GENE

Déjà je vois ceux que tous ces points concrets exaspèrent parce qu’ils les privent du pseudo argument de "bon sens", rougir de colère : "mais enfin vous ne comprenez pas la gène que c’est pour les gens qui doivent aller au travail ? Que proposez vous ? Vous ne proposez rien ! Vous êtes la vieille gauche arc boutée sur des privilèges dépassés". Je comprends la gêne. Et je la mesure. Au sens littéral. Les grèves de transports ces dernières années ont représenté trois pour cent des disfonctionnements en région parisienne.

Trois pour cent de l’immense trafic trains, métro, RER. Pas davantage. Et le reste ? C’est quand même le reste le gros morceau non ? C’est là qu’il y a le plus de marge de confort à gagner, en toute logique. Qu’est ce que ce reste de 97 % de disfonctionnement ? Des incidents liés à la vétusté du matériel, à sa surcharge, aux saisons, au signal d’alarme intempestifs, et...aux suicides. Voila donc ma conviction : les principes, les faits constatés nous montrent que le service minimum est un prétexte politique contre le droit de grève. Le but de la droite est d’obtenir comme elle l’a dit un "mai 68 à l’envers". Et 1968 ce n’est pas seulement l’action héroïque de Daniel Cohn Bendit pour obtenir le droit à la mixité dans les résidences universitaires ! C’est la grève générale de dix millions de travailleurs s’achevant par la reconnaissance de la section syndicale dans l’entreprise formidable point d’appui pour l’organisation collective des travailleurs. Et bien sûr cette organisation collective cela veut dire notamment la possibilité de faire grève quand on ne peut pas se faire entendre.

PROPOSER ?

Que proposer ? A quel propos ? Pour éviter les grèves il faut du dialogue social et de la négociation. Le problème qui est posé est celui du comportement de l’employeur qui ne discute pas. S’en prendre aux travailleurs est absurde. Cela ne règlera rien. Au contraire l’imposition d’un service minimum ne peut faire qu’inciter à faire des grèves "sauvages" sans service minimum puisque ce sera le seul moyen de marquer le coup. On n’a pas fini d’en parler.


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