Le printemps antinucléaire ne s’arrêtera pas

dimanche 1er avril 2018.
 

Entretien avec Mathilde Panot, députée LFI, organisatrice de la votation citoyenne sur la sortie du Nucléaire.

Plus de 300 000 personnes ont participé à la votation citoyenne pour la sortie du nucléaire organisée du 11 au 18 mars dernier et 93% des votants se sont exprimés pour la sortie du nucléaire. Etes-vous satisfaite de cette participation et de ce résultat ?

Cette votation est un grand succès. Nous avons mené une campagne intense dans le pays entier. Plus de 1 500 points de votation ont été organisés dans tout le pays, une soixantaine de réunions publiques ont permis de faire vivre cette campagne partout. 315 000 personnes se sont déplacées, ou ont voté par internet pour s’exprimer sur le sujet. Parmi elles, certains sont mineurs de moins de 16 ans et d’autres sont étrangers. Nous avons fait vivre concrètement, pour un instant politique au moins, notre idée de 6e République.

Au-delà des chiffres, quel bilan politique tirez-vous de cette initiative ?

Il y a deux enseignements à tirer de ce moment politique important pour notre mouvement comme pour le pays. Tout d’abord, la France insoumise affirme une capacité d’organisation et de rassemblement décisive. Les insoumises et insoumis se sont engagés avec énergie pour produire ce magnifique résultat. C’est une fierté que d’animer une campagne pareille. Des convergences se sont tissées entre de nombreux militants de la lutte antinucléaire et les nôtres, comme avec les défenseurs des énergies renouvelables. Nous avons donné une expression politique à des actions concrètes et à des luttes fondamentales pour l’avenir de notre pays.

Et c’est cela, la seconde leçon de cette votation : la question nucléaire interroge beaucoup dans le pays. Le danger du nucléaire, ses coûts exorbitants et le frein considérable que ceux-ci posent aux énergies renouvelables sont autant d’enjeux qui doivent susciter une discussion sur une question trop souvent mise à l’écart de la délibération démocratique. Jamais autant de nos concitoyennes et concitoyens se sont exprimés sur cette question. Pour donner un exemple, la plus grande pétition contre le nucléaire avait réuni 60 000 personnes. Une étape décisive a été franchie avec cette votation.

A quoi vont servir ces résultats désormais ? Cette votation marque-t-elle la fin de la campagne de la France insoumise sur le nucléaire ?

Cette votation a clairement montré notre volonté de fixer un nouvel horizon énergétique pour le pays : le 100% renouvelables. Pour cela, il faut non seulement investir massivement dans les techniques existantes comme dans des programmes de recherche et développement, mais il nous faut également reposer sur deux autres éléments tout aussi fondamentaux : l’efficacité énergétique et la sobriété énergétique. C’est important d’insister là-dessus car la question écologique suppose que nous changions nos modes de vie, et ce de façon à faire face au principal défi de notre temps, le changement climatique, mais aussi pour renouer avec la beauté de l’engagement politique : construire collectivement les conditions du bonheur. L’écologie politique s’est pensée comme cela, et nous en reprenons désormais le flambeau : la société de consommation et de gaspillage sème la tristesse et la dépression partout où elle existe. Une société organisée autour de l’impératif écologique doit au contraire faire passer l’humain et la nature avant les principes cupides d’accumulation.

Dès lors, c’est comme une évidence que la campagne nucléaire ne saurait s’arrêter là. L’opposition au nucléaire est consubstantielle du soutien aux renouvelables, et l’un des objectifs principaux de la France insoumise est précisément de présenter un nouvel horizon énergétique pour le pays, celui de la planification écologique proposée par L’avenir en commun.

Nous allons continuer donc, non seulement à travers de réunions publiques dans le pays – le thème n’est pas épuisé par la votation ! – mais également à partir des ateliers des lois organisés partout dans le pays par Gabriel Amard. A l’Assemblée, nous continuerons le dialogue engagé au début de cette campagne avec toutes les forces de l’écologie. A partir de ces deux sources, nous soumettrons une proposition alternative de programmation pluriannuelle de l’énergie. Sur ce sujet comme sur tant d’autres, nous sommes la seule alternative à l’archaïsme macroniste.

L’enjeu c’est de contraindre le gouvernement a un débat public sur cette question ? Soumettre le nucléaire à la démocratie, vous croyez que c’est possible ?

Le refus du dialogue et de la discussion caractérise ce gouvernement depuis le début. Macron et ses ministres passent leur temps à dire le contraire, mais c’est toujours la même rengaine : le passage en force accompagné d’une invitation à la discussion. Dire une chose et faire son contraire, c’est refuser le débat démocratique. C’est leur habitude.

Nous ne renonçons pas pour autant à ce qu’ils reconnaissent l’importance de notre votation et qu’ils entendent cette voix importante qui dans le pays dit qu’il y en a assez du nucléaire et des arguments bidons pour le défendre. Nous sommes prêts à débattre publiquement avec les responsables du gouvernement, et allons demander un rendez-vous au Premier Ministre sur cette question essentielle.

Soumettre le nucléaire à la démocratie, ce n’est pas chose facile. Il ne faut pas oublier que le nucléaire civil est issu du nucléaire militaire, que le poids du secret pèse beaucoup. Qu’une députée LREM se sente autorisée à suggérer que les gendarmes tirent sans sommation sur les militants de Greenpeace en dit long, en soi, sur leur conception de la démocratie ! La machine économique nucléaire, même si elle est extrêmement coûteuse pour le pays, voit tout de même passer suffisamment de milliards pour qu’elle mette toute l’énergie du monde à se maintenir.

Dans le même temps que cette votation, il y a une forte activité du mouvement anti-nucléaire avec la mobilisation à Bure contre le centre d’enfouissement des déchets radioactifs, la venue en France de l’ancien Premier ministre japonais en poste au moment de la catastrophe de Fukushima, des ateliers des lois organisés par la FI etc. Peut-on parler d’un nouveau printemps du combat anti-nucléaire en France ?

La flamme du combat antinucléaire s’est ravivée, sans aucun doute. Nous arrivons au printemps, et nous espérons que les suites que nous envisageons pour la campagne vont continuer à lui donner de l’ampleur. Le gouvernement doit être placé face à ses responsabilités historiques. Le Premier Ministre Naoto Kan n’en revenait pas des conditions invraisemblables de dépôt des déchets nucléaires à La Hague : tout regard extérieur au lobby

nucléaire est consterné des risques considérables qui sont pris pour la sécurité de nos concitoyennes et concitoyens. Le printemps antinucléaire a commencé, et il ne s’arrêtera pas au rythme des saisons.

Comment s’inscrit la FI dans ce mouvement et cette bataille au long cours ?

Elle s’inscrit dans ce combat comme dans tous les siens : avec détermination, force de la conviction et lutte incessante contre les intérêts des puissants. Cette insoumission s’enracine dans le pays de plus en plus. Elle est endurante, et nos adversaires devraient s’en préoccuper.


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