Une défaite "Jusqu’à l’os" ?

mercredi 16 mai 2007.
 

La gauche a été battue. Elle risque désormais d’être écrasée. La large victoire électorale de Sarkozy ne suffit pas à tous ceux qui piaffent depuis belle lurette en espérant la fin de l’exception française et l’alignement du pays sur le modèle dominant en Europe.

Pour être en mesure d’imposer une telle rupture, ils ont besoin d’autres victoires. Ni le futur Premier ministre, Fillon, ni le numéro deux annoncé du gouvernement, Juppé, ne peuvent ignorer cette exigence. Tout deux savent d’expérience qu’une majorité dans les urnes ne peut à elle seule balayer les résistances. Il leur en faut davantage. Sur le terrain social, bien sûr. Sarkozy semble avoir déjà choisi le terrain de la confrontation imminente : service minimum et régimes spéciaux. Sur le terrain politique également. Pour avoir les mains libres, la droite a besoin de rayer la gauche du paysage. En tout cas celle qui est en mesure de lui résister. La gauche qui leur convient, c’est la gauche impuissante, soit parce qu’elle n’aspire pas à gouverner, soit parce qu’elle gouverne avec eux.

Ils ne se contentent pas de vouloir les pleins pouvoirs. Ils les veulent pour plusieurs générations. J’exagère ? Lisez le Figaro d’aujourd’hui. On y trouve les témoignages d’exilés fiscaux annonçant qu’ils ne reviendront pas en France malgré le bouclier fiscal de Sarkozy. Pourquoi ? Parce qu’ils craignent qu’une future alternance ne remette en cause cet « acquis ». Certains veulent être sûrs qu’ils pourront le jour venu transmettre à moindres frais leur magot à leur descendance. D’autres vont jusqu’à poser comme condition à leur retour que le bouclier fiscal soit inscrit dans la Constitution... Avec de telles exigences, on comprend qu’une victoire à 53% ne suffise pas à leur tranquillité d’esprit.

C’est dire à quel point est irresponsable l’ambiance qui règne au sommet du Parti socialiste au moment où le danger n’a jamais été aussi grand. A l’issue de son conseil national samedi dernier, le PS aura en effet cumulé tous les désavantages. Chacun s’est engagé à ne pas ouvrir le débat de fond pour ne pas diviser le parti. Aucun débat politique n’est donc mis sur la table. Mais tous ou presque font le contraire. Un spectacle désolant de division est dès lors offert au pays et au peuple de gauche. A l’arrivée, il n’y a ni le débat ni la cohésion.

Nous payons là lourdement la crise récurrente du seul parti en mesure de résister électoralement, le PS. Il n’y a plus de lieu de débat sérieux, à l’écart des oreilles médiatiques, où se respecte un minimum de cadre collectif. Lors du CN, quand Vincent Peillon, porte-parole de Ségolène Royal, monte à la tribune, il annonce n’avoir qu’une chose à dire : « silence ». Il ajoute : « je peux faire plus court encore, chut ! ». Au même moment, Ségolène Royal, sortie de la salle dès son discours et celui de Hollande prononcés (elle déclarera : « les positions des autres, je les connais déjà ») est en train de réunir la presse. Devant les membres du CN, elle déclarait que les Français ne comprendraient pas que l’on ait dans ce moment d’autres préoccupations que la préparation des législatives. Devant la presse, elle exige que le prochain Congrès du PS désigne son candidat à la présidentielle de 2012. Le lendemain, François Hollande appelle sur une radio à la création d’un grand parti « qui occupe tout l’espace » à gauche et au centre. Le MRC et le PRG seraient d’accord. Mais au PS, il ne l’a jamais évoqué. Et dès le lendemain Strauss Kahn fustige la manœuvre et désigne Hollande comme le principal responsable de la défaite.

Mettez bout à bout les déclarations de ces éminents socialistes. C’est un parti de « vieux croûtons » qui n’a rien fait depuis 5 ans (DSK), c’est lui qui a fait perdre la gauche (Royal), il a commis l’erreur de sous-traiter son espace à une gauche radicale qui n’existe plus et un centre qui lui existe (sic) (Hollande)... La droite n’a même plus à faire campagne !

D’autant qu’au même moment, diverses personnalités socialistes défilent auprès de Nicolas Sarkozy pour discuter ministères. Bernard Kouchner, chargé de l’innovation sociale et politique (en la matière nous sommes servis) auprès de François Hollande, hier favorable à l’union avec Bayrou comme seul moyen de contrer Sarkozy, ne dément pas qu’il réfléchit à devenir son ministre. Quelle que soit l’issue de ces marchandages, l’effet recherché aura été produit. D’un côté le PS se divise, de l’autre Sarkozy rassemble les Français. Et pulvérise au passage le principal ressort de la campagne des présidentielles : sa propre diabolisation. Si Sarkozy n’est plus le diable et que le PS est vécu comme une machine à perdre, un scénario de dévissage brutal peut se mettre en place aux législatives. La gauche serait alors réduite mise en pièces jusqu’à l’os. Pour l’éviter il est urgent de redresser le cap.


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