Macron et sa grande coalition

dimanche 21 janvier 2018.
 

Vendredi 12 janvier, CDU-CSU et SPD signaient en Allemagne un accord de gouvernement pour reformer une grande coalition. Après les élections du 24 septembre 2017, on en revient donc à la case départ.

En Allemagne comme ailleurs en Europe, la crise démocratique s’approfondit. Les gouvernements de grande coalition nés de l’effondrement de la social-démocratie ont été confrontés à –ou complices de- leur propre impuissance devant l’Union européenne et ses politiques comme on l’a vu en Espagne ou en Italie notamment. Sanctionnés dans les urnes, s’installent alors des situations de paralysie démocratique : cinq mois en Espagne en 2016, quatre mois cette fois en Allemagne, un blocage institutionnel permanent en Italie… qui laissent des pays temporairement ingouvernables et ingouvernés.

La seule sortie de crise qu’ils sont alors en capacité de proposer est la reformation, sur les mêmes bases, des mêmes mécanos électoralistes, compromis pourris entre une politique de droite et une politique de droite.

Entre-temps, chacun des anciens acteurs s’est retrouvé affaibli. En Allemagne, CDU, CSU, SPD ont chacun obtenu en septembre dernier leur score le plus faible depuis 1949. A eux trois, ils totalisent 53,4% des voix, soit 13,8 points de moins qu’aux législatives de 2013. En Espagne PP et PSOE ont perdu la majorité électorale qu’ils formaient pourtant largement à eux seuls depuis la transition démocratique de 1978.

A l’heure où le Président Macron propose avec l’Allemagne un condominium sur l’Europe, le phénomène mérite d’autant plus d’être observé qu’il a importé le concept de grande coalition, mais, apparence de la nouveauté oblige, en le rassemblant autour de sa seule personne au détriment des vieux partis. L’idée n’en apparaît pas moins comme politiquement datée. LREM et le gouvernement ont ainsi tendance à vouloir asphyxier la sphère démocratique, accaparant à eux seuls la majorité et l’opposition.

En organisant un ministère de la parole dont Christophe Castaner et Benjamin Grivaux sont les émetteurs, ce dernier, porte-parole du gouvernement, dénonçant encore par exemple la crise sanitaire au coeur de laquelle se trouve Lactalis alors même que c’est son gouvernement qui est en responsabilité. Mais aussi en essayant de redessiner le champ parlementaire, LREM et ses potentiels dissidents menaçant le groupe de scission pour mieux singer leur propre opposition.

En allant au bout de la logique initiée par Nicolas Sarkozy en 2007 de triangulation et de débauchage de personnalités, M. Macron s’est contenté de franciser l’idée de grande coalition, ultime avatar des politiques européennes vers lesquelles M. Macron entend se tourner en retour avec tant d’ardeur aujourd’hui. Mais les mêmes causes produisant les mêmes effets, M. Macron aurait tort de mettre des oeillères pour ne pas voir ce qui se passe désormais aux quatre coins de l’Europe.

2017 a été balayé par une vague dégagiste. Celle-ci n’a certes pas tout emporté. Mais les mouvements de fond que l’on constate à l’échelle du vieux continent laissent entendre que l’océan ne se retire jamais que pour mieux revenir au rivage.

François Cocq


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