Suisse, Irlande, Luxembourg, Pays-Bas Ces paradis fiscaux protégés par l’Union Européenne

samedi 13 janvier 2018.
 

A) Au moins 35 pays doivent figurer sur la liste noire européenne des paradis fiscaux

Pour être efficace, la liste noire européenne des paradis fiscaux que l’Union européenne (UE) devrait publier la semaine prochaine doit comporter au moins 35 pays, dont des paradis fiscaux notoires tels que la Suisse et les Bermudes. Une étude publiée aujourd’hui par Oxfam montre également que, si l’UE appliquait ses propres critères aux États membres, au moins quatre pays européens figureraient sur cette liste. L’organisation de lutte contre la pauvreté craint que, du fait de pressions politiques internes et externes, des paradis fiscaux clés ne soient absents de la liste noire officielle de l’UE.

L’UE est en train d’élaborer une liste noire des paradis fiscaux, analysant 92 pays et autres juridictions selon trois grands critères, dont la transparence fiscale et des politiques favorisant des transferts de bénéfices massifs. Ces critères excluent toutefois les États membres de l’UE, ce qui signifie que des paradis fiscaux majeurs sont omis.

Oxfam a appliqué les propres critères de l’UE aux 92 pays passés au crible par l’UE, ainsi qu’aux 28 États membres de l’UE. Selon son analyse, au moins 35 pays non-membres de l’UE devraient figurer sur la liste noire européenne des paradis fiscaux, ainsi que quatre États membres : l’Irlande, le Luxembourg, les Pays-Bas et Malte.

Oxfam redoute que, malgré ces résultats sans équivoque, les gouvernements européens ne présentent une liste noire bien maigre, voire vide. Cette liste noire est élaborée dans le plus grand secret, les citoyennes et citoyens n’ont donc aucun droit de regard. La présidence maltaise de l’UE a publiquement préconisé une liste noire vide. En outre, à la suite d’une réunion avec les ministres des Finances européens, le gouvernement suisse a ouvertement déclaré que son pays ne devrait pas figurer sur cette liste.

Source : https://www.oxfam.org/fr/salle-de-p...

B) Précisions d’Aurore Chardonnet, responsable Oxfam

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« Notre rapport dresse la liste noire des paradis fiscaux telle qu’elle devrait être réellement si l’UE appliquait objectivement ses propres critères sans céder aux pressions politiques. Cependant, l’opacité dans laquelle cette liste est élaborée tient les citoyennes et citoyens à l’écart et laisse les paradis fiscaux libre d’user de leur influence politique et économique pour éviter d’y figurer. Le risque est très réel que l’UE aboutisse à une liste noire vide.

« Si l’UE entend mettre un terme aux scandales fiscaux, tels que les « Paradise Papers », les « Panama Papers » et les « Lux Leaks », il est important qu’elle adopte une liste noire des paradis fiscaux rigoureuse, objective et cohérente. Les gouvernements européens ont le choix entre mettre un terme aux effets nuisibles des paradis fiscaux dans les pays en développement et dans les pays de l’UE ou donner carte blanche aux paradis fiscaux. »

L’étude d’Oxfam montre que les profits réalisés dans les paradis fiscaux sont démesurés par rapport à l’activité économique réelle des pays en question. Par exemple, les montants des revenus issus des redevances et des services financiers que certains paradis fiscaux attirent sont tout simplement absurdes. Les Bermudes, où se trouve le siège d’Appleby, le cabinet au cœur de l’affaire des Paradise Papers, attirent des profits d’une valeur environ 4,5 fois supérieure au produit intérieur brut (PIB) du pays. Aux Bahamas, c’est le double du PIB national.

Les multinationales recourent en outre souvent à des prêts artificiels pour transférer leurs bénéfices au moyen du paiement d’intérêts entre leurs filiales. L’étude d’Oxfam révèle que les revenus générés par ces intérêts représentent 73 % du PIB des îles Caïmans, 40 % du PIB des Bermudes et 25 % du PIB du Luxembourg.

Oxfam reproche par ailleurs à l’UE de ne pas s’attaquer au nivellement par le bas de l’impôt des sociétés. Les gouvernements continuent dès lors de proposer aux grandes entreprises des accords fiscaux qui permettent à ces multinationales de ne pas payer leur juste part d’impôt, au détriment des autres contribuables, tant européens que des pays en développement. L’ONG appelle l’UE à améliorer ses critères d’identification des paradis fiscaux, afin qu’ils tiennent compte de toutes les pratiques fiscales dommageables et incluent les paradis fiscaux au sein de l’Union européenne.

« Les paradis fiscaux permettent une évasion fiscale d’une ampleur considérable. Ils privent les pays de centaines de milliards de dollars, alimentant la pauvreté et les inégalités. S’ils comptent vraiment combler le fossé entre les riches et les pauvres, les pays européens doivent placer l’intérêt de leurs citoyennes et citoyens au-dessus de celui des paradis fiscaux et des multinationales. Des sanctions rigoureuses contre les paradis fiscaux figurant sur la liste noire sont nécessaires pour éviter qu’ils ne s’en sortent en toute impunité », insiste Aurore Chardonnet.

C) L’hypocrisie européenne sur les paradis fiscaux

Oxfam a publié un nouveau rapport aux conclusions cinglantes sur l’évasion fiscale. Selon l’ONG, qui cite, comme contre-exemple absolu, la liste noire de l’OCDE qui ne contenait qu’un seul pays, Trinité-et-Tobago, l’UE pourrait être en train de donner «  carte blanche  » à la fraude massive des grandes entreprises et des multinationales. En se basant sur des éléments interprétés de manière «  conservatrice  » – avec une certaine mansuétude –, Oxfam décèle tout de même 35 territoires qui, selon elle, devraient figurer sur la liste noire  : Albanie, Bahamas, Macédoine, Bahreïn, Émirats arabes unis, Nouvelle-Calédonie, Jersey, îles Caïmans, Serbie, Suisse, Singapour, Hong Kong, Taïwan, etc.

Mais l’ONG va plus loin en dénonçant le point aveugle de la liste noire de l’UE puisque celle-ci refuse d’y mettre ses propres États membres. «  Cette approche nuit considérablement à la crédibilité du processus, car plusieurs États membres comme l’Irlande, le Luxembourg et les Pays-Bas figurent parmi les paradis fiscaux les plus puissants au monde, permettant à certaines des plus grandes entreprises d’être assujetties à une fiscalité minimale, dénoncent les auteurs du rapport. Cela a été confirmé par la Commission européenne à la suite d’une série de décisions marquantes à l’encontre d’Apple, d’Amazon et de Starbucks. Ces mêmes pays sont une nouvelle fois pointés du doigt dans les récents scandales fiscaux, y compris les Paradise Papers. Selon Oxfam, l’UE devrait commencer par balayer devant sa porte en matière de lutte contre l’évasion fiscale, en faisant apparaître les pays de l’UE incriminés dans sa liste.  » Selon le document publié hier, au moins quatre pays de l’UE devraient dès lors être mis en avant dans la liste noire à paraître la semaine prochaine  : l’Irlande, le Luxembourg, Malte et les Pays-Bas.

Porte-parole d’Oxfam, Manon Aubry pointe la responsabilité de Paris dans le fiasco qui s’annonce. «  La France a également l’occasion de dépasser le ridicule actuel de sa liste de paradis fiscaux, qui ne comporte guère que 7 juridictions, dont aucun État cité par les Paradise Papers. Pour être crédible dans la lutte contre l’évasion fiscale, la France doit non seulement défendre une liste ambitieuse au niveau européen mais elle peut aller plus loin en s’attaquant aux pratiques fiscales dommageables de ses voisins européens. Les paradis fiscaux permettent une évasion fiscale d’une ampleur considérable. Ils privent les pays de centaines de milliards de dollars, alimentant la pauvreté et les inégalités. S’ils comptent vraiment combler le fossé entre les riches et les pauvres, les pays européens doivent placer l’intérêt de leurs citoyennes et citoyens au-dessus de celui des paradis fiscaux et des multinationales.  »


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