Reconstruire le lien entre l’Homme et la Nature : c’est urgent, mais comment faire ?

jeudi 28 décembre 2017.
 

Il semblerait, d’après un livre récemment paru, reposant sur différentes enquêtes, que les Français sont, parmi les Européens, les moins soucieux de leur lien avec la nature.

On peut rester perplexe devant une telle publication en raison de l’abondante diversité des associations naturalistes et écologiques, du développement du « tourisme vert », mais le problème à le mérite d’être posé. Et celui-ci questionne plus généralement le rapport de l’Homme et de la Nature.

Dans l’émission de France Inter La tête au carré du 14 décembre 2017 a été abordé le lien des Français avec la nature. « A-t-on perdu notre lien avec la nature ? » s’intitule l’émission que l’on peut réécouter en cliquant sur l’un des liens suivants :

https://www.franceinter.fr/emission...

https://www.franceinter.fr/emission...

Sont invoquées comme causes d’altération du lien avec la nature :

- la religion chrétienne et la philosophie des lumières du XVIIIe siècle qui subordonne la nature à la volonté humaine c’est-à-dire instaure un rapport de domination entre l’homme et la nature.

- Une cause plus ancienne invoquée est la découverte de l’élevage, donc de la domestication des animaux à des fins utilitaires à laquelle on pourrait évidemment adjoindre le développement de l’agriculture qui a eu un impact et a toujours un impact considérable sur les sols, la flore et la faune.

Ce qui n’est pas invoqué suffisamment c’est l’idéologie productiviste tant capitaliste que socialiste étatique dont le seul but est le développement des forces productives sans limite et sans discernement aveuglé par l’illusion que ce développement pourrait aboutir à une société d’abondance. C’est l’idéologie de la croissance, maître mot dans les discours politiques des dirigeants libéraux contemporains.

Une autre cause est insuffisamment invoquée : celle de l’urbanisation sacrosainte.

Bon nombre d’enfants des cités ou de zones pavillonnaires de banlieue n’ont aucun contact avec la nature et n’ont jamais pu percevoir le mouvement de la Lune dans le ciel leur donnant une idée concrète de notre rapport au cosmos.

N’est pas vraiment abordé ce qui distingue par exemple la France de l’Allemagne sur la sensibilité de la population aux questions écologiques.

Il suffit de consulter une carte des zones d’activité économique en Allemagne pour comprendre combien le territoire est très largement occupé par des espaces industrialisés au détriment d’espaces naturels

Voir carte ici

En comparaison, la France dispose d’un espace forestier champêtre beaucoup plus important pouvant donner l’impression à l’échelle individuelle que les ressources naturelles sont quasi limitées.

Cette impression purement subjective n’induit pas automatiquement l’idée d’une protection nécessaire des ressources naturelles.

Le peu d’intérêt des médias à l’égard du dispositif français et européen Natura 2000 pour la préservation des espaces naturels montrent une certaine indifférence à l’égard de ces questions.

Voir Natura 2000

Pour comprendre ce qu’est le réseau Natura 2000 voir Wikipédiaici

En outre, de vastes espaces sont cultivés et notre rapport à la terre se trouve ainsi instrumentalisé par des considérations économiques.

Ces considérations économiques rendent aussi quasi inatteignables les beaux objectifs de Natura 2000. Dans un article du Monde de 2012, on pouvait lire que seulement 17 % des espèces supposées être protégées par Natura 2000 ne vivaient pas dans des espaces dégradés.

Il ne suffit pas de vouloir accroître les espaces naturels européens de 25 000 km², encore faut-il être capable de les protéger.

Voir article du Monde ici

Une intervenante nous indique qu’il serait souhaitable qu’un certain droit de la nature soit reconnu par le droit international comme cela existe dans certaines régions du monde.

Il est étonnant que celle-ci ne fasse pas référence aux travaux de l’anthropologue Philippe Descola fondateur au collège de France d’une chaire d’anthropologie de la nature dont nous avons rendu compte dans un article précédent

On peut par exemple se reporter à une interview de Philippe Descola concernant son ouvrage « Par-delà nature et culture ». https://www.youtube.com/watch?v=Upu...

Résumé de l’ouvrage[ ici

Mentionner les travaux de cet anthropologue aurait permis d’aller encore plus profondément dans l’analyse de notre rapport avec la Nature.

Rappelons que celui-ci distingue quatre matrices ontologiques structurant l’ensemble des civilisations humaines : l’animisme, le naturalisme, le totémisme et l’analogie isme.

Voir les définitions ici

Dans la conception naturaliste, qui domine le monde occidental depuis le XVIIe siècle, il existe une coupure entre nature et culture, coupure qui n’existe pas dans les trois autres matrices. Philippe Descola est partisan d’établir un droit pour protéger la nature de la prédation dévastatrice de l’homme.

On peut par ailleurs se reporter à une conférence du collège de France du 20/10/2017  : «  La nature, sujet de droit ». Que l’on peut visionner en cliquant ici http://www.college-de-france.fr/sit...

Si l’éducation des enfants à l’école est dans la famille est nécessaire pour restaurer le lien entre les individus et la nature dans un rapport qui ne soit pas de domination et de prédation, cela n’est pas suffisant car ce sont les structures socioéconomiques productivistes et consuméristes qu’il faut changer sachant qu’il est bien connu que la notion de « capitalisme vert » est une vaste fumisterie. l’intervenante dans l’émission a donc tout à fait raison de poser le problème de la propriété des espace naturels et de restaurer la notion de commun même si elle utilise pas explicitement ce mot.

C’est en revanche celui qu’utilise le conférencier spécialiste de droit de la nature au niveau international lors de son exposé au collège de France après avoir examiné dans différents pays la décision de conférer une personnalité juridique à la nature notamment en Équateur et en Bolivie mais aussi récemment depuis mars 2017 en Inde et en Nouvelle-Zélande où il a été décidé de donner une personnalité juridique à deux grands fleuves.

La gestion collective et démocratique des écosystèmes considérés comme des communs semblent être d’après les expériences recensées la solution la plus efficace.

Hervé Debonrivage


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