Portugal – « Plus aucun sacrifice pour l’euro »

jeudi 26 octobre 2017.
 

Le parti du Bloco de Esquerda (Bloc de gauche) accueille le Sommet du Plan B à Lisbonne les 21 et 22 octobre, en réponse au dixième anniversaire de la signature du traité européen dans cette ville https://euro-planb.pt/ . Ce cinquième Sommet du Plan B intervient dans un contexte particulier en Europe mais également dans la politique intérieure portugaise.

Luis Fazenda, fondateur du Bloco et responsable international et Marisa Matias, députée européenne répondent à nos questions.

Lisbonne est un lieu symbolique pour les questions européennes. Vous allez accueillir le prochain Sommet du Plan B. Pourquoi avez-vous tenu à organiser cet événement ?

Luis Fazenda : La démocratie et les droits sociaux sont attaqués partout par les traités européens. Il faut une réponse commune de tous les mouvements progressistes, politiques et sociaux. Surtout quand la droite, l’extrême-droite et les néolibéraux forment actuellement une majorité. Nous devons organiser la résistance et préparer l’alternative. Le Plan B est une plateforme démocratique qui veut permettre une plus grande coopération des peuples européens, contre la soumission actuelle à ces Traités. Le Sommet du Plan B tombe dans un moment crucial. Il vient aider le rapport de force que nous menons avec le gouvernement portugais. Cette chaine de solidarité de Paris à Copenhague à Rome, Madrid et ailleurs crée une nouvelle dynamique en Europe.

Marisa Matias : Nous sommes en pleine négociation sur le prochain budget national. Nous avons déjà obtenu quelques garanties. Et non des moindres. Depuis les élections de 2015, nous avons stoppé le cycle de la paupérisation. Un changement de cap est initié dans notre pays, même si les mesures du gouvernement socialiste demeurent encore modestes. C’est grâce à un accord parlementaire écrit sur plus d’une soixantaine d’engagements et la pression permanente du Bloco et de la majorité sociale. Toute cette politique sociale était complètement absente du programme du Parti Socialiste (PS). Nous avons augmenté le smic trois fois, atteignant 557 euros brut mensuels quand nous partions de 485 euros suite aux recommandations de la Troïka. Nous avons obtenu l’engagement écrit de porter le salaire minimum à 600 euros brut mensuels.

Pour 2018, nous avons obtenu des garanties sur le passage de 50 000 emplois publics précaires en CDI, dont quelques 3 500 professeurs. Nous avons réussi à augmenter l’imposition sur le capital mais le système fiscal demeure encore largement injuste. A cause de la Troïka, nous sommes passés de sept tranches d’imposition- ce qui n’était déjà pas beaucoup- à quatre. Ce qui signifie par exemple qu’un foyer qui gagne 8 000 euros est imposé de la même façon qu’un foyer qui en gagne 21 000. Nous venons d’obtenir également des garanties pour 2018 d’augmenter les retraites des plus âgés, au-delà de 75 ans, mais ce n’est pas suffisant. Le PS demeure à la moitié du chemin.

Le PS est sorti grand gagnant des élections municipales du 1er octobre. N’avez-vous pas peur de servir de bouée de sauvetage au PS ?

L.F : Les gens voit que nous avons poussé le PS et donc pour aboutir notre programme doit être mise en place. Il faut se souvenir que c’est un gouvernement socialiste qui avait mis en oeuvre la grande époque de privatisation dans les années 1995-2002 avec M. Guterres, grand admirateur de Tony Blair. Socrates, actuel Premier Ministre, dans les années 2005-2011 a favorisé les prêts toxiques et endetté le Trésor portugais.

M.M : Il est vrai que les mesures adoptées dans le cadre de notre accord parlementaire ont renforcé le PS, l’ont sauvé de la « pasokisation ». En 2015, notre priorité était de sortir de l’impasse de l’austérité, du joug de la Troïka. Sortir les gens de la pauvreté affolante dans laquelle la Troïka et la droite les avait plongé. Les prochaines élections seront dans une toute autre configuration. Et avant les législatives, il y aura d’abord les européennes.

Justement, comment la question européenne arrive-t-elle dans le débat national ?

M.M : La question européenne est un point clef de notre désaccord avec le Parti socialiste portugais. Le Plan B vient aider ce rapport de force. Nous sommes en désaccord sur les questions d’Union bancaire, de politique monétaire, le Pacte de Stabilité et de croissance. Ou encore le rôle de la Banque centrale européenne : nous voulons un contrôle démocratique et la fin de l’obsession sur la lutte contre l’inflation au profit d’une politique soucieuse de la création d’emplois. Il y a effectivement eu un regain de croissance, grâce à la relance par l’augmentation des salaires mais aussi par un excédent commercial à propos duquel il faut rester vigilant. Le gouvernement tient absolument à respecter les règles budgétaires européennes. Les règles du 2-pack et du 6-pack qui obligent à moins de 3% de déficit et 60% de dette. Nous voulons qu’il soit moins obsédé par ces chiffres. Avec quelque 1,8% de déficit, nous voyons bien qu’il y a une grande marge de manœuvre pour des investissements publics, notamment dans le secteur de la santé, particulièrement précaire. Cette discipline budgétaire n’est pas soutenable.

L.F : Nous avons actuellement une politique modérée de croissance des salaires et des droits sociaux. Si nous écoutons Bruxelles, nous aurons le retour de l’austérité. Le gouvernement est désormais dans une contradiction. Nous, ce que nous disons, c’est qu’il faut aller jusqu’au bout de cette politique sociale et pour cela il faudra se confronter directement aux règles budgétaires. Pour aboutir, il faut une clarification, surtout des questions de déficit mais aussi de la dette publique. Nous ne pouvons plus accepter d’être otage de la politique monétaire. Nous disions dans notre campagne « Plus aucun sacrifice pour l’euro ».

En France, le projet d’Union de la défense commence à faire parler de lui. Ce thème sera au menu du sommet du Plan B. Cette question fait-elle parler d’elle à Lisbonne aussi ?

M.M : Pas encore tellement. Le PS dit qu’il est important de se doter d’un système européen de défense autonome. Il fait croire que ce dernier est indépendant de l’OTAN. Nous travaillons à expliquer les liens étroits entre ces deux organisations. Nous défendons en outre, comme la France Insoumise, la sortie de l’OTAN depuis des années.

Propos recueillis par Sophie Rauszer


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