Usages et mésusages des sénatoriales

vendredi 8 septembre 2017.
 

Lundi commence le dépôt des listes pour les élections sénatoriales du 24 septembre prochain. 170 des 348 sièges seront renouvelés (départements du 37 au 66, d’Île-de-France, Guadeloupe, Martinique, Réunion, Mayotte, Saint-Pierre-et-Miquelon, Nouvelle-Calédonie et la moitié des Français établis hors de France).

Certes il serait tentant de se désintéresser de ce scrutin : le Sénat représente, par son objet et son mode d’élection au second degré, un tampon à l’expression de la volonté populaire. Mais pour qui aspire à gouverner demain le pays et considère que l’accession au pouvoir doit se faire par les urnes, il importe, pour être entendu du grand nombre, de ne pas esquiver les étapes du cycle électoral actuel, quand bien même la base du changement profond à venir repose sur la dimension constituante de l’action et passe par une 6e République.

Car ces sénatoriales ne sont ni sans enjeux, ni sans risques. Pour Macron, elles recelaient au départ l’opportunité d’atteindre, par l’élection et les ralliements, la majorité des 3/5 du Parlement, soit 555 parlementaires sur 925. Le président aurait alors les coudées franches. Tout porte à croire qu’il n’y arrivera pas et c’est là un enseignement majeur.

En quatre mois à peine d’exercice du pouvoir, Macron est en effet passé d’une force centripète à une force centrifuge. Hier encore, il construisait son élection en attirant à lui les courants politiques du vieux bloc hégémonique, du PS à LR en passant par les centristes. Aujourd’hui, les mêmes s’éloignent de lui : le PS recycle les lambeaux de la gauche plurielle sur la base de la seule distanciation, d’ailleurs très variable, avec Macron ; LR ré-aimante l’UDI, tandis que même le Modem, pourtant partenaire d’élection de LREM à la présidentielle et aux législatives, se place résolument en concurrence avec le parti du Président. L’aspirant rassembleur d’hier se trouve en un été isolé. Avant même le revers électoral, il s’agit d’ores et déjà d’un échec politique.

Si sur la forme le retour des combines du vieux monde pourrait a priori servir Macron, ce reflux témoigne sur le fond et jusque chez les élus de l’incapacité de Macron à incarner le jus reformandi, le droit à réformer dont il avait pourtant fait l’un de ses principaux arguments d’élection. La capacité d’entraînement de Macron s’avère nulle alors même qu’il se fond dans le moule conservateur en reprenant le flambeau des réformes libérales passées. Même en se plaçant au cœur du vieux bloc hégémonique, Macron est inerte.

Alors Macron réplique par la politique de la terre brûlée pour pouvoir se soustraire au résultat du 24 septembre. C’est ainsi qu’il faut lire l’annonce au cœur de l’été de la baisse de 300 millions d’euros des dotations aux collectivités pour la fin de l’année 2017 et la promesse de poursuivre le démantèlement du cadre institutionnel républicain à coups d’extensions des métropoles et suppression de départements. Branle-bas de combat légitime chez les élu-e-s de tous bords, quand bien même ils ont assumé la même politique durant le précédent quinquennat. Au soir du vote, Macron leur renverra leur réaction pour justifier son échec, continuer à les délégitimer pour poursuivre son œuvre désintégratrice de l’architecture institutionnelle du pays, et se draper, lui, des habits de la modernité et du courage que représenterait l’orthodoxie budgétaire du vieux modèle bruxellois.

Qui veut continuer à propager le mouvement de l’insoumission doit se prémunir de cet effet de ciseaux entre les combinards et les politicards, en refusant de jouer la comédie du moindre mal si celle-ci s’affranchit de la rupture nécessaire avec l’ordre établi. Il faut le faire sans se désintéresser du processus électoral à l’œuvre, qui traduit une nouvelle phase du sauve-qui-peut dans l’effondrement du vieux monde. Mais sans avoir pour autant la faiblesse de penser qu’en étant extérieures à toute dynamique populaire, les sénatoriales puissent retranscrire sans l’affaiblir l’élan du mouvement humaniste radical insoumis qui dessine l’horizon de demain.

François Cocq


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