Etats-Unis : Charlottesville, l’« alt-right » et le « suprémacisme blanc »

lundi 21 août 2017.
 

Qu’est-ce que l’« alt-right » et le « suprémacisme blanc » ?

A la suite des événements de Charlottesville, le président américain a estimé que les torts étaient partagés entre l’« alt-left » et l’« alt-right ». Petit lexique de ces termes utilisés.

Lors d’une conférence de presse à la tour Trump, à New York, mardi 15 août, Donald Trump a renvoyé dos à dos les membres de la droite suprémaciste qui s’étaient donné rendez-vous à Charlottesville (Virginie) samedi 12 août et les manifestants antiracistes venus dénoncer le rassemblement. Le président des Etats-Unis a évoqué la mouvance « alt-right » et un prétendu mouvement de l’« alt-left » dans son discours.

Qu’est-ce que l’« alt-right » ?

L’alt-right est une mouvance d’extrême droite née à la fin des années 2000, mais qui s’appuie sur des références racistes relativement classiques. Ce terme a été créé par l’identitaire Richard B. Spencer, dont l’objectif est de défendre une culture occidentale blanche – qui serait menacée –, et qui prône la création d’un « Ethno-Etat » blanc et la mise en place d’un « nettoyage ethnique » qualifié de « paisible » [1]. Les militants de l’alt-right luttent également contre les droits des femmes, des immigrés, des homosexuels et des transsexuels.

Outre le suprémacisme blanc, l’alt-right puise ses références dans d’autres mouvements, comme le Tea Party américain, les courants d’extrême droite française et s’appuie sur des militants très actifs sur des forums comme Reddit, 4chan ou 8chan. Lors de la dernière campagne présidentielle, ces réseaux ont soutenu avec ferveur Donald Trump, qui s’en est par la suite mollement défendu.

Qui sont les « suprémacistes » ?

Le suprémacisme blanc est une idéologie raciste et constitue une des tendances de l’extrême droite américaine. Elle part du principe que les Blancs constituent une « race supérieure ». Selon ces militants extrémistes, les Blancs seraient condamnés à l’extinction face à l’augmentation des personnes de couleur dans la société américaine. Leur but assumé, outre le maintien de leurs privilèges aux Etats-Unis au détriment des autres, est la création d’un prétendu « Etat blanc ».

Le slogan dit des « 14 mots », inventé par David Lane, membre de l’organisation terroriste suprémaciste The Order, illustre cette vision : « Nous devons sécuriser l’existence de notre peuple et un futur pour les enfants blancs. » [2] Ce dogme s’inspire largement du « racisme scientifique », pseudoscience qui pense déterminer des critères objectifs de supériorité de la « race blanche ».

Le Ku Klux Klan

Le Ku Klux Klan est une organisation suprémaciste blanche des Etats-Unis fondée par six officiers sudistes, en 1865 dans le Tennessee. La formation ne s’est jamais constituée en parti politique. Néanmoins, elle faisait pression pour défendre les intérêts des esclavagistes et des ségrégationnistes dans le Sud. Les membres usaient de tous les moyens pour arriver à leur fin : de l’intimidation, en mettant le feu à des croix à proximité des personnes qu’ils voulaient intimider, au lynchage public, ainsi qu’au meurtre. Malgré le secret entourant les exactions du KKK, une étude datant de 2015 fait état de près de 4 000 Afro-Américains tués entre 1877 et 1950 dans les Etats du Sud [3].

Au fil des années, l’idéologie de l’organisation a évolué, ne se limitant plus au racisme anti-Noirs. A partir du XXe siècle, elle s’en prend également aux catholiques, aux orthodoxes, aux juifs, aux homosexuels et aux immigrés. A son apogée, dans les années 1920, le Ku Klux Klan comptait 4 millions de membres. Le Southern Poverty Law Center en dénombre entre 5 000 et 8 000 de nos jours [4].

Accusé d’entretenir un flou quant à ses relations avec le KKK durant sa campagne, Donald Trump s’est vu féliciter par l’ancien chef du Ku Klux Klan, David Duke, pour ses propos, condamnant le « terrorisme de gauche ».

Les néonazis américains

Les mouvements néonazis américains se réclament directement du national-socialisme d’Adolf Hitler. Tout comme le Ku Klux Klan, ses militants s’en prennent majoritairement aux Noirs, aux juifs ainsi qu’aux homosexuels. Dans un pays qui a combattu l’Allemagne nazie, voir défiler des militants avec des drapeaux arborant la croix gammée peut étonner, mais la conception américaine de la liberté d’expression permet à ces mouvements d’avoir pignon sur rue. Les représentants de différents groupuscules étaient présents à Charlottesville, en Virginie, vendredi 11 et samedi 12 août.

James Fields, l’homme qui a foncé dans la foule des contre-manifestants et causé la mort de Heather Heyer et fait plusieurs dizaines de blessés, est un sympathisant d’un de ces groupes néonazis, Vanguard America [5].

Qui est Robert E. Lee ?

Robert Edward Lee, né en 1807 et mort en 1870, est un personnage historique américain controversé et commandant des armées confédérées pendant la guerre de Sécession (1861-1865). Figure emblématique des sudistes, ses partisans aiment à le présenter comme un fin stratège militaire et un grand humaniste, luttant contre l’esclavage. Pourtant, la guerre de Sécession opposait les Etats du Nord, l’Union, ayant aboli l’esclavage, aux Etats du Sud, la Confédération, cherchant à le maintenir. Ainsi, en tant que confédéré, Robert Lee (le général Lee) possédait plusieurs dizaines d’esclaves dans sa propriété en Virginie qu’il traitait avec grande cruauté (châtiments corporels, séparation des familles, etc.), bien loin de l’image véhiculée par un révisionnisme historique porté par les nostalgiques de cette époque.

L’« alt-left », une expression utilisée à l’extrême droite

Avant son utilisation, mardi 15 août, par Donald Trump, le terme « alt-left » était réservé à quelques réseaux et sites extrémistes et néonazis. L’expression, employée notamment par le site antisémite The Daily Stormer, sert à décrire de manière péjorative l’opposition à Donald Trump, tel que les antiracistes de Black Lives Matter ou les mouvements de gauche.

Selon Mark Pitcavage, un analyste de la Ligue antidiffamation cité par le New York Times, une ONG luttant contre l’antisémitisme outre-Atlantique, ce mot ne correspond à aucun groupe organisé à proprement parler. Utilisé sur Reddit par l’alt-right, les journalistes de la chaîne conservatrice Fox News, la NRA et maintenant à la Maison Blanche, le but est de créer une équivalence fantasmée entre l’extrême droite et l’extrême gauche, mettant sur un même plan les deux idéologies.

Les Décodeurs

Après le drame de Charlottesville, les liens du père de Trump avec le Ku Klux Klan ressortent

Au lendemain du rassemblement meurtrier de la droite suprémaciste à Charlottesville, une archive révélant les liens entre Fred Trump et le KKK refait surface.

De violents heurts entre des suprémacistes blancs et des contre-manifestants antiracistes ont fait un mort, samedi 12 août, à Charlottesville, en Virginie. Deux jours plus tard, un article du New York Times datant de 1927 a refait surface sur les réseaux sociaux et dans les médias américains et a été brandi par ceux qui critiquent le président américain, accusé de n’avoir pas assez dénoncé l’idéologie nationaliste des groupuscules d’extrême droite ayant organisé le rassemblement.

L’article en question est « déterré » pour la première fois en septembre 2015, au début de la campagne du milliardaire, par le site spécialisé dans la technologie Boing Boing. Intitulé « Le Klan attaque un policier », il révèle l’arrestation de Fred Trump, père de l’actuel président américain et, comme lui, magnat de l’immobilier, pendant une manifestation du Ku Klux Klan.

L’incident a lieu le dernier lundi de mai 1927, date du Memorial Day aux Etats-Unis. Des affrontements déclenchés par un groupe fasciste italien et le Ku Klux Klan éclatent alors à New York. Deux hommes sont tués par des manifestants antifascistes dans le Bronx, tandis qu’un millier de membres du Klan, en robe et capuche pointue blanche, marchent vers le quartier Jamaica, dans le Queens.

Là, une énorme bagarre entraîne l’arrestation de sept hommes. L’un d’entre eux est Fred Trump, interpellé au 175-24 Devonshire Road, adresse où il habite avec sa mère à l’époque.

Selon la brochure distribuée auparavant dans le quartier, la marche du KKK avait pour but de dénoncer « l’agression » subie par les « Américains protestants natifs » de la part de « la police catholique de New York City ». Le manifeste poursuit ainsi :

« La liberté et la démocratie ont été piétinées, les Américains protestants natifs doivent s’organiser pour protéger un drapeau, le drapeau américain, une école, l’école publique et une langue, la langue anglaise. » Un père en grande partie responsable de la fortune de Trump

Si en 1927, le père de Donald Trump, alors âgé de 21 ans, n’était pas encore une personnalité connue, il construit déjà des logements dans son quartier new-yorkais. Né dans le Queens, de parents allemands, ce promoteur immobilier de la première heure devient à la fin de sa carrière un très riche homme d’affaires. A sa mort, en 1999, sa fortune est estimée entre 250 millions et 300 millions de dollars (212 millions à 256 millions d’euros).

Un patrimoine, auquel il faut ajouter un large réseau de relations, sans lequel son fils aurait eu du mal à acquérir sa réputation de magnat de l’immobilier. Cette réputation l’a grandement aidé à devenir le 45e président des Etats-Unis.

Fred Trump a aussi partagé des méthodes commerciales douteuses avec son héritier. En 1973, les deux hommes sont poursuivis par le ministère de la justice pour discriminations raciales à l’encontre de leurs locataires noirs.

En 2016, l’article du New York Times avait déjà refait surface lorsque Donald Trump avait refusé de condamner clairement l’appel à voter pour lui de David Duke, ancien dirigeant du KKK et présent samedi à Charlottesville. Le futur chef de l’Etat avait, à l’époque, justifié ce silence en affirmant qu’il ne connaissait pas assez les suprémacistes blancs pour pouvoir émettre un jugement.

Lundi 14 août, lors d’une conférence de presse, le président a finalement dit, après deux jours de polémique, que « le racisme, c’est le mal » et a critiqué « tous ceux qui ont agi de manière criminelle lors des violences racistes de ce week-end », dont les « suprémacistes blancs, le KKK et les néonazis ».

Lina Rhrissi


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