Scandale alimentaire : A la chasse aux œufs contaminés

dimanche 13 août 2017.
 

Alors que des œufs au fipronil ont été découverts en France, le ministre de l’Agriculture sort du silence. L’affaire met en lumière les méthodes de l’élevage intensif.

Parti des Pays-Bas mi-juillet, le scandale des œufs contaminés à l’insecticide prohibé n’en finit pas de monter. Après avoir gagné entre autres la Belgique et l’Allemagne, cette mauvaise mayonnaise au fipronil ne s’est pas arrêtée aux frontières de la France, contrairement à ce qu’espéraient initialement les autorités.

Samedi 7 juillet, le ministère de l’Agriculture assurait « ne pas avoir à ce jour d’informations de contamination d’œufs en coquille et de viande destinés à la consommation ». Mais changement de ton en ce début de semaine après la découverte ce week-end d’œufs au fipronil sur deux sites français de transformation. Et un nouveau bilan faisant état, mardi, de cinq usines d’« ovoproduits », situées dans le Nord et l’Ouest de la France, ayant reçu plusieurs tonnes d’œufs contaminés en provenance des Pays-Bas et de la Belgique.

Deux d’entre elles, Igreca dans le Maine-et-Loire, et Samo dans la Vienne, ont reconnu avoir utilisé à leur insu ces œufs suspects pour fabriquer des produits alimentaires transformés. Mais les lots identifiés ont été immédiatement « retirés » du marché, ont indiqué les deux entreprises. Le ministère a lui précisé que des « enquêtes de traçabilité » étaient en cours pour « identifier la destination des produits déjà expédiés et susceptibles d’être contaminés ». Ce qui laisse supposer que des œufs au fipronil transformés dans ces usines ont tout de même pu se retrouver dans des plats préparés, gâteaux ou autres pâtes mis sur le marché… Ce qui a conduit le ministre de l’Agriculture, Stéphane Travert, jusque-là plutôt silencieux, à organiser mercredi un « point de situation » rue de Varenne, pour annoncer le lancement d’une enquête nationale chez « l’ensemble des fabricants d’ovoproduits », quatre-vingt au total. Les premiers résultats des investigations de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation sur les cinq établissements déjà identifiés seront connus en fin de semaine, permettant de « retirer les lots incriminés s’il en était besoin », a-t-il précisé. Le ministre a surtout tenu à « rassurer les consommateurs, leur dire clairement qu’il n’y avait pas de danger pour la santé humaine ». Mais on n’en a pas appris beaucoup plus, à ce stade, sur l’état de la crise en France.

Le Silence néerlandais

L’affaire, qui a déjà entraîné la destruction de millions d’œufs et l’abattage massif de poules pondeuses aux Pays-Bas, a aussi rebondi avec les accusations du ministre belge de l’Agriculture, selon lequel le gouvernement néerlandais connaissait depuis novembre 2016 la situation et n’avait pas informé ses voisins européens : « Quand un pays comme les Pays-Bas, un des plus gros exportateurs d’œufs au monde, ne transmet pas ce genre d’informations, ça pose vraiment problème », a tancé Denis Ducarme. Et celle de son homologue allemand, Christian Schmidt, qui a dénoncé « un acte criminel ». Stéphane Travert a lui taclé en creux les Pays-Bas et la Belgique en souhaitant « des échanges beaucoup plus fructueux et beaucoup plus rapides » avec ces deux pays au cœur du scandale.

Foie et reins

De fait, c’est une société néerlandaise spécialisée dans la désinfection des élevages, ChickFriend, qui aurait utilisé frauduleusement du fipronil dans un insecticide commercialisé sous le nom de DEGA 16. Cette molécule « modérément toxique » selon l’OMS, est dangereuse pour le foie, les reins ou la thyroïde. Aussi, est-elle strictement prohibée chez les animaux destinés à la ponte ou à la consommation humaine. L’antiparasitaire interdit aurait été importé illégalement de Roumanie et livré à un fournisseur belge, Poultry-Vision. Des enquêtes judiciaires ont été ouvertes dans les deux pays pour remonter cette chaîne.

Mais ce nouveau scandale met surtout en lumière les méthodes de l’élevage intensif (lire ci-contre). Pour éviter les maladies véhiculées par des parasites, comme le pou rouge, il faut administrer aux poules pondeuses des insecticides dérivés de pesticides que l’on retrouve dans les œufs que nous mangeons… Un non-sens dénoncé mercredi en un tweet par l’eurodéputé écologiste Yannick Jadot : « Friponil dans les œufs : dernier symptôme d’un système agro-industriel concentrationnaire fou. Remettons l’agriculture sur terre ! »

Jean-Christophe Féraud


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