Emmanuel Macron n’est pas fort. Son régime est le plus instable depuis le début de la cinquième république en 1958

vendredi 15 septembre 2017.
 

Introduction de Denis Godard à un meeting à Londres, en compagnie de Richard Boyd-Barrett, député irlandais de People before Profits, de Christine Bucholz, députée allemande de die Linke, et de Maria Syllou, dirigeante du parti socialiste des travailleurs (SEK) de Grèce.

Je vais commencer en cassant le discours dominant sur Emmanuel Macron et la France.

Emmanuel Macron n’est pas nouveau. Comme vous le savez il a été banquier et ministre de l’économie.

Emmanuel Macron n’est pas propre. En quelques semaines, trois de ses ministres clef ont dû quitter le gouvernement à cause d’accusations de corruption. Et l’actuelle ministre du travail est attaquée aussi.

Macron n’est pas modéré. Il a prévu de supprimer plus de cent mille postes dans la fonction publique et il prépare une deuxième loi travail. Mais, politiquement aussi, Emmanuel Macron n’est pas une sorte de libéral. Il a déjà annoncé une nouvelle loi antiterroriste renforçant l’état policier et, symboliquement, il a invité Donald Trump au défilé militaire du Vendredi 14 Juillet 2017.

Mais surtout Emmanuel Macron n’est pas fort. Son régime est le plus instable depuis le début de la cinquième république en 1958.

Oui il a gagné une large victoire aux élections législatives avec trois cent soixante dix députés sur cinq cent soixante dix sept députés. Mais ses candidats ont obtenu seulement seize pour cent des votes des inscrits au premier tour des élections législatives. Au deuxième tour des élections législatives, l’abstention a battu des records. Nous pouvons estimer que moins d’une personne sur quatre au-dessus de dix-huit ans et vivant en France, inscrits, non-inscrits ou étrangers, a exprimé un choix quel qu’il soit.

Et c’est sans parler du manque de cohésion de son nouveau et hétéroclite mouvement et de son groupe parlementaire.

Ce manque de légitimité prend tout son sens dans la perspective annoncée de nouvelle crise financière dans une situation où la position du capitalisme français sur le marché global s’est particulièrement affaiblie depuis dix ans vis-à-vis des autres pays développés.

Cela devrait être un avertissement pour tous et toutes dans un contexte où un parti d’extrême droite, le Front National, a obtenu onze millions de voix au deuxième tour des élections présidentielles.

Cependant si les crises politiques et l’instabilité sont certaines, le développement de l’extrême droite n’est pas une fatalité. Parce qu’il y a une autre face à l’instabilité qui est le haut niveau de combattivité de notre classe.

Tout le monde a entendu parler du fort mouvement de l’année dernière, non seulement les journées nationales de grèves et de manifestations mais aussi les places occupées, les manifestations sauvages, les affrontements avec la police et la radicalisation politique.

Cela ne s’est pas arrêté avec la campagne électorale. Un camarade a estimé que, du mois de janvier 2017 au mois de mars 2017, il y a eu un million de journées de grèves, principalement locales, souvent invisibles dans les médias nationaux, un niveau sans précédent durant une campagne électorale.

Il y a eu l’audience pour les mouvements contre les violences policières autour du cas d’un jeune noir, Adama Traoré, tué par la police au mois de juillet 2016, prenant un nouvel écho avec le viol d’un autre jeune homme, Théo Luhaka, par la police au mois de février 2017.

Après le destruction du camp de la jungle de Calais, les migrants ont été dispersés dans différents lieux mais cela a diffusé le mouvement de solidarité sur tout le territoire. Et ces mouvements contre les violences policières et le racisme ont convergé en une manifestation de quinze mille personnes à Paris le 19 mars 2017, c’est encore un fort résultat dans une période électorale.

Il faut ajouter au moins deux événements significatifs.

Le premier est le grand mouvement de révolte dans la colonie française de Guyane qui a finalement gagné après plusieurs semaines de lutte contre l’état français. Il y a même eu une manifestation qui a regroupé dix pour cent de la population, l’équivalent d’une manifestation de six millions de personnes en métropole.

Le second, moins massif, mais politiquement significatif, est le fait qu’il y a eu des manifestations, principalement menées par de jeunes activistes contre les meetings du Front National pendant la campagne, avec plusieurs milliers de manifestants à Nantes, à Bordeaux et à Paris. En Corse, de jeunes activistes sont même allés perturber le meeting à l’intérieur.

Nous pourrions aussi parler des sept millions de voix et des meetings de masse réalisés par Jean Luc Mélenchon qui ont en partie exprimé la radicalisation, au travers un profil radical contre l’austérité.

Ce qui signifie qu’il n’y a pas de lune de miel pour Emmanuel Macron. Tout cela met la pression contre les directions syndicales et la Confédération Générale du Travail (CGT) a appelé à une journée de grève et de manifestation le 12 septembre 2017.

Nous devons dire que la grande faiblesse dans la situation est l’état de la gauche organisée, organisationnellement et politiquement. La crise du Parti Socialiste est une bonne nouvelle. Même leur candidat aux présidentielles, Benoît Hamon, a décidé de quitter le parti pour construire son propre mouvement.

La figure dominante à gauche est maintenant Jean-Luc Mélenchon. Mais il y a de gros problèmes avec lui.

Dans le processus de sa campagne il a affaibli les organisations politiques qui le soutenaient au profit d’un mouvement très anti-démocratique et centré sur lui-même. Politiquement, il a quasiment abandonné les références à la lutte de classe pour un profil nationaliste, proclamant même qu’il était un patriote et argumentant même que la seule solution pour les migrants était de rester chez eux car la France ne pouvait pas les accueillir. Significativement il a abandonné les drapeaux rouges et l’Internationale dans ses meetings pour le drapeau français et la Marseillaise.

Soyons clairs, il n’y aura pas de perspectives pour notre classe et pour une véritable gauche sans la construction de l’unité de classe. Dans un pays où un tiers de notre classe est arabe ou noire cela implique un positionnement clair contre le racisme, non seulement en paroles ou en théorie mais aussi en actes, un positionnement clair contre l’islamophobie, les violences policières et une solidarité totale avec les migrants.

La France est actuellement l’exemple que l’instabilité, les crises politiques et le développement de confrontations, seront des aspects communs pour nous tous. Même si les conditions subjectives dans lesquelles nous opérons sont différentes d’un pays à un autre.

Cela créera d’immenses dangers, mais aussi d’énormes opportunités pour les révolutionnaires. Ce qui signifie que nous avons besoin de construire une cohérence stratégique comme condition à l’agilité tactique nécessaire pour saisir ces opportunités.

par Denis Godard


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