La droite italienne a beaucoup appris de Nicolas Sarkozy. Surtout Gianfranco Fini, qui veut faire d’Alliance nationale, héritière du MSI néofasciste, un grand parti conservateur.

Bush, le néoconservateur, lui a serré la main. Mais Gianfranco Fini, l’ex-néofasciste du Mouvement social italien (MSI), aujourd’hui président d’Alliance nationale (AN), a fait mieux : il a préfacé les éditions italiennes de deux récents ouvrages de Nicolas Sarkozy, La République, les religions, l’espérance en 2004, puis Témoignages en 2006. Appréciation élogieuse de cet ancien ministre des Affaires étrangères de Berlusconi, désormais parfait démocrate : « Avec Sarkozy, nous ne manquerons pas de projets, de remarques, d’idées et d ’expériences utiles pour la droite italienne. » Et Fini de récidiver au lendemain du premier tour de l’élection présidentielle : « Sarkozy est direct, populaire et charismatique. Il vient d’obtenir un grand résultat. » En comparaison, le soutien poli apporté par Berlusconi au candidat UMP tient du minimum syndical. Les deux hommes entretiennent pourtant des rapports courtois. Comme Tony Blair, Nicolas Sarkozy aurait même séjourné à la villa Certosa, la somptueuse résidence estivale que l’ancien président du Conseil italien possède en Sardaigne.

Des points communs existent entre Berlusconi et Sarkozy, « dans le marketing politique plus que sur le fond, estime Massimo Nava, correspondant parisien du Corriere della Sera et auteur d’une biographie du président de l’UMP*. Ce sont deux formidables communicateurs même si, dans ce domaine, leFrançais a beaucoup appris de l’Italien. » Au-delà, les relais complaisants que l’ex-ministre de l’Intérieur a forgés dans de nombreux médias français ne peuvent s’apparenter à la situation du « tycoon » Berlusconi, chef de gouvernement et propriétaire d’un empire médiatique avant d’être battu par l’alliance de centre-gauche en 2006. « En Italie, il y avait conflit d’intérêts, Berlusconi s’est servi du pouvoir uniquement pour ses affaires. Sarkozy, lui, a une ambition personnelle, mais aussi pour son pays, poursuit Massimo Nava. L’un a tué la politique, l’autre participe à la relance du débat en France. Ils n’ont pas grand-chose à voir l’un avec l’autre. »

Promotion des méritants

En Italie, lors des élections législatives de 2006, Alliance nationale de Fini a obtenu 12,3 % des voix et pèse encore moitié moins que Forza Italia, le parti créé par et pour Berlusconi sur les débris de la vieille Démocratie chrétienne, balayée par l’opération Mani Pulite. C’est avec Fini que Sarkozy a noué des liens de complicité, personnelle et politique. Les deux hommes sont sur la même ligne, celle d’une nouvelle droite européenne décomplexée et pragmatique. Thèmes communs : l’apologie du travail et de l’effort, la promotion des méritants, la maîtrise des flux migratoires, associées à la lutte contre la délinquance et les violences urbaines. Voilà deux libéraux proclamés, mais toujours sujets à un vieux réflexe d’interventionnisme étatique, héritage colbertiste pour l’un, mussolinien pour l’autre. Poids de l’Eglise oblige, Gianfranco Fini se montre plus timoré en matière de liberté de moeurs et de laïcité. Question de sensibilité, de base militante mais aussi d’origines politiques. Quand Sarkozy adhère en 1974 à l’UDR néogaulliste, Fini milite au Front de la jeunesse, groupuscule d’extrême droite, préambule à une longue carrière au MSI. Dès 1994, il sera le principal artisan de la « défascisation » du mouvement et a, depuis, multiplié les condamnations publiques du fascisme, « mal absolu », et de la République de Salo, « page honteuse de l’histoire italienne ». Gianfranco Fini veut désormais faire d’AN la grande formation de centre-droit, capable de rivaliser avec le futur parti démocrate. D’après Massimo Nava, Sarkozy serait « plus proche du centre-gauche italien, il intègre des acquis du blairisme ; la droite italienne n’en est vraiment pas encore là » .

Alain Léauthier / Marianne