La France insoumise, une cohérence conquérante

samedi 3 juin 2017.
 

En tenant sa Convention nationale pour les élections législatives ce dimanche 13 mai, le mouvement « La France insoumise » (LFI) a franchi à sa façon un nouveau pas dans sa construction. Mais surtout, en franchissant ce seuil, cette réunion aura été une étape dans la réorganisation du paysage politique de notre pays. Car nous prouvons que nous sommes capables d’assumer notre responsabilité de première force politique dans de si nombreuses grandes villes. En effet, « La France insoumise » n’existe que depuis février 2016, mais elle est déjà capable de présenter 560 candidatures aux élections législatives. Je suis militant depuis assez longtemps pour savoir quel exploit ce maillage du terrain représente !

Ainsi, où que l’on soit sur le territoire de la République française, en métropole et en Outre-mer (à l’exception de Wallis et Futuna, hélas), il sera possible aux prochaines élections de voter pour quelqu’un qui représente nos idées. Dès lors, la mouvance qui s’est rassemblée autour de ma candidature pour les élections présidentielles a les moyens de se regrouper de nouveaux. Sept millions de personnes sont concernées. Si cela se fait, nos candidats seront présents au deuxième tour dans 78% des circonscriptions. Naturellement, il y a un certain nombre de candidatures extérieures à nos rangs que nous soutenons mais qui ne se déclarent pas sous le label « France insoumise » sur les formulaires de candidature à déposer en préfecture. Elles soustrairont leurs résultats du total qui sera comptabilisé. C’est dommage. Je n’en suis que plus reconnaissant aux personnalités qui ont accepté de se déclarer « France Insoumise » sur les formulaires, quand bien même elles ne signent pas la Charte et même choisissent une autre association de financement où sera reversée l’allocation publique. La perte sera donc moins grande.

C’est pourquoi je trouve si important, si décisive la façon avec laquelle a été préparé la campagne des élections législatives. Sur le plan purement politique ce fut simple. L’équipe qui animait la campagne présidentielle a produit l’équipe qui anime cette campagne législative. Les personnages sont les mêmes, ils officient aux mêmes fonctions qu’ils ont si brillamment rempli dans la période précédente. À mes yeux, il fallait à tout prix que le plus grand nombre d’entre eux soit personnellement candidat. Car c’est de cette façon que la formation politique personnelle s’affine par l’apprentissage du contact de terrain. La jeunesse de la plupart des animateurs de notre campagne fortifie cette exigence.

La désignation des candidats s’est fait sur la base du vivier de candidatures proposées après un appel général à tous les insoumis. Des assemblées locales ont transmis des listes, parfois assorties d’avis de préférence, parfois non, pour éviter les tensions ou tout simplement parce que les gens estimaient qu’ils ne se connaissaient pas assez. Comme il s’agit d’une bataille nationale c’est évidemment au niveau national que s’est opérée la sélection et la décision. Sans cela, aucun critère n’aurait pu être respecté. La parité femme/homme, la diversité sociale, tout aurait été remis au hasard des regroupements locaux et de leurs éventuelles batailles d’influence interne.

Ce comité électoral comportait une plénière et un executif en quelque sorte qui assurait la permanence quotidienne du travail à accomplir. La coordination était assurée par quelqu’un qui n’était pas elle-même candidate : Martine Billard. L’ancienne députée de Paris est assez expérimentée politiquement pour savoir tenir un cap aussi complexe que celui qui était projeté. Ce comité électoral national a été composé de représentants de « l’espace politique » (représentation des partis et groupes politiques qui appuient le mouvement), de « l’espace des luttes » (représentation des acteurs des luttes sociales et environnementales) qui participent à la vie du mouvement « La France insoumise ». Mais il y avait surtout une moitié de membres tirés au sort parmi des insoumis. Chacun des membres de ce comité électoral a personnellement participé aux tâches, pris en charge les dossiers, des circonscriptions, des départements. Des milliers d’heures de travail, des dizaines de réunions, souvent le dimanche, pour permettre à tout le monde de participer. Car l’une des caractéristiques de ce comité, comme de nos listes de candidatures, est que la quasi-totalité de ses membres ont une vie professionnelle qui les rend moins facilement disponibles. La mission est accomplie. Nous sommes en ordre de bataille. Nous sommes à la hauteur de notre responsabilité. Nous pouvons commencer écrire la page suivante en confiance et avec fierté.

L’objectif essentiel à nos yeux est le suivant : quelle que soit l’issue de l’élection, le résultat affiché doit permettre une démonstration de force face au macronisme et au FN. Il nous faut construire un point d’appui central pour la suite des combats. Quels que soient leurs motifs, ceux qui ont refusé d’entendre que « La France insoumise » est un label commun et une plateforme d’action commune autour d’un programme, et non le lieu d’une dissolution de leur identité particulière, commettent une très lourde erreur. Ils se placent, sans raison, en dehors d’un processus populaire de vaste ampleur. Ce n’est pas faute d’avoir multiplié les mises en garde et les mains tendues. Mais c’est ainsi. C’est dommage car ce sera aussi un moins pour ce qui aurait dû être un score englobant tout le monde et donc profitant à tout le monde. L’obsession identitaire conduit tout droit à la marginalisation des identités politiques concernées. En réalité, elle est parfois bien étrange et débouche sur des aberrations . Oui, étrange de voir le PCF revendiquer une affirmation identitaire tout en se rebaptisant partout « Front de gauche ». Une pauvre tentative de récupération alors que cette organisation n’existe plus depuis deux ans, et qu’elle a aussi disparu de la nomenclature du Ministère de l’Intérieur ! Et toute cette campagne de dénigrement personnalisée contre moi, systématique depuis tant de mois, tout cet auto-isolement pour voir afficher le sigle PCF sur les tableaux du Ministère de l’Intérieur avec le résultat groupusculaire qu’annoncent les sondages : voilà qui me dépasse.

Au fond les turpitudes de ces « négociations » en trompe l’œil auront accéléré l’apprentissage du comité électoral de « La France insoumise » composé pour moitié de gens tirés au sort et peu expérimentés. Elles leurs auront imposé la nécessité d’avancer sans tergiverser. Car on sait comment en pleines négociations les dirigeants du PCF prirent la responsabilité de déclencher leur campagne sans prévenir. Au fond je crois que ce mauvais coup nous a épargné de faire une lourde erreur. Un accord nous aurait affaibli dans l’opinion en nous obligeant à devoir assumer de drôles de promiscuités. Car évidemment pendant qu’on discutait, en cachette, le système des accords locaux entre compères s’est remis en place département par département. Il comporte cette fois-ci encore tout l’arc des grosses combines démoralisantes habituelles, jusqu’à des accords départementaux PCF-PS-EELV comme dans le Jura, la Marne, les Yvelines et un certain nombre de circonscriptions, par-ci, par-là, en fonction des vieux copinages. Sans oublier quelques coups de billard à bandes, joués sous la forme de retraits croisés de candidatures entre bons amis. Et quelques autres coups tordus, comme ces candidats « France insoumise » qui au dernier moment et à la surprise générale se déclarent PCF en préfecture. Et combien d’autres que je renonce à décrire, pour ne pas leur donner une importance qu’ils ne méritent pas en dépit de l’écoeurement qu’ils soulèvent dans nos rangs.

Cette pauvre obsession partisane se retrouve aussi dans le ciblage opéré pour contrer sur le terrain les principales figures de la nouvelle génération d’animateurs de notre mouvement. Je déplore cet acharnement sectaire. Mais nous n’y avons pas cédé en dépit de harcèlements incessants. Ce qui est en cause, ce n’est pas le partage des places ni l’argent public, puisque nous étions prêts à abandonner l’un et l’autre. Ce qui compte c’est notre fidélité au programme pour lequel les gens ont voté à la présidentielle. On ne transige pas sur ce sujet. Mais de ce programme, aucun des « unitaires » ne voulaient en accepter le parrainage. Ni d’y rester fidèles une fois élu. Ni de respecter une discipline de groupe sur ce point. Comment, alors, nous imaginer revenir vers nos électeurs pour leur dire : « vous avez voté pour la sortie du nucléaire, on vous demande de voter pour quelqu’un qui est contre. Vous avez voté pour le référendum révocatoire des élus, votez à présent pour quelqu’un qui n’en veut pas » ? Et ainsi de suite.

Cette question n’effleure même pas l’esprit de nos ardents « unitaires ». Ils se représentent l’électorat « France insoumise » comme une masse captive en attente des consignes de ses chefs, à l’ancienne. Ils n’ont rien compris. Et de même, ils font comme si « la gauche » était une étiquette pertinente, sans autre preuve à en donner que de s’en réclamer. Le PS a bien compris que c’était là sa bouée de sauvetage. Sur tous les murs de France on voit donc ses candidats se proclamer « votre député de gauche ». Quand on connaît le nombre d’entre eux qui s’apprête à rejoindre « la majorité présidentielle » de Macron, on voit bien quelle confusion charrient de telles étiquettes ! Cette façon de faire, sous prétexte de « rassemblement de la gauche » est donc vite réduite à ces fameuses alliances « tuyaux de poêle » où d’un candidat à l’autre, dans un même département, les alliances et les soutiens changent et peuvent conduire à inclure dans un même ensemble les combinaisons les plus improbables et parfois les plus répulsives. Un tel méli-mélo est évidemment illisible sur le plan national et sans perspectives communes après les élections. On l’a vu dans les élections régionales et départementales, sans parler des municipales. Recommence qui veut. Sans nous.

Au PS aussi, la comédie est à son comble. Sous prétexte « d’union » et de « rassemblement de la gauche », nous sommes pris à partie pour « l’union » par les mêmes qui nous traitaient il y a peu de dictateurs et autres délicatesses. C’est une fois de plus, dans un emballage à peine modifié, le numéro de l’union « de Macron à Mélenchon » dont nous avons été abreuvés l’an passé. Car les « unitaires » se gardent bien de quitter le PS ou de couper le cordon avec les candidats prêts à changer de camp le moment venu, c’est-à-dire après l’élection. Sur le terrain, le chaos est à son comble, tout ce petit monde se proclamant « la gauche ». La palme d’or de la confusion revenant aux « Hamonistes », tous déclarés PS, qui, dorénavant, par-ci, par-là, soutiennent des candidats PCF ou EELV contre des candidats PS. Et bien sûr, toujours avec l’espoir de mettre en échec « La France insoumise », comme à la présidentielle. Quant à EELV, comme on le sait depuis Yannick Jadot, ses candidats sont disponibles pour toutes les combines, y compris les retraits inopinés. Au total, nous nous tenons à distance de toutes ces agitations groupusculaires qui démoralisent tous ceux qui ont à en connaitre. Notre ligne d’horizon est ailleurs.

Pour autant, la divergence est en effet profonde sur le plan de la stratégie. Notre raisonnement ne se déroule pas dans le cadre de pensée du « sauve qui peut, la boutique d’abord ! ». Au contraire ! Nous voulons une campagne lisible, homogène nationalement et construite sur un projet conquérant. Selon la part que nous retrouverons des 7 millions de voix qui se sont regroupées pour la présidentielle, « La France insoumise », le destin peut basculer. Si ces électeurs reviennent, nous serons présents presque partout au second tour. Nous pouvons alors former le cœur d’une nouvelle majorité et un gouvernement. Une fois de plus, la même coalition d’intérêts de boutiques, comme d’un bout à l’autre de la campagne présidentielle, sous prétexte « d’unité », s’arcboute pour nous faire échouer.

En toute hypothèse, notre but est que le résultat en pourcentage fasse de notre mouvement un point d’appui fort pour l’action dans le nouveau paysage français. Tout de même ! Est-ce si dfficile a comprendre qu’il faut inspirer confiance en étant forts ? Est-ce si difficile a comprendre qu’on est plus mobilisateur pour les plus faibles et désemparés quand on est forts ? Et cela facilitera aussi le travail de tous ceux qui voudront s’y adjoindre ensuite pour préparer l’avenir du projet humaniste écologique et social qui est notre idéal commun.

Car ce qui est en cause, ce n’est pas l’avenir de tel ou tel parti mais l’existence d’une alternative crédible face au rouleau compresseur du marteau pilon libéral. Et cela passe par une représentation politique forte, lisible et stable. La question de la représentation politique est en effet posée de face acérée dans notre pays. C’est une question essentielle pour une démocratie, je n’apprends rien à personne sur ce point. Il y a sous nos yeux l’écroulement des deux partis traditionnels que sont « Les Républicains » d’un côté et le PS de l’autre. Et sous nos yeux de même ont émergé de façon concomitante de nouvelles forces politiques de masse comme « en Marche » ou « La France insoumise ».

Cela instaure de ce fait même de nouveaux objectifs et d’autres règles du jeu. « La France insoumise » s’est immédiatement adaptée à ce nouveau contexte d’explosion du champ politique auquel elle a si activement contribué. Une fois atteint presque 20 % des suffrages exprimés au premier tour de l’élection présidentielle, il était essentiel d’organiser la suite du combat dans la continuité de ce qui venait d’être réalisé. En pleine responsabilité. Une nouvelle fois, donc, il ne pouvait être question d’avoir pour objectif de « rassembler la gauche » selon l’expression consacrée pour désigner un système de géométrie variable des alliances suivant les circonscriptions, les départements et les régions. Mais au contraire il s’agit de créer une centralité politique car c’est une condition incontournable pour « fédérer le peuple ».

Le moyen de cette opération, nous en disposons. Il s’agit d’abord et avant tout de la valoristion du programme « L’Avenir en commun ». Chacun sait que nous avons concentré tous nos efforts dans la campagne à faire de ce document le référent commun. C’est au point qu’on peut résumer en une formule ce que nous sommes : le mouvement « la France insoumise » c’est le programme « L’Avenir en commun ». Les études montrent que 80 % de ceux qui ont voté pour nous l’ont fait par adhésion. C’est le taux le plus fort de toutes les candidatures. Ce programme reste donc le centre de tout pour nous puisque c’est lui qui fédère nos électeurs et nous donnet les moyens de parler aux autres. La fidélité à nos engagements, le respect de nos électeurs, l’engagement de nos candidatures aux législatives et de nos députés demain, c’est le programme « L’Avenir en commun ».

Nous établissons donc un lien total entre la campagne présidentielle et cette nouvelle campagne législative : de nouveau nous nous battons pour ce programme, de nouveaux nous nous battons pour gagner. C’est pourquoi la symbolique de la campagne présidentielle est elle aussi centrale dans la campagne actuelle des législatives. Il s’agit ici de l’usage du « phi » comme symbole commun jusque sur le bulletin de vote, et de la référence à ma personne comme autre symbole visuel de cette campagne surlignant la continuité avec l’élection présidentielle.

Dans ces conditions, quel que soit le résultat, la campagne législative sera de nouveau un moment d’éducation populaire et d’instruction mutuelle. Elle devrait permettre d’approfondir l’ancrage de l’adhésion au programme « L’Avenir en commun » comme une référence sans cesse plus collective dans notre peuple. Maints protagonistes de la campagne ont cru que cette référence au programme était un fait de communication. En effet, depuis la fin du programme commun de la gauche, il est devenu banal de considérer les programmes comme des chiffons de papier à durée de vie limitée. À droite il en va de même depuis l’indépassable formule de Charles Pasqua selon laquelle « les promesses n’engagent que ceux qui les croient ». Et, cette fois-ci encore : le PS et LR ont changé de programme entre les présidentielles et les législatives. Notre façon de faire prend le contre-pied total de cette attitude cynique.

Voyez comment en commençant tôt dans cette campagne présidentielle et en construisant toute l’action autour de la préparation du programme puis de sa diffusion nous avons préparé le développement de notre influence, et notre résistance notamment dans les moments difficiles de la campagne, ceux ou la confusion était la plus grande. De même en travaillant de cette façon a construire une conscience politique de masse et de haut niveau nous préparons la suite. Dans les évènements chaotiques qui vont venir, l’existence d’une force de masse, cohérente politiquement sera un atout considérable pour l’action populaire qui cherchera son chemin.


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