L’idéologie est morte, vive le marketing

jeudi 18 mai 2017.
 

Si vous êtes curieux de l’évolution de l’humanité, vous devez être, comme beaucoup, intéressés aux divers événements politiques, économiques et sociaux qui surviennent un peu partout et s’entrelacent pour définir la trame, la matrice qui programme nos destinées. A ce titre, le débat de l’entre-deux-tours entre les candidats à l’élection présidentielle française ne vous a pas échappé. Et pour cause, car il livre des éléments intéressants qui nous permettent de trouver confirmation de notre thèse sur un certain modèle politique indigent en passe de devenir la norme sur tous les théâtres électoraux.

En effet, le débat qui a opposé Emmanuel Macron à Marine Le Pen, dans le cadre de la présidentielle française de 2017, a offert un panorama éloquent de la médiocrité de la représentativité politique triomphante à l’échelle internationale. Au-delà de la France, face à cette évidence, il résonne un écho de colère et d’indignation que nous essayons de décoder et d’amplifier depuis quelque temps déjà, à travers maintes publications.

Depuis quelque temps, sur tous les théâtres politiques, les nuits électorales couvent et accouchent de monstres porteurs de projets qui augurent une effroyable saison pour les peuples. Le constat est flagrant et même structurant. C’est l’émergence d’une effarante médiocratie promue par les élites de la finance et des affaires, véhiculée par les médias officiels, portée par des politiques hideux. C’est le triomphe du marketing politique qui occulte les idées et les contenus intelligents au profit d’une surenchère médiatique vide, creuse, insipide et abêtissante. Comme le disait un blogueur haïtien : « l’idéologie est morte, vive le marketing ! ». Entre les lignes, on lira de préférence, Le « dealership » a remplacé le leadership, l’intelligence est morte, vive l’indigence.

C’est donc le temps de l’indigence pour tous. Ainsi, par effet de boomerang, l’indigence semée au Sud de la vie, par des politiques néolibérales, retourne au Nord sous l’effet des vents violents, contraires et mauvais de la mondialisation.

Il n’y a aucun hasard dans l’émergence des profils politiques comme Berlusconi, Sarkozy, Fillon, Le Pen, Macron en Europe, Clinton et Trump aux EU, ou même Martelly et Jovenel Moïse en Haïti. Malgré les contextes économiques et sociaux très différents, sur ces théâtres politiques, il est possible de trouver de frappantes analogies entre ce qui se joue sur la scène et ce qui se trame en coulisses. Et ce n’est pas qu’une simple coïncidence. Le lien entre la culture des mauvais arrangements des hommes d’affaires et la laideur ou la corruption des représentants politiques est de plus en fort et positif. Ce n’est même plus une simple relation de contingence. C’est une relation de cause à effet. Pour ainsi dire une nécessité d’affaires.

Ce qu’on craignait de dire, hier encore à voix basse et de façon détournée, se dit à voix haute, forte et indigente. Les politiques, les médias et les experts ne craignent plus de dire qu’ils sont au service de l’argent. Evidemment, l’indigence sera toujours un peu plus grande au sud. Ainsi en Haïti, des sénateurs et des députés se sont même présentés comme étant des entrepreneurs politiques insinuant ainsi qu’ils offrent leur vote au plus offrant. Et ceci ne choque plus personne. Car le système est entré dans sa phase de déclin. Quand un abcès commence à crever, on ne s’étonne pas de ce qui s’écoule de la blessure sous la peau. Ainsi, dans sa phase sauvage, le libéralisme économique a besoin d’une représentation politique de plus en plus vile et indigne. Ce sont les plus laids, humainement, qui sont promus, médiatisés, financés et choisis par le système pour défendre ses intérêts et porter ses revendications.

Le modèle de l’imposture démocratique est arrivé en fin de cycle. Pour survivre, le système doit recycler ses produits rances et avariés. C’est la « démocrapulerie » qu’on peut modéliser par l’équation quantique : P = MC2 . Ce qui traduit que le pouvoir est livré aux médiocres, aux crapules et aux corrompus.

La fin du modèle de l’imposture démocratique

Dès lors, l’état de droit ne peut plus faire illusion et s’accommoder d’un semblant d’intelligence. D’où son rejet de tous ceux, comme Bernie Sanders aux EU, Jean Luc Mélenchon en France et d’autres ailleurs aussi, qui s’adressent à l’intelligence des gens. Il est vrai que chez nous, en Haïti, on tarde encore à trouver l’écho d’une parole intelligente chez nos politiques. Et c’est sans doute pourquoi il est plus facile de promouvoir l’indigence en Haïti et sans contestation. Mais ailleurs comme ici, le modèle reste le même : toujours opposer le pire au moins pire pour que la bêtise triomphe toujours.

Nous sommes dans une époque où les chefs d’entreprises et les représentants du secteur privé n’ont plus peur de dire ouvertement qu’en affaires, comme en politique ou en justice « les mauvais arrangements valent mieux que les bons procès ». Nous sommes entrés dans l’ère des mutations politiques indigentes qui forcent les politiques à jeter les masques et à révéler leur visage de trafiquants, de délinquants, de fascistes, d’inculpés, de vendus, de criminels, d’opportunistes, de corrompus et d’hommes au service d’intérêts privés. Cette effervescence politique distille les relents d’une pourriture sociale. Signe évident que le système d’exploitation mondiale est à l’agonie et ne peut plus survivre que par grimaces, laideurs et horreurs interposées.

Les défaites électorales de Sanders aux EU et de Mélenchon en France laissent retentir l’écho de ces horreurs. Toutefois, malgré leurs défaites, Sanders et Mélenchon se sont mis sur la trajectoire, d’une comète, rouge flamboyante, porteuse d’espoir pour l’humanité. C’est là, une nette victoire. Elle irradie une lueur scintillante annonçant une aube nouvelle. Celle qui aidera à préparer les prochaines luttes. Celle qui aidera à réinventer la contestation citoyenne et la représentativité politique. Il est venu le temps de l’insoumission internationale pour en finir avec la montée de cette indigence. Le monde a besoin d’une nouvelle utopie. Et conséquemment, pour Haïti aussi, le temps de l’indignation, à travers l’expression d’une pensée critique, digne, libre et insoumise, est venu. De partout, osons nous réveiller pour nous indigner. Citoyens du monde, et particulièrement d’Haïti, osons nous indigner contre l’humaine indigence.

Erno Renoncourt. 4 mai 2017. URL de cet article 31857


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