Débat au Parti communiste : Rapport d’Olivier Dartigolles - CN du 24 avril 2007

mercredi 25 avril 2007.
 

En battant tous les scores de participation sous la Ve République, notre peuple vient de montrer l’importance capitale qu’il donnait à ce scrutin manifestement dominé par une question centrale : pour ou contre Nicolas Sarkozy. Exacerbé par le présidentialisme et la médiatisation, cet enjeu a dominé tous les autres.

Cette réalité, qui a pesé si fortement sur le vote de dimanche, ne doit pas nous conduire à renvoyer à plus tard les grandes questions au cœur de l’évolution du paysage politique. Beaucoup de ces questions, j’en dirai quelques mots dans ce rapport, ne datent pas d’aujourd’hui. Mais elles s’aiguisent et de nouvelles font leur apparition. Un prochain Conseil national est convoqué pour le 9 mai prochain, il traitera de la situation politique à l’issue du second tour de l’élection présidentielle et prolongera nos échanges d’aujourd’hui.

Les résultats

Quelques premiers éléments d’appréciation sur le scrutin de dimanche. Il va sans dire bien sûr qu’ils sont partiels et que tout cela demandera une analyse en profondeur, y compris au regard des résultats du second tour.

La participation, de 83,7% pour ce premier tour de la présidentielle, a été la plus forte depuis 1965. C’est d’autant plus remarquable que cette participation intervient dans un contexte d’inscriptions et de réinscriptions électorales massives. Dimanche dernier, plus de 37 millions d’électrices et d’électeurs se sont rendus aux urnes, soit une augmentation de 8 756 361 par rapport à 2002.

Cette réalité constitue une rupture avec la tendance des années 90, rupture déjà perceptible avec le référendum de 2005, et un comportement totalement différent de la tendance observée dans les pays anglo-saxons et dans la majorité des pays de l’Union européenne. Une analyse approfondie de cette mobilisation civique, qui se rencontre dans tous les électorats, notamment dans l’électorat populaire et chez les jeunes, devra être effectuée.

L’ensemble de la gauche, extrême gauche comprise, rassemble 13 378 607 voix et 36,44% des suffrages exprimés, soit un gain de 1 043 172 voix sur 2002 mais une perte en pourcentage de 6,44%. C’est le plus mauvais résultat de la gauche depuis 1969.

La droite parlementaire - Bayrou, Sarkozy et de Villiers - recueille 19.089.538 suffrages et 52,12 %, soit un gain de plus de 18 % sur 2002. Ce gain s’est principalement effectué sur l’extrême droite, mais aussi, par le vote Bayrou, sur une partie de l’électorat de gauche en particulier sur les anciens électeurs de Chevènement et de Mamère.

Si on fait la somme droite plus extrême droite, on obtient 22,9 millions de voix et 62,5% des suffrages exprimés, soit un gain sur 2002 de 7,6 millions de voix et 9,5 % des suffrages exprimés.

Le Pen, avec 10,4%, perd 6,35 points et près d’un million de voix sur 2002, qui vont essentiellement chez Sarkozy et un peu chez Bayrou. Il garde des points forts chez les ouvriers et les 25/34 ans et rassemble tout de même plus de 3,8 millions de voix. C’est un échec pour le vieux leader d’extrême droite, mais qui ne peut malheureusement pas être interprété, au regard des conditions dans lesquelles Sarkozy a su capter ses voix, comme un recul des idées du Front national.

De Villiers ne réussit pas à percer.

Avec 31,18 % Sarkozy progresse de 11,23 % pointS sur Chirac. Il rassemble l’électorat UMP et mord largement sur celui du Front national, en reprenant à son compte les thèmes qui lui sont chers. La part la plus importante de son électorat se situe chez les plus de cinquante ans. Il a su aussi rassembler une partie de l’électorat populaire. Le candidat de l’UMP réalise un score sans précédent sous la V° République pour un candidat de droite au premier tour de l’élection présidentielle.

Bayrou, à 18,57 %, rassemble 6.750.019 voix et progresse de 11,71 % par rapport à 2002. Il échoue dans son pari de figurer au second tour, mais parvient, grâce à cet objectif proclamé abondamment crédibilisé par les sondages et les médias durant toute la campagne, à additionner à l’électorat traditionnel de l’UDF une partie de l’électorat de gauche à la recherche du vote le plus efficace pour battre Sarkozy et d’électeurs désireux de casser le système politique actuel. C’est un vote plutôt jeune, y compris dans certains quartiers populaires, et très fort chez les classes moyennes supérieures.

Ségolène Royal, avec 9,5 millions de voix et 25,87 % progresse fortement par rapport à Jospin (+ 9,66%), mais, si on tient compte des ralliements de Taubira et Chevènement, la progression sur 2002 n’est plus que de 2%. Les motivations de vote exprimées par les sondages « sortie des urnes », outre bien sûr le vote anti-Sarkozy qui a joué à plein, sont l’incarnation du changement qu’elle est censée représenter. En revanche, il y a chez ses électeurs une faible adhésion à son projet.

Avec Dominique Voynet, le vote Verts passe de 5,25% à 1,57% au profit de S. Royal.

José Bové réalise 1,32% des suffrages exprimés.

Olivier Besancenot ? à 4,08 % ? reste stable par rapport à 2002. Arlette Laguiller s’effondre de 5,72% à 1,33 au profit principalement de S. Royal (28%) et Besancenot (8%), mais aussi de Bayrou (14%) et Sarkozy (11%).

Au total, les trois candidats d’extrême gauche - Besancenot, Laguiller et Schivardi - rassemblent 2,1 millions de voix et 5,79 % soit un recul de 870.000 voix et 4,65 % ;

Notre résultat, de 707 294 voix et 1,93 %, en retrait de 1,44 % vis-à-vis de 2002 et de 253 254 voix, traduit une grande fragilité de notre influence dans le contexte d’un vote utile exacerbé (j’y reviendrai). Ce retrait est linéaire sur l’ensemble du territoire. Par rapport à 2002, nos pertes se font surtout au profit de Ségolène Royal (27 % des électeurs de Robert Hue de 2002 ont voté PS), mais aussi, dans une mesure moindre, d’Olivier Besancenot.

Nous sommes particulièrement faibles chez les 25-34 ans et notre électorat continue à être vieillissant. C’est pourquoi notre problème est moins de reconquérir un électorat que d’en conquérir un nouveau. Les motivations de vote en notre faveur sont le projet et la réponse aux préoccupations des Français. Dans l’électorat de gauche, Marie-George Buffet obtient ses meilleurs scores chez les ouvriers, les chômeurs et les faiblement qualifiés.

Notre campagne Quel regard pouvons-nous, aujourd’hui, porter sur notre campagne ? Au début de l’automne dernier, nous avions tous en tête le mouvement formidable qui avait conduit à la victoire du « non ». C’était à cela que nous pensions, c’était cela que nous espérions. Mais franchement, ce n’est pas sur ces bases que les choses ont démarré. Elles ont démarré dans l’amertume de l’échec du rassemblement antilibéral, avec des questions, des doutes, la peur aussi de revoir nos espoirs remis en cause. Ensemble, nous avons pris une décision de responsabilité, nous avons emprunté un chemin de courage et de dignité, un chemin qui ouvre un avenir. Quand on se rappelle ces premiers pas, et que l’on regarde la force qu’a pris cette campagne au fil des jours, comment ne pas être saisi par l’ampleur de ce qui a été accompli. Les communistes, les femmes et les hommes qui, à leurs côtés, ont apporté leur contribution à l’animation de la campagne se sont dépensés sans compter.

La mobilisation autour de notre candidate s’est déployée jour après jour. Le conseil de campagne a pris d’importantes initiatives. Le Mouvement jeunes communistes s’est mobilisé avec beaucoup de dynamisme. Et très nombreux ont été les élus communistes et républicains qui se sont engagés personnellement et fortement. Le Zénith, Bercy, Lille, Marseille, semaine après semaine, nos grands meetings ont donné à voir un rassemblement déterminé, combatif, ouvert aux luttes, à la jeunesse ; ils ont aussi donné à voir un Parti communiste à l’offensive, renforcé par de nouveaux adhérents, notamment les plus jeunes, très engagés dans cette campagne. L’appel à renforcer notre organisation peut réellement, nous venons d’en faire l’expérience, rencontrer un écho réel.

La campagne, ce sont aussi celles et ceux qui ont distribué des tracts et collé des affiches, qui ont tenu des blogs sur Internet, qui ont battu le pavé et monté les escaliers des immeubles des quartiers populaires, à celles et ceux qui ont parlé politique avec leurs collègues de travail, leurs amis, leurs proches. Nous avons reconstruit ces derniers mois une force militante en mouvement.

Au fur et à mesure, dans cette campagne de terrain il est apparu que Marie-George Buffet représentait quelque chose de fort, quelque chose d’essentiel pour notre peuple. Elle a su incarner avec dignité et combativité nos propositions, nos idées, nos espoirs. Je crois devoir, en notre nom et au nom des militants de la gauche populaire et antilibérale, lui dire combien son engagement personnel nous a été précieux et la remercier pour tout ce qu’elle a fait durant cette campagne difficile. Je le dis simplement en toute fraternité pour rendre justice autant à elle-même qu’à la réalité politique que nous connaissons. Elle n’est pas pour rien dans le fait que nous pouvons éprouver de la fierté, une fierté porteuse d’avenir, au regard de la campagne que nous avons menée ensemble.

Peut-être peut-on penser que ce que nous avons fait et que pour l’essentiel nous avons été les seuls à faire pendant plusieurs semaines, loin des effets de manche et des coups médiatiques, fut l’honneur de la démocratie.

Quels sont les premiers enseignements que nous pouvons maintenant tirer de la campagne électorale et du résultat du premier tour ?

Une bipolarisation qui s’accélère, un vote utile massif Le mécanisme institutionnel propre à l’élection du président de la République au suffrage universel a joué à plein. Sans doute avec davantage de force et de brutalité encore que lors des précédents scrutins. Ce que l’on a connu avec la campagne présidentielle depuis bientôt un an est la manifestation exacerbée de ce que portait en germe l’évolution des institutions voulue par les tenants du bipartisme et de l’alternance. Nous assistons, dans le prolongement de 2002, a un effet cumulatif qui, d’une élection à l’autre, travaille à une bipolarisation qui non seulement s’installe dans la vie politique mais s’accélère.

Nous ne découvrons pas que la Constitution de 1958 a mis en place un système de monarchie républicaine, considérablement aggravé par l’élection du président au suffrage universel qui assoit la légitimité du président sur un vote plébiscitaire, la fameuse « rencontre d’un homme et du peuple ». Le quinquennat décidé par Lionel Jospin a encore renforcé cette logique en instaurant une concomitance de fait entre l’élection présidentielle et les élections législatives, donc une sorte de fusion entre les deux, subordonnant les secondes à la première. La distinction énoncée dans la Constitution entre, d’une part, la fonction du président de la République, qui « veille au respect de la Constitution » et « assure, par son arbitrage, le fonctionnement régulier des pouvoirs publics ainsi que la continuité de l’État », et, d’autre part, celle du gouvernement, qui « détermine et conduit la politique de la nation », est devenue une fiction. Sauf exception de « cohabitation » (c’est-à-dire, depuis le quinquennat, d’un vote contradictoire des électeurs à un mois d’intervalle), le président de la République est désormais un super-chef de l’exécutif, concentrant entre ses mains tous les leviers de pouvoir et d’où émanent, directement ou indirectement, toutes les décisions. Et c’est la posture que, chacun pour ce qui le concerne, ont adopté les principaux candidats.

Les Françaises et les Français sont parfaitement conscients de cette réalité. C’est bien pour cela que l’idée d’une VIe République, idée que nous avançons depuis longtemps et y mettant un contenu authentiquement démocratique, a occupé dans la campagne une place qu’elle n’avait pas eue précédemment. Nos concitoyennes et concitoyens savaient que, dans les conditions présentes, leur vote était très important, le plus important de toutes les élections, puisqu’il s’agit de désigner un homme ou une femme qui décidera de tout jusqu’à la prochaine présidentielle. D’autant qu’ils n’ont plus comme naguère la perspective de pouvoir éventuellement « rectifier le tir » en cours de mandat présidentiel à l’occasion d’élections législatives ne suivant pas immédiatement la présidentielle. La question qui leur est posée découlant de ce mécanisme institutionnel monarchique n’est plus le vieux principe républicain : « Au premier tour, on choisit ; au second, on élimine », ce qui est une autre façon de dire : « Le premier tour est fait pour exprimer ses idées, ses convictions ». La question posée est devenue : « Qui, parmi tous les candidats, a la possibilité de figurer au second tour ? Qui a le plus de chances de battre celui ou celle dont je ne veux pas ? Et, donc, qui dois-je qualifier par mon vote du premier tour ? » Les électeurs sont ainsi conduits à passer du statut de citoyens, qui forment leur opinion par des débats contradictoires et choisissent une politique par leur vote, à celui de tacticiens, qui doivent désigner pour le second tour le plus crédible des « moins pires » à partir de sondages et de commentaires sur les sondages avec la peur de se tromper.

Combien d’hommes, de femmes, de jeunes avons-nous rencontrés dans cette campagne qui nous ont dit être d’accord avec Marie-George, très souvent en nous disant tout le bien possible qu’ils pensent d’elle, en ajoutant qu’ils « ne pouvaient pas » voter en sa faveur à cette élection-ci ? Combien d’électrices et d’électeurs de gauche, parfois communistes, qui tout en nous faisant part de leurs critiques, leurs inquiétudes même sur les propositions et la stratégie de Ségolène Royal, de leurs désaccords avec la politique de droite de l’UDF et de François Bayrou nous ont dit leur hésitation entre le vote pour l’une ou pour l’autre, selon les pronostics tirés des sondages ?

Ce mécanisme dit du « vote utile » (au sens où, dans cette logique, un vote pour un candidat qui ne se qualifie pas est un vote perdu, un vote pour rien) a joué avec une force sans précédent lors de cette élection. L’enquête publiée ce jour par le journal l’Humanité sur le « vote et l’attitude du peuple de gauche le 22 avril » montre très clairement les effets de ce vote utile sur le score de notre candidate qui ne saurait traduire l’audience réelle du Parti communiste dans notre pays. Ce vote utile a été renforcé par deux éléments politiques.

Le souvenir de 2002 et la question des alliances En premier lieu, à l’évidence, par l’expérience douloureuse, traumatisante au sens fort du terme pour l’électorat de gauche, du 21 avril 2002, c’est-à-dire tout à la fois de l’élimination de la gauche, de la présence de Le Pen au second tour et de l’obligation de déposer un bulletin de vote Chirac. Un très grand nombre d’électrices et d’électeurs de gauche en sont restés marqués d’un sentiment d’amertume profonde et parfois même de culpabilité personnelle. La volonté d’un « Plus jamais ça » - que nous partageons - a tout submergé aux yeux de beaucoup, et notamment des électeurs les plus sincèrement à gauche. Jusqu’au bout, jusqu’au dernier jour, les dirigeants socialistes ont joué à fond de cette peur, faisant de l’incertitude supposée de la présence de Ségolène Royal au second tour le principal de leurs arguments. Les grands médias se sont complus à alimenter ce chantage - pourtant jamais, à aucun moment, validé par quelque enquête d’opinion que ce soit - en faisant durer le suspens sur la présence de Bayrou, voire en décelant une montée secrète de Le Pen.

Une seconde dimension de ce « vote utile » a tenu à la perception, par des millions d’électrices et d’électeurs, du danger que représenterait la victoire de Sarkozy. Le « Tout sauf Sarkozy », donc le : « Qui est en mesure de le battre au second tour ? », a considérablement renforcé le processus que j’ai décrit. Et une variante est apparue dans la toute dernière période de la campagne du premier tour qui l’a encore accentué quand, au fil de telle ou telle déclaration provenant du camp de Sarkozy et de celui de Le Pen, la possibilité d’une convergence, d’une entente en vue du second tour et ensuite s’est concrétisée. Dans le même temps, certains dirigeants socialistes ont plaidé en faveur d’une « alliance nécessaire » entre « socialistes et centristes », les uns en l’envisageant de façon immédiate, d’autres considérant que cette annonce était prématurée avant le 22 avril.

Je reviendrai dans le cours de cette introduction sur cette perspective envisagée d’une recomposition politique avec la droite centriste par une partie de la gauche. Retenons pour l’instant que la figure d’un affrontement entre deux grandes coalitions, deux grands blocs de suffrages, UMP-Front national contre PS-UDF représentés au second tour par le duel Nicolas Sarkozy contre Ségolène Royal a tout à la fois accru le refus absolu d’une élection de Sarkozy dans l’électorat de gauche et crédibilisé la candidature de Ségolène Royal, en donnant à voir sa victoire possible. Le « vote utile » a, là aussi, pu jouer à plein. Au fond, l’électorat qui a été le plus la cible de cette logique a été l’électorat le plus anti-Sarkozy, le plus anti-Le Pen, le plus partisan d’une victoire de la gauche.

L’enjeu du premier tour de l’élection n’est plus le choix d’une politique Jusqu’au bout, les électrices et les électeurs ont considéré dans leur très grande majorité que cette campagne n’a pas été à la hauteur de leurs exigences. En somme, les Français attendaient beaucoup de ce premier tour. Mais d’une certaine manière, ils n’ont pas trouvé leur compte dans cette campagne. C’est ce décalage entre une attente très forte vis-à-vis de l’élection et une réalité de la campagne très en deçà de ces attentes qui, conjuguée avec l’interrogation de nombre d’électrices et d’électeurs de gauche sur la meilleure façon de faire barrage à Sarkozy, explique sans doute, pour une large part, l’hésitation des électeurs qui se sont interrogés jusqu’au bout sur leur choix. Le niveau des indécis n’a guère varié au cours de la campagne. Ils étaient 54% à se dire certains de leur choix le 14 juin 2006. Ils étaient 62% à en dire autant le 16 avril 2006, à une semaine du vote. En un an, la campagne n’aura donc pas permis aux électeurs, et particulièrement à celles et ceux qui se situent à gauche, de trouver des réponses aux questions qu’ils se posent.

A regarder de plus près la chronologie de la campagne, on comprend mieux ce paradoxe. Beaucoup d’observateurs attentifs de la vie politique française ont noté que la plupart des campagnes présidentielles se jouent sur un thème. Ce fut le cas en 1995 : le thème de la fracture sociale avait dominé. Ce fut le cas en 2002 : la sécurité avait alors occupé le devant de la scène. Cette fois-ci, aucune thématique n’a véritablement dominé les débats précédant ce premier tour. Alors que la question sociale a tenu le haut du pavé en début de campagne, avec les débats sur la question du logement, les interrogations sur l’avenir de l’industrie (Airbus) ou le pouvoir d’achat, la droite a tout fait pour réorienter la campagne sur les questions de l’immigration de l’insécurité. De ce point de vue, la proposition faite par Nicolas Sarkozy d’un « Ministère de l’Immigration et de l’Identité nationale » le 8 mars sur le plateau de France 2 s’apparente bel et bien à un tournant.

Il faut voir dans quel contexte cette annonce est intervenue. A ce moment précis de la campagne, les proches du candidat de l’UMP exhortent leur champion à trouver « un nouveau souffle » pour contrer l’offensive de François Bayrou. Il s’agit donc bien d’une stratégie pensée, réfléchie, visant à replacer le candidat de droite au centre des débats et à mettre en exergue ses thèmes de prédilection pour s’assurer un socle électoral solide en vue du premier tour.

Cette évolution majeure de la campagne a été facilitée par l’attitude de la candidate socialiste qui, bien courte sur les moyens de répondre aux grandes attentes sociales, a choisi de lui emboîter le pas. Dès lors, Nicolas Sarkozy avait atteint son objectif. Les événements de la Gare de Nord, quelques jours plus tard, ont encore renforcé cette tendance. Ce « zapping » qui a fait dévier la campagne de la question sociale aux questions de l’identité nationale ne doit donc rien au hasard. Il est le fruit d’une stratégie visant à priver les électrices et les électeurs du débat qu’ils souhaitaient avoir sur les enjeux relatifs à leur vie quotidienne. Contrairement à ce qu’on peut lire ici ou là, ce « zapping » n’est pas d’abord le résultat d’ « attentes confuses » de la part des citoyennes et des citoyens. Toutes les enquêtes, toutes les expériences que nous avons multipliées au cours des semaines qui viennent de s’écouler montrent que l’emploi, le pouvoir d’achat, la précarité sont en tête des préoccupations des hommes et des femmes de notre pays. Toute la stratégie de la droite aura donc consisté à déconnecter la campagne des attentes sociales : l’objectif poursuivi par les forces d’argent était et demeure celui-là. Les victoires, dans les urnes le 20 mai 2005 et dans la rue au printemps 2006 contre le CPE, sont passées par là. La droite sait bien qu’elle a tout à perdre d’un débat sur les enjeux économiques et sociaux.

Une campagne médiatico-sondagière d’un type nouveau, renforçant le piège démocratique de la présidentielle Lors de cette campagne, les sondages, omniprésents ont agi comme une arme de dépolitisation massive et comme un facteur puissant de prédétermination du vote. Leur fréquence - depuis trois mois, deux à trois sondages quotidiens sur la présidentielle, c’est du jamais vu ! - leur poids inédit dans la campagne médiatique ont transformé l’élection présidentielle en un jeu de pronostics, mettant en scène deux, puis trois et enfin quatre candidats.

On ne peut ignorer l’effet de ce phénomène sur le débat public. Chaque sondage contribue à fixer des rapports de force, rendant plus difficile leur évolution par le débat. Chaque sondage annonce et appelle un débat de second tour alors que le premier n’a pas eu lieu. Chaque sondage pose des questions de personnes plus que des questions de fond. Chaque sondage vient alimenter le débat en considérations de tactique électorale qui nuisent à l’expression de choix politiques.

Cette « fièvre sondagière » fut l’un des piliers du dispositif mis en place pour éviter tout débat, toute confrontation politique de fond en enfermant l’élection présidentielle dans l’équation « Qui peut battre qui ? ». Ainsi, au nom de cette équation, on a instauré arbitrairement deux catégories de candidats : les petits et les grands. Ainsi on réduit l’élection présidentielle à deux questions : « Qui parmi les grands sera sélectionné pour le deuxième tour ? », « Qui parmi les petits arrivera à se détacher ? ». Et les instituts de sondages ont tiré les leçons de leurs échecs passés. Au lieu d’un unique scénario écrit d’avance autour du bipartisme, ils ont organisé des variantes : un jour c’est la candidature fantôme d’Hulot, un autre jour c’est l’arrivée du troisième homme qui brise le clivage droite gauche, et puis c’est le retour menaçant de Le Pen...

Au final, la couverture médiatique de la campagne de Marie-George a presque exclusivement traité de son faible score dans les sondages. Les questions qui nous été posées tout au long de la campagne portaient sur notre réaction aux sondages au détriment des propositions de la candidate pour une politique de gauche pour vraiment changer la vie.

Le déroulement de la campagne dans les médias audiovisuels publics et privés pose un vrai problème de respect de la démocratie, dont l’information est un des piliers. Avant le démarrage de la campagne, n’a-t-on pas entendu la responsable du service politique de France Inter annoncer que la répartition du temps d’antenne se ferait pour 40% entre les deux candidats qui devrait être au second tour, pour 40% entre les deux pouvant espérer y figurer, les autres se contentant du reste. Durant la pré-campagne, avant que la règle d’égalité du CSA ne s’applique, l’équité n’a jamais été respectée. Les grands médias ont voulu peser sur le choix des Françaises et des Français en instituant une distinction entre grands et petits candidats, en faisant un paquet groupé « gauche de la gauche », en n’interrogeant pas de la même façon les uns et les autres, en dévalorisant bien souvent notre candidature, alors même que ce que nous réussissions ne faisait pas de doute comme à Bercy.

Après une personnalisation à outrance des premiers mois autour de la candidate socialiste et du candidat de l’UMP, puis la promotion de Bayrou et Le Pen, la campagne officielle n’a pas joué le rôle qui devait être le sien : organiser une indispensable clarification des enjeux, un décryptage des propositions des uns et des autres. Cela, nous le savons bien, exigeait l’organisation d’une vraie confrontation publique et contradictoire. Les électrices et les électeurs en ont été privés.

Des journalistes, notamment les 400 de l’audiovisuel public qui ont lancé l’Appel à des débats contradictoires, ont porté cet idéal démocratique et fait honneur à leur profession, c’est d’ailleurs ce que disent les milliers de messages d’internautes qui ont commenté cet appel.

Le Parti communiste, en lien avec celles et ceux qui défendent le pluralisme, va poursuivre son action sur ce terrain. Prenons des initiatives fortes au cours de la prochaine période pour que le CSA, les médias publics et privés, les directions de l’information et rédactions en chef, respectent à l’avenir le principe démocratique d’égalité.

Pourquoi ce vote utile ? Comme je l’indiquais en introduction, la force et la brutalité du vote utile ont marqué le vote de dimanche dernier. Puisqu’il n’y avait pas d’autre enjeu possible. Selon une enquête de la Sofres au sortir des urnes, 56 % des électeurs de Ségolène Royal disent : « ce n’est pas forcément la candidate qui a ma préférence mais je veux être sûr qu’elle soit au second tour ». C’est cela qui a été l’élément déterminant. Mais, au fond, pourquoi pas d’autre enjeu possible ? Je voudrais ici évoquer, rapidement - cela demandera des analyses plus poussées - trois questions.

D’abord celle de l’espoir. Quand il existe le moindre espoir d’alternative, cela produit une dynamique qui peut, nous l’avons vécu au printemps 2005, soulever des montagnes. La force du vote utile est proportionnelle à l’absence d’espoir. Aussi, l’échec du rassemblement - qu’il nous faudra revisiter pour en tirer les enseignements - a bouché l’horizon des possibles.

Cela a contribué à écrire un nouveau chapitre dans le domaine de la pédagogie du changement impossible. Au delà des mots, ce sont les faits qui parlent, c’est la vie quotidienne des femmes et des hommes de notre pays qui ne s’est pas améliorée, c’est l’avenir de leurs enfants qui est menacé. D’alternance en alternance, il y a aujourd’hui un facteur cumulatif qui, peu à peu, accrédite l’idée que rien, absolument rien, ne peut briser le cycle infernal d’une vie de plus en plus difficile.

Dans l’état de crise que provoque la précarisation généralisée, l’urgence sociale qui s’étend, indiscutablement, le discours idéologique de l’extrême droite, recyclée par la droite, allant jusqu’à influencer une partie de la gauche, a marqué des points. Ce processus conduit à d’importantes régressions idéologiques. La campagne électorale n’est-elle pas allée sur des oppositions entre Français et étrangers, entre érémistes et smicards, smicards et petits et moyens salaires. La solidarité n’est-elle pas assimilée, y compris à gauche, comme un assistanat. Mesurons bien ce que produisent les divisions au sein des salariés. Regardez encore sur le thème de la dette, avancée comme explication ultime de l’impossibilité de toute action publique, ou encore l’assimilation des cotisations sociales à des charges insupportables. Sur des points clés, nous assistons à de fortes et préoccupantes régressions idéologiques. Un exemple encore. Dans l’enquête Tns/Sofres/Unilog, à la question : « Dans les mois et les années qui viennent, souhaitez-vous que la société française soit une société avec plus de libertés individuelles ou une société avec plus d’ordre et d’autorité ? », 57 % choisissent l’ordre et l’autorité, 37 % « plus de libertés individuelles ».

Toutes ces questions, d’autres encore, sont la toile de fond de l’épisode que nous venons de vivre. Ce travail de décryptage est devant nous, il doit nourrir notre débat pour un communisme de notre temps. Il faudra faire l’analyse des profondes évolutions économiques, sociales et idéologiques de la société française. Et préciser les objectifs du Parti communiste dans une telle société. Cela ne peut être l’objet que d’un congrès dont il nous faudra discuter du calendrier et des modalités.

Voici quelques premières pistes d’une réflexion que nous devrons poursuivre et approfondir. Soyons certains que les communistes ont à cœur de tirer tous les enseignements de cette période qu’ils ont vécu avec intensité. De même, ils comprennent bien que l’urgence aujourd’hui est de battre la droite.

Le 6 mai, battre Sarkozy Le résultat du premier tour l’indique : Nicolas Sarkozy peut l’emporter au second tour, le 6 mai.

Cette perspective provoque une crainte extrêmement vive, une véritable répulsion pour des millions de nos concitoyens. Cette peur, je viens de tenter de le montrer, a nourri de façon presque irrésistible le mécanisme du « vote utile ». Toute notre campagne, toute la campagne de Marie-George a été animée d’une volonté intransigeante de barrer la route du pouvoir au champion de la droite. C’est la tâche à laquelle nous devons consacrer tous nos efforts.

La France, notre peuple ne peut pas en effet se permettre de maintenir la droite au pouvoir. Elle a fait ses preuves durant les cinq dernières années. De la généralisation de la précarité aux multiples cadeaux bénéficiant au capital et aux plus riches ; des privatisations et des attaques constantes contre les services publics aux lois Fillon (le futur Premier ministre, dit-on) de démantèlement de la protection sociale et de renforcement des inégalités dans l’éducation ; des lois Sarkozy privilégiant la répression à la loi CESEDA et aux expulsions inhumaines, y compris d’enfants scolarisés - la politique de la droite a aggravé toutes les inégalités et discriminations, étouffé la croissance réelle au profit de l’explosion des profits financiers, rendu la société plus injuste et plus violente.

Nicolas Sarkozy, numéro 2 des gouvernements Raffarin et Villepin, soutenu par Chirac et par Giscard d’Estaing, est le candidat de ce bilan. Toute son équipe est composée de ministres actuels ou anciens qui en sont les responsables. Nous avons été des millions et, à plusieurs reprises, une majorité à condamner depuis 2002, dans la rue et dans les urnes, la politique de l’UMP. Il faut confirmer cette sanction et chasser la droite du pouvoir le 6 mai.

Mais, on le sait bien, l’élection de Sarkozy n’aurait pas pour conséquence une simple continuation de la politique déjà ravageuse mise en œuvre depuis cinq ans. Marie-George y a constamment insisté dans sa campagne : « Cet homme est dangereux. » Son projet porte un choix de société : celui du Medef et des dirigeants ultra-libéraux de l’Union européenne, qui attendent son élection pour faire sauter tous les droits et garanties limitant encore la mise en concurrence « libre et non faussée » des travailleurs et des peuples ; celui d’une droite dite « décomplexée » qui n’hésite plus à emprunter ses thèmes à Le Pen. A la suite de la présidentielle de 2002, nous avions tenu une conférence nationale dont l’intitulé indique bien quel était l’objet : « 21 avril : faire face. Crise de la politique, montée du populisme et de l’extrême droite ». On ne peut qu’être frappé, à la lecture des travaux de cette conférence, par le nombre des idées de Le Pen reprises aujourd’hui sans vergogne par N. Sarkozy.

Les premières mesures annoncées sont emblématiques de ce projet. Dès cet été : l’instauration d’un « service minimum garanti en cas de grève », la création de peines planchers pour les récidivistes et la réforme de l’ordonnance de 1945, de nouvelles lois contre l’immigration et le regroupement familial, la fin des 35 heures et l’exonération de charges sur les heures supplémentaires. Le signe est fort et sans ambiguïté : l’élection de Sarkozy inaugurerait un quinquennat de combat - contre les syndicats, contre les salariés, contre les migrants, contre les jeunes, contre les pauvres.

Au-delà, son programme,

*- C’est le droit quasi-illimité des patrons d’exploiter les salariés, avec la mise en place d’un contrat de travail unique copié sur le CNE ; l’augmentation du temps de travail au nom du principe « travailler plus pour gagner plus » (pas de hausse du SMIC et exonération des heures supplémentaires que je viens d’évoquer) ; l’obligation d’activité pour les bénéficiaires de minima sociaux.

*- C’est la France transformée en « paradis fiscal », avec la suppression des droits de succession et, dans les faits, de l’ISF ; l’allègement de la taxe professionnelle ; la multiplication des zones franches...

*- C’est la casse comme jamais des services publics et de la protection sociale, avec de nouvelles privatisations ; le non remplacement d’un fonctionnaire sur deux partant à la retraite (c’est-à-dire, d’ici à 2015, d’un poste sur quatre dans la santé et l’éducation !) ; la fin de la carte scolaire ; la liberté d’implantation des écoles privées ; la poursuite de la loi Fillon contre la protection sociale et la suppression des régimes spéciaux ; de nouvelles exonérations de cotisations patronales... *- C’est la chasse aux immigrés et le pillage des compétences dans les pays pauvres. *- C’est la soumission à l’Europe libérale et aux États-Unis, avec la proposition d’un « mini-traité » sauvegardant les institutions et les politiques libérales de l’Union européenne et la dénonciation devant Bush de « l’arrogance française » - sans doute au nom de la défense de « l’identité nationale »...

Et toutes ces propositions ont été ponctuées au fil de cette campagne de discours recyclant directement ceux de Le Pen - la « racaille », le « Kärcher », « La France, aimez-la ou quittez-la », la pédophilie inscrite dans les gènes, etc., etc. -, de mises au point revendiquant haut et fort la volonté de capter l’électorat lepéniste, au point que l’hypothèse d’une alliance entre la droite et l’extrême droite a été ouvertement évoquée, qui pourrait aller jusqu’à la présence de ministres du Front national dans un futur gouvernement.

Tout doit être fait pour éviter à notre peuple l’épreuve, la très dure épreuve que constituerait l’élection de Nicolas Sarkozy. Tout doit être fait d’ici au 6 mai pour rassembler le plus largement afin de le battre, de l’empêcher de s’emparer du pouvoir avec les idées de Le Pen.

Jusqu’au 6 mai, nous serons en campagne pour battre Sarkozy. Affiches sur les murs des villes, des quartiers populaires, des villages. Diffusion d’un tract à plusieurs millions d’exemplaires. Appels de nos élus, initiatives diverses dont un grand meeting en Île-de-France dans le courant de la semaine prochaine, mobilisation le 1er Mai avec le muguet et la bataille financière, le Parti communiste français sera aux avant-postes pour battre Sarkozy le 6 mai et pour dire : on continue car la gauche on y tient, on veut qu’elle réussisse.

Dès dimanche soir, Marie-George Buffet a appelé tous les hommes et toutes les femmes de gauche, toutes et tous les démocrates, à voter et faire voter le 6 mai Ségolène Royal.

Comme l’a indiqué notre candidate, la situation est difficile, Sarkozy n’est pas battu. Le score de Ségolène Royal comprend non seulement les suffrages qui s’étaient portés en 2002 sur Jean-Pierre Chevènement et Christiane Taubira, mais aussi celui d’une très grande majorité des femmes et des hommes les plus déterminés à battre Nicolas Sarkozy, plus particulièrement ceux qui ont hésité avec le vote pour Marie-George Buffet ou pour Dominique Voynet.

Rassembler la gauche sur un projet clair, courageux et ambitieux. Dès dimanche soir, nous l’avons exprimé avec force : « Pour gagner, la gauche doit donc se ressaisir et mobiliser toutes ses forces. Elles existent. Les attentes qui se sont manifestées puissamment dans les luttes contre les réformes Raffarin, dans la campagne contre la constitution libérale de l’Europe ou pour arracher le retrait du CPE sont toujours présentes et attendent des réponses de la gauche. Mais beaucoup d’hommes et de femmes de gauche ont été désorientés, ces derniers mois, par une campagne qui gommait les repères entre la gauche et la droite. Certains en ont même conclu qu’il n’était pas si grave que ça, pour mieux combattre Nicolas Sarkozy, de voter pour une droite qui se prétendait plus modérée.

Nous avons appelé Ségolène Royal à dissiper les doutes et les ambiguïtés. Il faut, à l’occasion du second tour, proposer à notre peuple un projet clairement à gauche, courageux et ambitieux, se donnant les moyens de répondre aux grandes attentes populaires. Les communistes, toutes celles et tous ceux qui, dans leurs diversités, ont fait avec Marie-George Buffet au premier tour une campagne magnifique de mobilisation et de détermination, ne relâcheront pas leur effort. Le combat courageux pour ouvrir un nouveau chemin à gauche continue. Jour après jour, jusqu’au 6 mai, il nous faut maintenant convaincre de l’impérieuse nécessité de battre la droite. C’est vital pour notre peuple qui subirait sans cela durant cinq ans la politique ultra-libérale d’une droite décidée à en finir une fois pour toutes avec notre système social. C’est décisif pour se donner les moyens de construire, en vue des élections législatives et au-delà, une véritable alternative de gauche.

Car nous ne renonçons en rien à notre ambition pour la gauche, bien au contraire.

Nous avons, tout au long de la campagne, semé des idées, des propositions, des repères. Tout cela va compter pour demain. Même si cette campagne fut davantage ressentie, par les électeurs, comme un moment où seule comptait l’élection du ou de la future locataire de l’Elysée, nous sommes parvenus, avec Marie-George, avec les forces militantes engagées dans la campagne, à faire avancer dans l’opinion un certain nombre d’idées et de propositions qui seront autant de points d’appui pour les semaines et les mois à venir, notamment en matière d’emploi, de pouvoir d’achat, d’éducation et de culture, de protection sociale, de logement, de services publics, de lutte contre les inégalités et les discriminations.

Nous avons avancé dans l’idée que ces possibles, cette alternative politique, elle ne pouvait s’énoncer sans un souci permanent de crédibilité, et donc sans décliner les moyens de sa réalisation. Aussi, avons-nous fait de la question des moyens - moyens financiers, démocratiques, dans leur dimension à la fois nationale et européenne - l’un des marqueurs de notre campagne. Tout cela constitue des points d’appui importants. Ils sont de ces fondations sur lesquelles on peut construire du solide. Et nous le savons : lorsque des hommes et des femmes aux convictions diverses et reconnues comme telles surmontent leurs divisions et définissent ensemble des solutions dont ils exigent l’application, cela devient une force à laquelle il est difficile pour les gouvernants quels qu’ils soient de résister.

Dans toutes les initiatives militantes de ces derniers mois, nous avons tous pu constater ce besoin de politique. Cela faisait des années que nous n’étions plus autant interpellés sur l’idée d’un changement, sur son caractère possible ou pas. Dans le fond, nous sommes interpellés sur cette question qui a directement à voir avec l’engagement communiste de chacun de nous, avec la raison d’être d’un parti communiste en France aujourd’hui : est-il possible de dépasser le capitalisme ? Est-il possible, est-ce que cela vaut la peine de se battre ensemble pour aller vers un monde de femmes et d’hommes libres, égaux et associés ? Car tel est le sens qu’aujourd’hui nous donnons au mot communisme.

C’est évidemment dans cette voie, de politique de proximité et de contenu, qu’il nous faudra impérativement poursuivre.

Les législatives Le résultat de la présidentielle influera à l’évidence sur les futures élections législatives. Notre campagne ne sera pas la même selon le résultat du 6 mai. C’est pourquoi, afin de pouvoir discuter des législatives de façon plus approfondie et plus détaillée et de le faire en toute connaissance de cause, je vous propose de leur consacrer une partie importante du prochain Conseil national du 9 mai prochain.

Je l’ai indiqué, la logique même de l’évolution institutionnelle tend à transformer les législatives en simple appendice de l’élection présidentielle. Cette règle tendra très certainement à s’appliquer cette fois-ci, mais voyons bien les conditions nouvelles dans lesquelles vont se tenir ces élections.

Rappelons-nous, sans revenir à 1988, qu’en 2002 nous avons fait 4,9% aux législatives, après avoir fait 3,37% à la présidentielle, ce qui nous a permis d’élire 22 députés communistes et apparentés. Rappelons-nous aussi ces milliers d’électrices et d’électeurs qui nous ont dit qu’on pouvait compter sur eux aux législatives alors qu’ils allaient voter « utile » à la présidentielle. Toutes celles et tous ceux-là vont observer avec beaucoup d’attention ce que va être notre attitude lors de ce second tour. D’ici au 6 mai, tous nos candidats pressentis doivent être aux avant-postes de la campagne pour battre Sarkozy, et prendre toutes les initiatives nécessaires. Nous serons d’autant plus capables sur cette base de montrer au moment des élections législatives qu’il y a et aura besoin de nombreux députés communistes, d’un groupe à l’Assemblée nationale.

Cher camarades,

Pour conclure, chacun voit bien l’ampleur de la tâche que nous avons devant nous et ses difficultés. Nous ne sommes pas les derniers à nous réjouir du très fort recul de l’abstention qui a marqué ce scrutin. La démocratie dans notre pays n’en est pas moins en crise profonde. La bipolarisation a franchi une nouvelle étape et elle n’a pas permis que chacune et chacun exprime vraiment son choix d’avenir. Que de votes par défaut ! Que de votes de moindre mal ! Comme nous l’avons fait avec Marie-George dans les mois qui viennent de se passer, nous poursuivrons nos efforts pour nous faire entendre et comprendre de ces hommes et de ces femmes qui ne voulaient pas tomber dans le panneau, qui ont cherché une issue, qui ont voulu soupeser au mieux la conséquence de leur choix. Pour nous qui plaçons la démocratie au cœur de notre stratégie comme but et comme moyen, c’est un atout qu’il y ait dans notre peuple autant d’attentes à l’égard du débat politique et de la politique elle-même.


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