Pierre Khalfa : «  Jamais l’extrême droite n’a quitté le pouvoir dans une alternance tranquille  »

jeudi 4 mai 2017.
 

Le coprésident de la Fondation Copernic, fournit une explication au désarroi des électeurs de gauche face à la perspective du second tour. Il donne à voir le danger que serait le FN au pouvoir après le 7 mai.

Tout d’abord, que révèle selon vous le décalage, en termes de mobilisation contre le Front national, entre le soir du premier tour de 2002 et celui de 2017  ?

Pierre Khalfa Nous sommes dans une situation radicalement différente. Le fait que Marine Le Pen soit au second tour est annoncé depuis des mois, et est donc tout sauf une surprise. Ensuite, nous pouvons dire qu’elle a réussi son pari, d’une part en étant au second tour, de l’autre en réussissant son processus de dédiabolisation. Un processus évidemment complètement superficiel qui ne touche pas aux racines du projet politique de ce parti. Il n’empêche que, pour une partie des citoyens, le FN est devenu un parti comme les autres. Il existe une troisième explication, plus inquiétante pour ce second tour  : une partie des électeurs de gauche qui ont voté pour Jacques Chirac en 2002 ont eu l’impression de s’être fait avoir et, visiblement, penchent cette fois-ci pour l’abstention. Ils renvoient dos à dos Marine Le Pen et Emmanuel Macron. La combinaison de ces trois éléments pourrait expliquer cette absence de mobilisation.

Que répondez-vous face à ce troisième élément  ?

Pierre Khalfa La politique que propose Emmanuel Macron va aggraver considérablement la situation, résultat des cinq ans du quinquennat Hollande, et même des décennies précédentes. Ce qui rend compliqué l’appel à voter pour le candidat d’En marche  ! alors même qu’il est indispensable de faire barrage à Le Pen. Il faut expliquer sans relâche que le FN est un danger pour les libertés démocratiques. Il n’y a aucun exemple historique où l’extrême droite est arrivée au pouvoir par les urnes et en est sortie dans une alternance tranquille quelques années après. Pour moi, c’est l’élément essentiel, au-delà même des questions de xénophobie, puisque les discours d’une partie de la droite rejoignent aujourd’hui ceux de Marine Le Pen dans une porosité des électorats et d’idéologie. La droite, même extrême, est différente d’une extrême droite sur le plan du respect a minima de l’État de droit. Dans le cas d’Emmanuel Macron, on peut penser qu’il y aura des élections cinq ans après dans des conditions à peu près normales. Ce qui n’est absolument pas sûr avec Marine Le Pen, surtout au vu des pouvoirs considérables qui sont donnés aux présidents de la Ve République. Rien qu’avec l’article 16 de la Constitution, elle peut faire n’importe quoi. C’est cet argument qu’il faut avancer à tous ceux qui hésitent à voter au second tour. On est au-delà, aujourd’hui, du fait d’aller voter pour un ultralibéral.

Comment lutter efficacement, sur le long terme, contre le FN  ?

Pierre Khalfa L’électorat du FN est complètement hétérogène. D’un certain point de vue, c’est ce qui fait sa force. Il agglomère des demandes sociales hétérogènes, avec la recherche d’un bouc émissaire, responsable de leurs malheurs, comme ciment. C’est pour cela que la seule manière réelle de lutter contre le FN est de montrer qu’il existe une alternative et une autre politique possible, loin de la simple reproduction de la même politique, quinquennat après quinquennat. Montrer qu’il vaut mieux vivre dans une société égalitaire et juste que dans une société de concurrence de tous contre tous. C’est ce qu’a opéré Jean-Luc Mélenchon, en se projetant dans la société future. Cela a en partie fait son succès, notamment dans les quartiers populaires. En ce sens, il existe un début de reconquête de ces quartiers par un vote de gauche, à qui il a redonné une fierté. Audrey Loussouarn


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