Le vote populaire dessine l’avenir (Résolution du Conseil national de PRS des 4 et 5 juin 2005)

jeudi 9 juin 2005.
 

Résolution du Conseil national de PRS des 4 et 5 juin 2005.

Le peuple français a parlé. Le premier devoir de la gauche, de toute la gauche, est de l’entendre. C’est même l’urgence absolue du moment. Car les partis de gauche appartiennent au peuple et non pas l’inverse ! Le choix populaire a été massif : la participation atteint 70%. Il a été clair : c’est non à 55%. C’est un choix incontestable qui s’impose à tous. Les électeurs de gauche ont choisi très majoritairement le « non ». Celui qui se reconnaissait plus précisément dans le parti socialiste aussi. Entendre le vote de dimanche dernier, c’est faire le choix d’une réorientation sociale et républicaine pour le pays. Ce doit être là l’objectif de toute la gauche. Un chemin est ainsi tracé. Il prend appui sur la mobilisation populaire qui s’est exprimée dimanche dernier contre le libéralisme et pour une autre Europe. C’est une chance historique de mettre enfin en oeuvre la République sociale voulue par la grande masse des femmes et des hommes de notre pays. Cette orientation est celle qu’a fixé le vote du 29 mai. Pour la porter et pour se mettre au service du mouvement populaire, il faut construire une nouvelle union des gauches sans exclusive.

LE « NON » DU 29 MAI EST MASSIF, POPULAIRE, DE GAUCHE ET PRO-EUROPEEN

Le peuple de retour dans les urnes

Le fait majeur du référendum est sans conteste le retour massif aux urnes des catégories populaires. Alors qu’il était devenu un fait invariant de chaque élection, la différence du niveau d’abstention entre les bureaux de vote populaires et les bureaux des favorisés s’est spectaculairement réduite. Un nombre considérable d’abstentionnistes réguliers, qui n’avaient participé à aucun des récents scrutins, se sont rendus massivement aux urnes. Dans le mouvement même de la campagne du « non », nous avons déjà senti la réappropriation des enjeux politiques par les classes populaires. Elle a été la clé d’explication du résultat comme de son contenu. La question de la souveraineté populaire a ainsi été mise au premier plan de ce débat à travers la critique du dessaisissement du peuple voulu par ce projet de Constitution. Conforter et prolonger cette irruption du peuple sur la scène politique passe désormais par une refondation républicaine de la France et de l’Europe.

Un vote de classe

Les sondages réalisés à la sortie du vote le précisent : c’est d’abord le vote ouvrier qui s’est imposé. Il a été massif : la participation ouvrière dépasse légèrement la moyenne. Ainsi, la signification de classe du vote est beaucoup plus nette encore que lors du référendum de Maastricht. Le 29 mai dernier, 79% des ouvriers auraient voté « non » (Ipsos), soient 18 points de plus qu’à Maastricht, ainsi que 67% des employés (14 points de plus), tandis que 65% des professions libérales et cadres supérieurs auraient voté « oui ». Basculement par rapport à Maastricht, la fonction publique (64% des salariés du public pour le « non ») et la jeunesse (56% des 18-24 ans pour le « non ») rejoignent le « non », constituant ainsi un bloc sociologique nettement majoritaire. Le « non » est alors majoritaire dans toutes les tranches de revenu, sauf chez les ménages qui gagnent plus de 3000 euros par mois (qui votent à 63% pour le oui). La victoire du « non » est aussi celle des classes actives. Par catégorie d’âge, le « non » est majoritaire dans toutes les tranches jusqu’à 60 ans : 56% chez 18-24 ans, 55% chez les 25-34 ans, plus de 60% entre 35 et 60 ans. Le « oui » ne devient majoritaire que chez les électeurs plus âgés (56% dans la catégorie 60-69 ans, 58% chez les 70 ans et plus). En terme de statut, le « non » a été largement choisi par les salariés du privé (56%) et du public (64%), les travailleurs indépendants (58%) et les chômeurs (71%). Le « non » n’est minoritaire que chez les étudiants (46% pour le « non », 54% pour le « oui ») et chez les retraités (44% pour le « non » contre 56% au « oui »).

Le « non » majoritaire à gauche, la gauche majoritaire dans le « non »

Au bloc sociologique majoritaire rassemblé sur le « non » correspond un rassemblement politique de l’électorat de gauche. Non seulement 63% des personnes qui se disent proches du PC, du PS ou des Verts ont voté non, tandis que 73% des sympathisants UMP-UDF-MPF choisissaient le « oui ». Mais en outre, l’électorat de gauche est nettement majoritaire au sein du vote « non » tout entier, contrairement à ceux qui voulaient faire croire que le « non » serait dominé par la droite extrême et l’extrême droite. 55% des partisans du « non » se déclarent proches du PS (30%), du PC (10%), des Verts (9%) ou de l’extrême-gauche (6%) tandis que le « non » souverainiste surtout porté par les proches du FN (19,5%) ou du MPF (4,5%) ne représente qu’un quart de l’électorat du « non ». A l’inverse, le vote « oui » est dominé par l’électorat de droite. Ce résultat atteste que la majorité de l’électorat de gauche n’est pas gagnée à la résignation qui proclame que « le capitalisme a définitivement gagné la partie ». Il y a donc un très profond décalage entre ce que pensent les Françaises et les Français qui se reconnaissant dans la gauche d’un côté, et les orientations politiques qui dominent largement la social-démocratie européenne de l’autre. Ce résultat permet enfin de commencer à faire reculer l’emprise de l’extrême droite sur les catégories populaires si la gauche se montre capable de diriger durablement ce mouvement de révolte populaire contre le néolibéralisme.

Un vote pro-européen

Les sondages réalisés en sortie des urnes confirment que le vote « non » est motivé principalement par l’exigence d’une autre Europe. Tous les instituts concordent sur ce point. Chez Ipsos, 57% des électeurs du « non » se disent « favorables à la poursuite de la construction européenne ». Pour CSA, 64% des « non » souhaitent que « la France demande qu’une nouvelle Constitution soit rédigée », contre 29% qui préfèreraient que l’Europe continue avec les traités actuels. A la Sofres, on note que 82% des votants pour le « non » estiment que la victoire du « non » n’affaiblira pas la construction européenne. Ces évolutions idéologiques renvoient sans doute au climat culturel nouveau qui existe dans notre pays. Il a été confirmé dans cette campagne par la critique salutaire engagée par des centaines de milliers de nos concitoyens contre le contenu des médias dominants. Il a été rendu possible par le développement du mouvement altermondialiste. Ce dernier, après avoir été lancé en France par l’association Attac, après s’être diffusé dans le monde entier lors du sommet de Seattle de 1999, a peu à peu nourri la prise de conscience massive que le capitalisme de notre époque est un système injuste et qu’il peut être dépassé. La conviction l’a progressivement emporté qu’un autre monde était effectivement possible. Du coup, une autre conviction s’est fait jour dans les profondeurs du peuple français : une autre Europe est possible qui ne soit pas le cheval de Troie de cette mondialisation libérale.

La lecture du sens de ce vote est un enjeu idéologique et politique. Il est donc temps que cessent les caricatures insultantes qui prétendent que le « non » du 29 mai est un vote populiste, exprimant des peurs irrationnelles, motivé par les seules questions nationales, dominé par la droite xénophobe et l’extrême droite. Quel qu’aient été ses choix, la gauche doit rendre justice au message des électeurs que veulent défigurer les importants qui ont été mis en déroute. C’est un devoir pour la gauche de défendre le sens de ce vote populaire, civique, de gauche et altereuropéen.

LE VOTE DU 29 MAI DOIT ETRE RESPECTE ET ENTENDU

Le peuple français a voté souverainement. Le « non » est maintenant le choix de la France. Ses représentants doivent donc s’y soumettre. Refuser de le faire, c’est un déni de démocratie. C’est creuser le décalage qui existe entre le peuple et sa représentation, c’est aggraver l’état d’urgence politique que connaît le pays et qui prépare des lendemains explosifs dans une ambiance de crise de régime.

Le projet de Constitution européenne doit être retiré

Il ne peut être envisagé d’appliquer cette Constitution au peuple français qui l’a rejetée. Le fera-t-on revoter comme certains le prétendent déjà ? Nous ne pourrions accepter un tel mépris de la souveraineté populaire. La France ne ratifiera donc pas ce projet de Constitution. Or tout le monde reconnaît que la construction européenne ne pourrait pas continuer sans la France. Depuis, les Pays-Bas ont rejeté ce texte à leur tour. Les deux pays fondateurs de l’Union qui se sont exprimé jusqu’ici par référendum n’ont pas voulu de ce projet de Constitution. Celui-ci est donc mort. Il doit être retiré.

Or pour l’instant les principaux dirigeants européens refusent de l’admettre. Le président de la Commission comme le président actuel de l’Union prétendent qu’il faut poursuivre le processus de ratification pour que chacun puisse voter. Mais retirer dès maintenant le projet de Constitution, ce n’est pas interdire aux peuples qui ne l’ont pas encore fait de se prononcer, c’est ouvrir au contraire le véritable débat constituant en Europe. Celui-ci a été une fois de plus confisqué par la procédure antidémocratique utilisée pour adopter le projet de Constitution qui combine une convention non élue et l’opacité des discussions intergouvernementales. Le niveau extrêmement élevé du débat démocratique français l’a montré. L’irruption du peuple sur la scène européenne rend possible un véritable débat citoyen associant tous les peuples d’Europe, la méthode de la Constituante élue étant la seule manière légitime pour des Républicains d’élaborer une constitution. La gauche française devra donc prendre dès maintenant une initiative en direction du mouvement progressiste européen pour que celui-ci s’engage en faveur de l’ouverture d’un véritable processus constituant en Europe. A l’inverse, la poursuite à marche forcée du processus de ratification étend l’état d’urgence politique sur le continent. Car elle fait apparaître le décalage entre des Parlements qui approuvent cette Constitution à des majorités écrasantes et les peuples qui, lorsqu’ils sont consultés, l’ont rejeté jusqu’ici par deux fois sur trois. Le « non » du peuple français doit être respecté. C’est pourquoi nous nous appelons à l’organisation de manifestations unitaires de toute la gauche lors du prochain sommet européen, le 16 juin prochain, pour imposer au président de la République de respecter la volonté générale exprimée par le vote.

En France, le retour aux urnes est indispensable

En France, la nomination du gouvernement Villepin-Sarkozy montre s’il en était besoin que le retour aux urnes est devenu la seule solution raisonnable. Isolé dans son pays, le président de la République l’est désormais dans son propre camp. Il s’est retranché dans un bunker avec ses proches. Mais il a dû y accepter un adversaire déterminé, ministre de la police et des élections. Il ne reste déjà plus grand-chose de l’autorité du président de la République : celle du Premier ministre est ruinée avant même qu’il ait commencé son travail. Cet exécutif agonisant est donc à la merci de la moindre des difficultés. Or cellesci s’annoncent redoutables car ce gouvernement a clairement choisi une ligne d’affrontement avec le peuple.

Nos concitoyens ne s’y sont pas trompés. Ils ont perçu la nomination de ce gouvernement comme une nouvelle provocation après un vote massif contre les politiques libérales. Les premiers gestes du nouveau Premier ministre sont éclairants : son discours contre le chômage, pour lequel il se déclare prêt à s’inspirer d’exemples étrangers, s’accompagne d’une première visite officielle à... une ANPE. Ce ne sont pourtant ni les chômeurs ni le service public de l’emploi qui sont en cause, mais bien les politiques économiques et sociales appliquées en France et en Europe, sous la coupe des ayatollahs libéraux et de la Banque Centrale indépendante. Dans le même temps, on apprend que le premier train privé a circulé sur les rails de la SNCF, de nouvelles menaces pèsent sur le droit du travail et le statut de la fonction publique, des directives européennes non transposées refont surface, on parle d’une session parlementaire extraordinaire pendant l’été.

Avec Gerhard Schröder, Chirac s’est prononcé pour la poursuite du processus de ratification. En France, il a refusé le retour aux urnes qui s’imposait. Enfin, son nouveau gouvernement tourne ouvertement le dos aux exigences sociales du vote populaire. Le refus ainsi confirmé par Chirac de se soumettre à la volonté populaire rappelle le caractère profondément antidémocratique des institutions de la Ve République. Ce n’est pas la première fois. Ce ne sera pas la dernière si ce régime qui soustrait l’exécutif à la volonté populaire devait par malheur être maintenu longtemps en survie artificielle.

Le décalage entre les orientations du gouvernement et les exigences du peuple est à son comble. La politique de la France se poursuit sans aucune considération pour l’intérêt général de son peuple. L’illégitimité du pouvoir atteint un paroxysme. L’état d’urgence politique éclate en pleine lumière. Le pays s’installe dans une crise politique et institutionnelle majeure. En démocratie, la seule manière de la résoudre, c’est le retour aux urnes.

Vers une nouvelle union des gauches

La victoire du « non » rend possible une nouvelle et exaltante union des gauches. La dynamique unitaire qui s’est manifestée dans la campagne du « non » a répondu à l’attente du peuple de gauche. Ce rassemblement s’est réalisé en lien étroit avec la mobilisation populaire. Il s’est effectué sans exclusive. Il s’est ancré dans une opposition radicale à la droite et à sa politique libérale. Il s’est nourri de l’engagement civique de milliers de citoyens qui ont tenu à exercer librement leur devoir républicain au sein de collectifs pour le « non ». Quelle force, quelle énergie par rapport à la formule de la gauche plurielle, accord réduit entre appareils sans intervention populaire et sans contenu commun clairement défini !

Il faut maintenant élargir aussi ce rassemblement à tous ceux de nos concitoyens qui ont choisi le « oui » parce qu’ils pensaient que c’était le moyen d’avancer vers une Europe plus sociale et démocratique. Ils se sont tenus à l’écart de l’union des gauches qui s’est construite dans la campagne. Mais ceci ne doit pas être irrémédiable. C’est pourquoi nous constatons avec désolation l’attitude de la direction du Parti socialiste qui refuse d’entendre le message des urnes et continue à dénigrer le vote majoritaire des Français, des salariés, de ses propres sympathisants et de ceux de la gauche tout entière. En punissant les socialistes qui se sont engagés publiquement pour la victoire du « non » au référendum, la direction socialiste prolonge et aggrave sa rupture avec le mouvement profond qui a conduit au vote du 29 mai.

PRS contribuera pour sa part à recréer au plus vite les conditions d’un nouveau rassemblement de la gauche. C’est dans cette voie que résident les espoirs de prochaines victoires. C’est là que se trouvent les ressorts d’une action de transformation sociale durable et résolue.

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