Planification écologique et bâtiment Rénovation thermique : une priorité

mardi 2 mai 2017.
 

En France, le secteur du bâtiment représente environ 45% de la consommation d’énergie finale et 25% des émissions de CO2. 61% de ces consommations correspondent à l’énergie utilisée pour combler les besoins de chaleur – chauffage et eau chaude – des bâtiments d’habitation et du secteur tertiaire. Il y a donc dans le bâti un potentiel phénoménal pour la réduction de notre consommation d’énergie ! Cela doit passer par la rénovation thermique du parc existant et par la construction de logements neufs mieux isolés et moins énergivores. Compte tenu du faible taux de renouvellement du parc immobilier en France, le premier de ces deux leviers doit être sérieusement préparé afin d’œuvrer pour la transition énergétique et de lutter efficacement contre le changement climatique.

L’Ademe, dans son scénario de la transition énergétique pour 2030, montre que la rénovation de 500 000 logements par an et la construction d’environ 350 000 logement sobres permettrait de diminuer la consommation énergétique globale de 30%. Face à ce constat, les pouvoirs publics ont fixé des objectifs pour le secteur du bâtiment. La loi pour la transition énergétique et la croissance verte prévoit ainsi la rénovation énergétique de 500 000 logements par an à partir de 2017 et la création de 75 000 emplois liés à ce secteur d’activité. En outre, tous les bâtiments devront être au standard « bâtiment basse consommation » en 2050.

Ces objectifs nationaux répondent à la volonté de l’Union Européenne édictée dans la directive efficacité énergétique de 2012. Lors du Grenelle de l’Environnement, la France s’était donc engagée à réduire drastiquement les consommations énergétiques et les émissions de gaz à effet de serre pour le secteur du bâtiment d’ici à 2020. Ces objectifs fixés respectivement à -38 et à -50% ne seront toutefois pas atteints si l’on en croit le rythme actuel de reconversion du secteur. Les objectifs de rénovation doivent donc être revus à la hausse.

De nombreux dispositifs à destination des particuliers, comme le Crédit d’impôt pour la transition énergétique (remboursement de 30% des travaux) ou l’écoprêt à taux zéro (jusqu’à 30 000 euros), ont été mis en œuvre. Mais ces mesures, bien qu’incitatives, ne permettront qu’une réduction de consommation énergétique de -18% en 2020 et des gaz à effet de serre de -49% en… 2050 !

Inégalités sociales

La question de la rénovation thermique est donc une exigence écologique mais aussi une nécessité sociale. La France compte environ 4 millions de logements que l’on peut qualifier de « passoires thermiques », dans lesquels résident majoritairement des ménages pauvres ou modestes qui n’ont pas accès aux logements les plus performants sur le plan énergétique. Si les situations de précarité énergétique touchent de nombreux Français, ce sont évidemment les ménages les plus précaires qui sont les plus vulnérables face à la hausse constante des prix de l’énergie et qui seront les plus pénalisés par la transition énergétique si elle n’est pas mise en œuvre concomitamment à la réduction des inégalités environnementales.

En 2014, d’après une étude de l’Observatoire national de la précarité énergétique (ONPE), 5,1 millions de ménages, soit 20% des ménages français, étaient en situation de précarité énergétique dans leur logement. Cette étude repose sur trois indicateurs qualitatifs : la consommation réelle des ménages, leur ressenti face au froid et les stratégies de privation qu’ils mettent en œuvre.

Aux difficultés économiques des ménages modestes, qui ne peuvent se chauffer convenablement du fait de l’importance de leur taux d’effort énergétique, s’ajoutent des problèmes de santé induits par la mauvaise isolation ou aération de leurs logements. Une étude de l’Organisation mondiale de la santé montrait ainsi qu’un euro de travaux de rénovation thermique dans le logement permettait d’économiser 0,42 euros en dépenses de santé.

Depuis 2009 et la loi Grenelle II, les ménages en situation de précarité énergétique sont les cibles prioritaires d’une politique publique spécifique qui se traduit par des fonds alloués au programme national de rénovation énergétique, « Habiter mieux », géré par l’Agence nationale de l’habitat. La Fondation Abbé Pierre montre toutefois que les objectifs nationaux restent bien en-deçà des enjeux véritables du secteur du bâti et que la France aura traité ce problème en… 2095 en suivant le rythme actuel !

Des programmes locaux de détection des passoires énergétiques viennent compléter ces programmes nationaux. Le service local d’intervention pour la maitrise de l’énergie (SLIME), par exemple, a pour mission d’accompagner les ménages modestes dans la rénovation de leur logement. Faute de moyens économiques et humains, il reste toutefois insuffisant.

Former des professionnels

Le secteur du bâtiment est pourtant un vivier d’emplois majeur. Il correspond aujourd’hui à l’activité de plus de 450 000 entreprises ayant un chiffre d’affaire global de plus de 272 milliards d’euros (en 2011). Ce secteur est caractérisé par un grand nombre de petites structures artisanales ayant un nombre moyen de 3 salarié·e·s en équivalent-temps plein. La reconversion et l’adaptation de ces entreprises à la rénovation énergétique est un gage de commandes et de création d’emplois non délocalisables, deux chiffres en berne depuis la crise économique de 2008.

Ce secteur ne subira pas de rupture technologique : l’isolation, la ventilation, l’amélioration de la performance des équipements, l’optimisation des consommations d’énergie par la régulation... tous ces éléments relèvent de techniques maîtrisées et d’outils déjà éprouvés. Les professionnel·le·s doivent toutefois être formés à ces solutions et aux dispositifs d’aide afin d’être en mesure de les proposer aux particuliers.

Les artisans ont également besoin d’être sensibilisés aux nouveaux diagnostics et aux critères d’évaluation pertinents (ventilation, isolation et production de chaleur), ce qui nécessite la mise en œuvre de formations et de parcours uniformisés, qui font pour l’instant défaut. En complément, de nouveaux métiers et de nouvelles filières doivent être créés.

L’action de François Hollande via le programme d’action pour la qualité de la construction et la transition énergétique (PACTE) a été insuffisante : l’offre a encore besoin d’être structurée et les prix adaptés. Pour ne prendre qu’un exemple, la mention RGE (Reconnu Garant de l’Environnement), attribuée par l’État, permet aux artisans et entreprises du bâtiment d’être reconnus dans leurs compétences spécifiques et de proposer les dispositifs d’aide à leurs clients... mais ils sont toutefois trop peu à être reconnus par ce dispositif : environ 51 000 depuis son instauration selon l’UFC Que choisir.

Bref, pour une rénovation thermique du bâti efficace, attendre que le marché règle les problèmes est insuffisant. Dans ce domaine comme dans d’autres, seule la planification écologique permettra de tenir les objectifs nécessaires pour réduire notre consommation d’énergie.

Clémence Movire


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