Guyane : L’« île » abandonnée

samedi 15 avril 2017.
 

Depuis un mois, grève, blocages et manifestations agitent la Guyane. Ce grand mouvement collectif tente d’attirer l’attention des pouvoirs publics sur la situation calamiteuse du département : la délinquance et la violence y sont endémiques (Cayenne ayant, loin devant Marseille, le plus fort taux d’homicide de France) ; le chômage atteint des taux records : 23% en moyenne (contre 9% en métropole), et plus de 40% chez les jeunes ; les revenus sont au plus bas, avec un PIB par habitant qui s’établit aux alentours de 15 000 euros (contre 30 000 en métropole).

Bref, la situation est critique, et d’autant plus grave que des années de sous-investissements et d’abandon ont privé le territoire des équipements et des ressources dont il a besoin. Dans le domaine de la santé, les manques sont particulièrement flagrants. Alors que la population guyanaise a presque doublé entre 2000 et 2015, les capacités d’accueil en hôpital (pour les courts séjours) n’ont augmenté que 13%. Hormis dans quelques services, le nombre de lit pour 1000 habitants s’est dégradé par rapport à 1990. La densité de généralistes reste la plus faible de France. Résultat : une espérance de vie à la naissance inférieure de 2 ans à celle de la métropole, et un taux de mortalité infantile presque trois fois plus élevé que dans l’hexagone.

Même retard, hélas, en matière d’éducation : alors que les effectifs scolaires ont connu, ces dix dernières années, une forte hausse (+17 000 élèves, soit 25% d’augmentation), les moyens restent insuffisants. Policiers et gendarmes ? Pas assez nombreux, et trop souvent accaparés par la surveillance de la base de Kourou. La Justice ? Sous-dimensionnée, et donc réduite à l’impuissance. Ce que les Guyanais mobilisés demandent, c’est donc un effort de l’État qui leur permette de combler ces retards et de vivre sur un pied d’égalité avec le reste du pays. Ils ne portent pas une revendication particulariste, n’exigent pas un privilège, mais réclament simplement les droits communs à tous les citoyens. En refusant d’entendre leurs revendications, et en tentant d’enfermer le mouvement dans une alternative piégée – capitulation ou radicalisation – l’exécutif s’est, une fois encore, fourvoyé. Mais les présidents passent, les gouvernements changent. L’exigence des Guyanais, elle, restera : que la Guyane soit enfin un territoire de la République à part entière, et plus seulement cette « île »(cf Macron) lointaine et exotique dont partent les fusées.

Antoine Prat


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