Travailleurs détachés : Quand Fillon et Macron occultent le dumping social

lundi 10 avril 2017.
 

En Allemagne, un travailleur détaché dans les abattoirs perçoit de 3 à 7 euros de l’heure contre 9 à 15 euros pour un travailleur allemand. Cette différence dans la rémunération d’un même travail sur un même site est possible grâce à une directive européenne qui date de 1996. En France, trois présidents de la République et les nombreux ministres concernés, dont Fillon et Macron, sont restés inactifs depuis vingt ans face à cette politique de dumping social. Pourquoi ?

François Fillon et Emmanuel Macron promettent des petites hausses de salaires de 30€ par mois sans que cela ne coûte un centime aux employeurs qui bénéficieront parallèlement d’importants allègements de leurs cotisations sociales comme de l’impôt sur les bénéfices si l’un de ces deux hommes devient président de la République. Ces mêmes candidats sont totalement muets sur le rôle que le patronat allemand fait jouer aux travailleurs détachés pour tirer les salaires vers le bas outre Rhin et fragiliser, du même coup, les entreprises françaises dont la compétitivité est ainsi mise à mal par cette pratique permanente du dumping social outre Rhin.

Dans le numéro du 31 mars de leur bulletin d’actualité, les entreprises françaises des viandes rendent compte d’un débat qui s’est tenu le 23 mars à Rennes en ces termes : « Le débat sur les distorsions de concurrence induites par l’emploi massif et continu de travailleurs détachés dans certains abattoirs allemands ou espagnols n’avait jusqu’ici pas émergé dans la campagne présidentielle. Il s’agit pourtant d’une problématique de fond concernant la compétitivité des entreprises d’abattage-découpe et plus globalement de toutes les entreprises employant beaucoup de main d’œuvre ». Organisateur de ce débat, le « Collectif contre le dumping social en Europe » créé par la structure associative des professionnels de la viande a mis en exergue « le fait que, même si les textes européens prévoient que le travail détaché doit être temporaire, les taux d’emplois de travailleurs détachés dans les abattoirs allemands (dans certains abattoirs plus des 2/3 des sont salariés sont des travailleurs détachés) traduisent clairement qu’il s’agit d’emplois permanents, dont l’organisation est intégrée à l’organisation de l’entreprise. Par ailleurs, les conditions de travail des salariés détachés sont significativement différentes de celles des employés des entreprises allemandes. La rémunération, en particulier, est nettement inférieure ; de 3 à 7 euros par heure pour un travailleur détaché, entre 9 et 15 euros en moyenne pour un employé d’une entreprise allemande. Face à de telles distorsions, les entreprisses françaises des viandes ne peuvent être compétitives, ce qui a des conséquences pour toute la filière », constate le collectif.

Il convient de rappeler que cette directive sur les travailleurs détachés dans les pays de l’Union européenne date de 1996. C’était huit ans avant l’entrée de plusieurs pays d’Europe centrale dans l’Union européenne. Elle a été conçue pour peser sur la rémunération du travail dans les pays membres de l’Union européenne. Elle perdure encore aujourd’hui après onze années de présence de Jaques Chirac à l’Elysée, suivie de cinq années de Nicolas Sarkozy et autant de François Hollande. Elle demeure en dépit du passage de François Fillon au ministère du Travail de 2002 à 2005 inclus, puis de sa présence à Matignon de 2007 à 2012. Elle n’a pas été contestée par François Hollande et ses ministres successifs, Manuel Valls et Emmanuel Macron allant jusqu’à adapter notre législation du travail à ce dumping social avec la loi El Khomri.

Comme nous le montrions hier ici même, les programmes respectifs de François Fillon et d’Emmanuel Macron s’inscrivent dans la poursuite de cette politique de dumping social quand ils avancent la même recette éculée de baisse du salaire socialisé pour augmenter le salaire net de 30€ par mois. Car, dans le même temps, ils font de sorte que la somme dépensée par le patronat soit néanmoins en baisse. La « compétitivité » de l’industrie allemande dans les conditions que l’on sait leur sert aussi d’argument. Voilà pourquoi Fillon veut nous faire payer la différence par une augmentation de la TVA !

Gérard Le Puill, L’Humanité

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