Demander le ralliement de Mélenchon à Hamon : une totale absurdité (présidentielle 2017)

vendredi 18 juin 2021.
 

Au-delà du mythe de la "gauche alternative" s’impose la réalité de la "France Insoumise"

Mélenchon a été l’objet d’une multitude de pressions notamment médiatiques pour qu’il se rallie à la candidature Hamon et ce comme si les 270 000 participants de France Insoumise et son programme collaboratif L’avenir en commun n’existaient pas !

Nous démontrons ici qu’un tel ralliement serait un non-sens et constituerait un suicide politique pour le mouvement de la France Insoumise et pour l’avenir d’une gauche anti-libérale en France.

En prenant l’exemple du ralliement du candidat écologiste Yannick Jadot à Benoît Hamon et même du soutien de François Bayrou à Emmanuel Macron, de bonnes âmes invitent, implorent, supplient le "tribun du peuple" de se mettre au service de Saint-Benoît !

On en pleurerait presque !

En réalité, il s’agit d’une vaste opération de déstabilisation du promoteur de la révolution citoyenne et du mouvement France Insoumise.

I – Mélenchon doit affronter un contexte politique complexe.

1) Les institutions de la Ve République favorisent la confusion politique par le jeu des alliances.

Les contraintes institutionnelles de la Ve République rendent difficile l’autonomie des petits partis qui sont contraints pour survivre de contracter des alliances parfois contre nature.

Ce système favorise la bipolarisation ou tripolarisation du champ politique par des partis dominants.

La concentration du pouvoir autour de l’exécutif et des parlements godillots favorise l’irresponsabilité des élus et l’absentéisme parlementaire.

2) La professionnalisation de la politique.

Ensuite la professionnalisation de la politique ne favorise pas du tout le renouvellement du personnel politique et conduit de très nombreux élus à tout faire pour conserver leur siège.

Cette conservation conditionne pour bon nombre d’entre eux leurs conditions matérielles d’existence. On peut alors, pour reprendre la formule de Pierre Bourdieu, parler de politique gagne-pain. La possibilité de se représenter sans limitation de temps aux élections successives et le cumul des mandats tendent à la constitution d’une caste de notables de plus en plus éloignés des réalités sociales. Le montant des rémunérations souvent supérieur à 10 000 euros mensuels et différents avantages matériels favorisent cette coupure avec les classes populaires.

Les élus qui n’exercent pas de profession autre que leur activité politique, sont donc extrêmement dépendants de l’appareil politique dont ils dépendent. Ainsi, les élus non matériellement enchaînés à leur parti sont ceux qui exercent une profession en dehors de leur responsabilité politique (enseignants d’universités par exemple) et ceux qui sont proches de la retraite ou qui sont retraités.

Néanmoins ces arguments ne sont que partiellement valables car la profession de base peut être d’un exercice plus ingrat et être moins bien rémunérée (par exemple enseignants de collège). Une indemnité de sénateur complète substantiellement le montant d’une simple retraite.

Un autre effet pervers de cette professionnalisation est l’effritement des convictions au profit de la poursuite de la carrière politique avec les avantages afférents.

Cela passe par des alliances et arrangements entre partis politiques idéologiquement pas trop éloignés. Mais ces alliances, pour sauvegarder à tout prix sièges et ressources financières pour l’appareil politique peuvent conduire à des contradictions remettant en cause la sincérité des convictions affichées et affecter gravement la cohérence de la ligne politique.

Ce phénomène peut provoquer un rejet du corps électoral constatant alors que l’intérêt partisan et l’intérêt personnel de carrière de certains élus passent avant l’intérêt général.

Remarquons que ceux qui se sont engagés dans leur parti dès leur jeunesse et ont gravi progressivement différents niveaux de responsabilité, sans exercer une activité professionnelle autre que celle de la politique, peuvent être considérés au sens propre comme des apparatchiks, sans forcément donner à ce terme une coloration péjorative. Ils ont été façonnés par leur parti et celui-ci leur apporte, soit par la fonction d’élu, soit par la fonction de permanent, à la fois emploi, reconnaissance sociale, éventuellement prestige, rémunération et même possibilité de reclassement dans une administration ou autre en cas d’échec à une élection. Mais il ne faut pas oublier une part de l’essentiel : la capacité d’avoir du pouvoir dans la société.

3) Des appareils politiques au fonctionnement entrepreneurial et bureaucratique.

Cette professionnalisation a pour conséquence la formation d’appareils politiques plus ou moins bureaucratiques et budgétivores.

Ces partis tirent leurs recettes de la cotisation des adhérents et notamment des élus, d’aides de l’État fonction des résultats aux élections et de dons privés. Mais il peut exister des associations ou micro-partis satellites qui peuvent apporter leur contribution aux gros appareils.

Les appareils politiques dominants sont tentaculaires car leur influence s’exerce dans une multitude de think tanks et instituts, dans les médias et les milieux d’affaires.

Leur puissance de feu médiatique ne se mesure pas seulement par leur "budget propagande" mais par leurs ramifications–relais dans les médias. On comprend ainsi qu’un candidat qui souhaite avoir une bonne chance d’être élu et de faire une carrière politique a plus intérêt à choisir un parti dominant plutôt que minoritaire.

Il est tout aussi clair que les élus ont tout intérêt à défendre vaille que vaille l’appareil politique auquel ils sont attachés quitte à changer son nom. (Nous ne revenons pas ici sur la question de la nature des partis en relation avec le rapport de classe que nous avons traitée dans des articles précédents.)

L’analyse précédente repose sur des faits et non sur un parti pris idéologique. Elle est rarement évoquée par les médias et jamais par les partis eux-mêmes comme s’il était honteux de parler de politique gagne-pain et d’appareils politiques pourvoyeurs indirects d’emplois et de rémunérations.

Ce ne sont que dans les publications universitaires de sociologie politique ou dans un média comme Le Monde diplomatique que l’on peut trouver un tel éclairage.

Or une telle analyse se révèle nécessaire pour comprendre le comportement politique de certains élus et des partis en particulier le PS et en partie le PCF.

II – Du parti au mouvement.

Il faut avoir à l’esprit ces considérations pour suivre la cohérence de la ligne politique de Jean-Luc Mélenchon et les difficultés auxquelles il se heurte pour la mettre en œuvre.

Il n’est pas question ici de faire une biographie de Jean-Luc Mélenchon que l’on peut d’ailleurs trouver sur Wikipédia ou dans son livre "Le choix de l’insoumission" mais de saisir la cohérence de sa ligne politique.

1 – Une ligne politique résolument à gauche.

Mélenchon dans sa jeunesse a acquis une culture marxiste qui explique sa référence au matérialisme historique pour comprendre les phénomènes économiques et sociaux. L’existence d’une oligarchie industrielle et financière dominant la société n’est donc pas pour lui une découverte récente.

Il a toujours défendu une ligne politique très à gauche au sein du parti socialiste auquel il avait adhéré à l’époque du programme commun de la gauche. Constatant une dérive libérale du PS et de la politique européenne d’une part et de l’impossibilité d’infléchir de l’intérieur la politique libérale du PS d’autre part, il provoqua en 2008 avec d’autres, une scission du PS en créant le Parti de Gauche (PG). Deux événements ont favorisé cette décision : le choix du oui en 2005 du PS pour le référendum relatif au TCE et l’échec cuisant de Jospin devancé par Le Pen à l’élection présidentielle de 2002.

L’objectif de ce nouveau parti est de créer une alternative antilibérale à gauche du PS en y intégrant une dimension écologiste, altermondialiste et féministe tout en gardant sa totale autonomie par rapport au PS.

Le PG et le PCF fondèrent en 2009 le Front de Gauche (FG) qui s’élargit ensuite avec d’autres composantes C’est au nom du FG que Mélenchon se présenta à la présidentielle de 2012 et obtint 11,1 % des suffrages exprimés soit environ 4 millions de voix.

2 – Les limites d’un cartel de partis.

Le PG et Mélenchon défendirent au sein du FG toujours le même cap :

1) affirmer l’unité du F.G. autour du programme "L’humain d’abord" et toujours garder une visibilité nationale à tous les niveaux des élections 

2) utiliser le logo commun du FG à partir d’une charte d’utilisation permettant aux électeurs d’avoir une vision claire c’est-à-dire qu’il existe bien une alternative à gauche du PS 

3) rester le plus autonome possible par rapport au PS en ne contractant des alliances avec lui qu’au deuxième tour si nécessité, les alliances au premier tour ne pouvant être qu’exceptionnelles

4) l’adoption d’une charte éthique interdisant le cumul des mandats aux candidats.

À l’occasion des élections législatives de 2012, des municipales de 2014, des départementales et des régionales de 2015, Jean-Luc Mélenchon fut contraint de constater, malgré ses multiples recommandations et celle de son parti que les quatre points précédents n’étaient pas pris en compte dans un très grand nombre de cas, le PCF préférant des accords et alliance opportunistes à géométrie variable.

Cela conduisit à une perte de visibilité et de cohérence du FG pouvant être alors considéré comme un satellite du PS, argument que Marine Le Pen ne se priva pas d’utiliser.

Les motivations réelles du comportement du PCF mais plus particulièrement de plus de la moitié de ses élus locaux trouvent leur explication dans la première partie de notre article.

Pour sauvegarder leurs sièges et permettre au PCF de survivre financièrement, les alliances avec le PS se poursuivirent. Force était donc de constater que le FG ne constituait pas une entité organique politique autonome mais un simple cartel de partis défendant des intérêts propres.

Mélenchon et le PG comprirent alors que leur ambition de créer une force antilibérale alternative au PS autonome n’était pas possible dans ces conditions. La structure parti interdisait donc de pouvoir présenter aux électeurs une ligne politique claire et cohérente, en rupture avec celle du gouvernement social libéral.

Dans le même temps, un autre fait convergeait avec ce constat : la répulsion croissante d’un grand nombre d’électeurs à l’égard des partis politiques considérés comme corrompus et préférant servir leurs intérêts plutôt que ceux de la population.

3 – Le choix du mouvement et de l’insoumission aux appareils

Voilà donc pourquoi Mélenchon créa le mouvement France Insoumise : permettre au peuple d’avoir une véritable alternative à gauche (non soumise à l’hégémonie du PS ) permettant de servir l’intérêt général le bien commun quel que puisse être l’éventuel prix à payer pour les partis dits de gauche par des pertes de sièges causés par des refus d’alliances contre nature..

On comprend aisément qu’une telle stratégie puisse provoquer un profond rejet voire la colère de la part d’un grand nombre d’élus attachés à leur siège comme l’huître à son rocher Et on comprend ainsi les raisons profondes de l’hostilité plus grande de communistes ayant des responsabilités électives que de simples adhérents n’ayant aucun siège à défendre. On comprend aussi la rétention des parrainages de Mélenchon par un certain nombre d’élus communistes.

4 – Les frondeurs, EELV et la chaîne dorée du PS.

Mélenchon rencontre un phénomène du même ordre du côté des frondeurs du PS. Pourquoi ces élus bien qu’en opposition avec plusieurs mesures importantes du gouvernement Hollande et en opposition avec la majorité du PS, qui approuve au congrès de Poitiers la politique gouvernementale, ne quittent-ils pas le PS ?

Du point de vue idéologique, ce n’est pas le choix qui manque comme structures d’acteurs : PG, Nouvelle Donne, NGS et plus récemment France Insoumise ?

Encore une fois, l’explication de fond se trouve dans notre premier paragraphe. La crainte de perdre leur siège, l’appui d’un appareil politique puissant et une perspective d’espace électoral plus réduit avec les trois pertes citées précédemment. Encore une fois, c’est un effet du carriérisme.

Quant à EELV, dont les petits scores électoraux ne peuvent faire espérer des gains de sièges substantiels, un certain nombre de ses représentants préfèrent faire alliance avec le PS pour sauvegarder un certain nombre de sièges. (Mais tous les militants de ce parti n’apprécient pas forcément cet opportunisme et rejoignent France Insoumise.)

5 – Les deux mâchoires de l’étau se resserrent sur Mélenchon.

Et qui se ressemble s’assemble ! Au nom de la sacro-sainte unité des forces de gauche, du "grand rassemblement,à gauche", communistes, frondeurs et écologistes en perdition se congratulent, se tendent chaleureusement la main ! Mais de quelle gauche parlent-t-ils ?

Et quand bien même ces dénommées forces de gauche seraient-elles réellement de gauche, elles ne réunissaient fin 2016 qu’entre 30% et 35 % des électeurs.

Tout les membres de ce petit monde partagent l’idée que le PS restera dominant à gauche et lui permettra, par alliance, de poursuivre sa carrière politique.

Or Mélenchon conteste fondamentalement cette hégémonie du PS (dont la politique économique est de plus en plus destructive et antisociale) et n’accorde qu’une confiance très limitée aux frondeurs en raison de leurs votes favorables pour l’adoption de budgets d’austérité et de certaines lois comme le CICE.

Celui-ci constitue donc une menace vitale dans l’esprit de ces gens enchaînés à leur appareil..

Toutes les appellations-contre-feux seront alors utilisées avec leurs rideaux de fumée pour disqualifier Mélenchon : « part seul » , l’homme providentiel, le chevalier au panache blanc, Monsieur moi je, le candidat autoproclamé, l’homme seul, le colbertiste, le sectaire, l’anti unitaire, etc.

Heureusement, les militants de base ne se laissent pas impressionner par ces contre-vérités et tous les responsables politiques du PCF, de EELV, des frondeurs ne se sentent pas menacés par Mélenchon et ne tiennent pas des propos calomnieux ou mystificateurs.

Néanmoins Jean-Luc Mélenchon a dû affronter deux contre-feux : Celui de la rétention des parrainages d’une part et le cheval de Troie du revenu inconditionnel d’existence lancé par le PS, relayé par Benoît Hamon pour faire diversion au programme L’avenir en commun.

La conflictualité risque de se poursuivre à l’occasion des élections législatives en raison de l’exigence de clarté demandée par Mélenchon et France insoumise sur le programme et les alliances. Ainsi, la charte proposée va encore, toujours pour les mêmes raisons, provoquer l’hostilité d’un certain nombre d’élus et de candidat communistes.

Il ne s’agit donc aucunement d’un "conflit d’egos" mais d’un conflit entre deux logiques politiques : l’une s’appuyant sur le parti, l’autre s’appuyant sur le mouvement.

Un certain nombre de militants de partis ont su résoudre cette contradiction en participant activement au mouvement France Insoumise.

Au-delà de la victoire ou non victoire électorale, le PS joue sa survie : si France Insoumise dépassait le candidat du parti socialiste, ce dernier a toutes chances de se disloquer. Ceci explique la raison pour laquelle le PS use de toute son influence possible dans les médias pour écraser la campagne de Mélenchon.

6 – Le « déφ » de la cohérence de FI et de Mélenchon.

Ainsi, l’intégrité et la cohérence de la ligne politique de Mélenchon dérange et fait peur, pas seulement à ceux auxquels on pense – les grands bourgeois de l’industrie et de la finance– mais aussi aux notables des assemblées parlementaires et des collectivités territoriales, et ce, d’autant plus, que son programme contient le non-cumul des mandats et la révocabilité des élus.

La dynamique de la cohérence de la ligne politique de Mélenchon devient ainsi un sport de combat.

Mélenchon est ainsi "encadré" (pris en sandwich) par deux personnalités politiques et appareils en proie à des contradictions dont sa ligne politique est génératrice : d’un côté Benoît Hamon, dont la proximité idéologique avec le programme de Mélenchon est plus grande qu’avec celle du social libéralisme défendu par la majorité des adhérents du PS, doit préserver l’unité de son parti entre options contradictoires, la survie de son parti étant en cause, ; de l’autre côté, Pierre Laurent dont les options idéologiques sont très proches de l’Avenir en commun qui doit tenir compte du danger supposé par les cadres locaux du PCF qu’engendre la ligne politique autonomiste de Mélenchon par rapport au PS. Là encore, la survie PCF est supposée être en jeu.

Observons que c’est précisément la professionnalisation de la politique et les intérêts d’appareils qui provoquent ces contradictions.

Ce n’est évidemment pas au travers des médias, au mieux forcément simplistes, au pire activement tendancieux, que l’électeur moyen, occupé par ses activités quotidiennes peut comprendre les difficultés auxquelles se heurte Mélenchon.

Sa tâche, avec France insoumise, est donc deux fois plus difficile que celle que l’on croit. Ce ne sont donc pas seulement des groupes d’appui mais aussi des foules d’appui qu’il faut mettre en mouvement ! C’est un peu le sens de la marche du 18 mars 2007 organisée une part la France insoumise

Pour échapper à cette contradiction entre défense de l’intérêt général et défense des intérêts particuliers des professionnels de la politique, Mélenchon a compris, à la lumière de l’expérience, que seule une structure transpartisane était souhaitable et jouable.

D’autre part, il a compris aussi que les structures de partis, se distinguant, par définition, par des différences voire des oppositions idéologiques, ne pouvaient être des outils opérationnels pour "fédérer le peuple" qui doit pouvoir retrouver son unité à partir de principes démocratiques fondamentaux transcendant les divergences idéologiques, divergences qui sont, en outre, souvent mises en exergue artificiellement voire inventées de toutes pièces pour justifier des fonds de commerce partidaires.

Ainsi, France insoumise n’est pas toujours comprise de militants de partis car elle se développe avec une autre logique politique non assujettie à des contraintes d’appareils et de carriérisme.

III– Le ralliement de Mélenchon à Hamon : une totale absurdité politique.

1 – Benoît Hamon souffre de plusieurs contradictions et incohérences.

D’abord, il est élu sur un programme de primaire plus à gauche que celui du PS et sur certains points en opposition avec le gouvernement Hollande. Rappelons pour mémoire, qu’au congrès du PS de Poitiers en 2015, la politique défendue par le gouvernement dit socialiste était approuvée par 70% des adhérents et la motion B défendue par Benoît Hamont ne réunissait que 28 %.

Devant représenter la totalité du PS et non simplement une fraction, il est donc prisonnier d’une contradiction : il doit réaliser une synthèse impossible entre l’eau et le feu au risque de n’engendrer que de la vapeur ou de défendre simultanément des politiques contradictoires.

La posture assez classique de Benoît Hamon de l’abstention (voir sa biographie politique) risque d’être alors totalement inopérante pour pouvoir diriger un pays.

2 – Les injonctions faites à Mélenchon de se rallier à Hamon.

Les médias ont présenté comme une évidence que Mélenchon devait se rallier à Hamon augmentant ainsi la probabilité du candidat de gauche de franchir la barre du deuxième tour. Peut-être même d’écarter le danger d’une élection de Marine Le Pen.

La situation est toujours présentée d’une manière asymétrique. Par exemple on entend : "Benoît Hamon n’a pu convaincre Mélenchon de se rallier à sa candidature…" et non pas : "Mélenchon n’a pu convaincre Hamon de se rallier à sa candidature…"

Cette manière de voir repose sur plusieurs axiomes

1) La candidature de Benoît Hamon serait la plus légitime du fait qu’il a été choisi à partir de la primaire de gauche réunissant plus de 2 millions de suffrages.

2) Il représente le parti numériquement le plus important : le PS. D’ailleurs, Benoît Hamon, de ce fait, considère qu’il jouirait d’une centralité naturelle pour représenter la "gauche alternative". (Voir annexe)

3) Le programme de Benoît Hamon serait très proche de celui de Mélenchon.

4) Les pourcentages d’intentions de vote évalués par les sondages obtenus par l’un et par l’autre s’additionneraient.

5) Les participants du mouvement France Insoumise seraient d’accord avec ce ralliement.

6) Benoît Hamon aurait les capacités d’appliquer les engagements contenus dans son programme un éventuel programme commun de la gauche alternative.

7) Les forces composant la "gauche alternative" seraient authentiquement de gauche.

Or tous ces axiomes sont parfaitement contestables

Répondons dans le même ordre à ces présupposés.

1) Contrairement à ce qu’ont répété incessamment les médias, il ne s’agissait pas d’une primaire de la gauche mais d’une primaire du PS et 2 à 3 millions de voix sont loin de représenter les 44 millions électeurs. Cette légitimité est donc factice.

2) Le nombre d’adhérents du PS, fin novembre 2016, s’élevait à 42 300 à jour de leur cotisation. (Source ici : )

La France insoumise réunit environ 270 000 membres (source Wikipédiaici) On ne voit donc pas bien en termes de légitimité numérique pourquoi Benoît Hamon serait avantagé. Ce devrait être l’inverse au profit de Mélenchon.

Alors faut-il invoquer le caractère légitime de l’appareil politique qu’est le PS avec un budget de l’ordre de 60 millionsd’euros ? Or il se trouve, en cette périoder de ejet des partis que nous traversons, que pour un très grand nombre de citoyens la structure "mouvement" de France insoumise est plus légitime. (voir le début de notrearticle).

3) La proximité du programme de Benoît Hamon est toute relative . Il y a certes des convergences sur les questions écologiques par exemple mais de graves divergences sur l’appréciation des traités européens et de la nécessité de les changer en profondeur, Divergences aussi concernant la retraite à 60 ans car Benoît Hamon veut conserver le départ à 62 ans avec 43 annuités. Divergences encore sur les relations internationales : sa position à l’égard de la Russie est beaucoup plus hostile que celle de Mélenchon qui préconise au contraire la coopération. Benoît Hamon ne veut pas que la France sorte de l’OTAN (source ici)

D’autre part, son programme n’a été élaboré que très récemment et ses positions sur le revenu universel dont il fait un cheval de bataille avec la soi-disant raréfaction du travail est loin d’avoir atteint le niveau d’élaboration de celui de l’Avenir en commun pour des raisons de durée de mise en œuvre et du nombre de personnes qui se sont impliquées dans son élaboration. Sa position par rapport au problème fondamental du partage des richesses est très floue et détournée par la proposition d’un revenu inconditionnel d’existence qui ne remet pas en cause la super accumulation financière des multinationales.

Comme nous l’avons démontrée dans un article précédent, la promotion de sa candidature via le revenu universel bat un record historique de couverture médiatique : nous en avons dévoilé les raisons.

Le programme de Mélenchon est donc d’un niveau d’élaboration beaucoup plus élevé. Il est beaucoup plus favorable à une politique internationale de paix fondée sur notre indépendance nationale et non sur notre dépendance par rapport aux États-Unis ou à une défense européenne intégrée liée à l’OTAN dont il est partisan.

Il est donc bien évident que France insoumise n’a rien à gagner sur le plan programmatique à rallier la candidature de Benoît Hamon.

4) Il n’est pas du tout évident que même si Mélenchon et France insoumise se ralliaient à la candidature de Benoît Hamon que les électeurs suivent. D’abord parce que celui-ci a participé au gouvernement de 2014 à 2016 et est donc comptable de la politique gouvernementale et est aussi perçu comme un apparatchik pur jus du PS à un moment où les appareils politiques sont en perte de crédibilité.

5) Mais il faut se poser la question en amont : les participants de France insoumise auraient– ils été accord pour un tel ralliement ? C’est peu probable si l’on se réfère au programme de Benoît Hamon et ce n’est pas par hasard que ce dernier n’a pas répondu à la demande de rencontre "des cadres" de France insoumise (voir annexe).

Un constat de désaccord avec un mouvement citoyen aurait renvoyé une image négative et aurait rendu moins crédible sa prétention de rassembler "au-delà des partis".

Cette ambition ne manque d’ailleurs pas de sel lorsqu’elle émane de celui qui représente le plus gros et le plus argenté des appareils politiques de France.

Les participants de France insoumise préfèrent un candidat qui ne se présente pas au nom d’un parti mais n’est que le porte-parole d’un mouvement citoyen transpartisan : c’est dans sa nature même.

Remarquons que Mélenchon est toujours membre du PG mais n’a plus de poste de responsabilité dans ce parti et que sa campagne électorale n’est pas financée par ce parti (comment le pourrait-il avec un petit budget total de 2,4 millions d’euros ?) mais par les dons des participants de France insoumise. À l’inverse, la candidature de Benoît Hamon s’appuie sur un appareil politique dont le seul budget propagande s’élève à plus de 4 millions d’euros et qui bénéficie de relais médiatiques considérables.

6) Penser que Benoît Hamon pourrait appliquer son programme, tenir ses promesses avec des membres d’un gouvernement qui, pour une bonne partie, ne partageraient pas ses options est illusoire.

On a déjà eu l’expérience de la primaire de 2012 : E. Valls avait obtenu le plus mauvais score à la primaire du PS quelque temps plus tard, après être devenu ministre de l’intérieur, il est devenu premier ministre. On se rappelle aussi des promesses du Bourget de François Hollande se découvrant soudainement et très opportunément un ennemi plus qu’éphémère : la finance.

On a donc toutes les raisons d’être méfiant concernant la capacité et la détermination de Benoît Hamon à tenir un cap réellement de gauche. Rien n’est moins sûr qu’un ralliement de Mélenchon infléchirait les options du gouvernement PS.

Une longue expérience, à tous les niveaux de responsabilité locale ou nationale ont montré que les élus PS ont le plus souvent un comportement hégémonique.

Un fait doit déjà nous alerter : Benoît Hamon a déjà changé trois fois d’avis concernant, non pas un point de détail, mais son marqueur de gauche dans la bataille électorale qu’est le revenu universel sous l’influence des "ténors du PS". (Voir article de l’Obs’ en annexe.)

7) Que comprend donc cette soi-disant "gauche alternative " ? terminologie complaisamment relayée par Le Figaro (voir annexe).

Des frondeurs ? Lesquels ? Qu’ont-ils donc voté ? Il serait un peu court et facile de prendre comme seul critère d’un positionnement de gauche l’opposition à la loi travail alors que celles-ci a provoqué une pétition hostile de 1 000 000 de signatures et une multitude de manifestations avec l’appui de 70 % de la population.

Non il faut aller plus loin et voir qui a voté les lois antisociales des gouvernements Hollande.

Cela est possible grâce au travail de François Rufin et de son équipe du magazine Fakir. (voir annexe, Qui a voté quoi ? ).

D’autre part, quelles ont été les réactions de ces élus socialistes contre l’extrême violence de la répression policière des manifestations du printemps 2016 avec instrumentalisation des "casseurs" ? Comment se fait-il que la demande d’enquête parlementaire pour faire la lumière sur le commandement et l’usage des forces de l’ordre a été bloquée à l’Assemblée nationale par des députés socialistes ? Où étaient les frondeurs ? Rappelons que cette demande se faisait le relais de sept syndicats, de la ligue des droits de l’homme et aussi du rapport du comité de l’ONU contre la torture qui avait dénoncé cette violence contre les manifestants.

Ce genre d’analyse un peu plus approfondie ne semble pas être un souci pour Pierre Laurent plus préoccupé de maintenir des alliances entre appareils que de faire la clarté sur le positionnement réel des gens avec lesquels il préconise une alliance, La belle alliance des forces de gauche, pardon, de « la gauche alternative ».

En posant ces questions, il ne s’agit pas ici de ressentiment et de rancœur mais tout simplement d’honnêteté intellectuelle et de transparence vis-à-vis des électeurs.

Quel est donc le programme de cette "gauche alternative" à environ un mois des élections ? Bref, le PCF (ou plutôt une partie de ses dirigeants) a fait pression sur Mélenchon pour que celui-ci se rallie à Benoît Hamon (voir annexe) avec l’objectif que ce dernier devienne centralement le porte-parole de cette "gauche alternative" à contours et contenu des plus flous.

Il ne faut pas être grand clerc pour détecter une tentative de neutralisation de France insoumise de manière à continuer comme jadis, aux temps heureux de la gauche plurielle, les accords heureux entre appareils politiques.

Sauf que ce temps est révolu et il n’y a maintenant plus rien à espérer du PS qui est devenu un astre mort, un cimetière des espérances perdues.

Et Jean-Luc Mélenchon, dans l’émission récente de France 5 "C’est à vous" du 13/03/2017 suite à la référence de quelques archives où il recommandait l’unité de la gauche dans les années 1990, a expliqué clairement en quoi la situation actuelle n’était absolument pas comparable. Voir la vidéo ici(placer le curseur de la 19ème à la 26ème minute)

Les gouvernements Hollande ont fait exploser la notion même de gauche et la trahison des engagements, associée au bâton de la répression, jette la suspicion sur tous ceux qui ont participé de près ou de loin à ce gouvernement que l’on peut qualifier, sans outrance, de réactionnaire.

Le ralliement de Jean-Luc Mélenchon à Benoît Hamon serait considéré comme une haute trahison de celui sur lequel des millions d’électeurs portent leurs espoirs avec L’Avenir en commun.

Les révolutionnaires citoyens de France insoumise ne font pas table rase du passé : ils ont une mémoire et sans aucun esprit de vengeance ils considèrent que les traîtres et ceux qui ont collaboré avec eux ont des comptes à rendre et leur comportement mérite une sanction : non pas la guillotine mais la sanction électorale.

Conclusion : l’ensemble des arguments précédents montre donc la totale absurdité politique de ce que serait un ralliement de Jean-Luc Mélenchon à la candidature de Benoît Hamon.

IV – Un transfert d’une partie des voix de l’électorat de Mélenchon vers Benoît Hamon conduit à la présence de Macron au deuxième tour et à l’élimination de Mélenchon.

Pour les raisons indiquées dans cet article, Benoît Hamon ne peut réunir suffisamment de voix pour être présent au deuxième tour. Un éventuel transfert de voix de l’électorat Mélenchon vers Hamon conduira donc mécaniquement à une élimination de Mélenchon pour le deuxième tour et au contraire à la présence de Macron à ce même deuxième tour. Compte-tenu de l’exaspération générale de l’électorat vis-à-vis des hommes du "système" il est assez probable que Marine Le Pen sorte victorieuse de cette confrontation.

Comme nous l’avions déjà indiqué, en voulant à tout prix effacer Mélenchon et France insoumise, les médias, les libéraux et les sociaux libéraux récolteront le fruit de leur travail : l’élection de la candidate du FN. (Comme les médias américains et le clan Clinton en étouffant la prometteuse campagne de Bernie Sanders auront finalement bien facilité la « surprise » Trump !)

Mélenchon a expliqué récemment en quoi le vote Benoît Hamon était un peu utile pour Emmanuel Macron..

Voir le texte publié sur ce site en cliquant ici http://www.gauchemip.org/spip.php?a...

Invité de 14/03/2017 à l’émission C’est à vous de France 5, que nous avons déjà mentionnée dans notre article, Mélenchon, fin connaisseur du PS et de ses intrigues manœuvrières, en explique très bien le mécanisme.

Annexe

1 –Qui a voté quoi ?

Ce qu’ont voté les députés socialistes https://drive.google.com/drive/fold...

Liste des 56 députés socialistes ayant voté la motion de censure de gauche en mai 2016 http://www.francetvinfo.fr/economie...

Liste des députés et sénateurs ayant voté le traité de Lisbonne en 2008 http://www.ladepeche.fr/article/200...

2 – Article du Figaro

Mélenchon rencontrera Hamon mais prévient : « Il n’y aura pas de ralliement » Par Marc de Boni le 24/02/2017 à

Source : Le Figaro h icttp ://www.lefigaro.fr/elections/pr...

"Le candidat PS a répondu à l’offre du chef de file de la France Insoumise d’une rencontre publique destinée à étudier les opportunités de convergence entre leurs campagnes. En coulisses, le PCF joue les entremetteurs.

La rencontre tant attendue à gauche aura bien lieu : le candidat du PS Benoît Hamon et Jean-Luc Mélenchon devraient se retrouver « dimanche ou lundi ». Jeudi soir, invité de « L’Émission politique » sur France 2, leader de la France Insoumise, a réitéré son offre de rencontre au champion de la primaire de la Belle Alliance populaire (BAP), alors que ce dernier vient de conclure les bases d’un ralliement de l’EELV Yannick Jadot à sa candidature. L’écologiste est même invité à la rencontre, de même que les représentants du Parti communiste, a précisé Benoît Hamon. « J’accepte volontiers sa proposition. Je lui propose même que nous ayons une discussion à quelques uns », a-t-il assuré ce vendredi matin sur France 2.

L’ancien ministre de l’Éducation s’est également dit prêt à envisager le rassemblement des deux candidatures derrière... la sienne, évidemment. « Je respecte la candidature de Jean-Luc Mélenchon, et sa grande intelligence, mais ma conviction aujourd’hui c’est que dans ce travail qui nécessite de parler à toutes les composantes de la gauche, j’ai une centralité qui m’autorise à pouvoir incarner cela », a jugé le socialiste, qui assure néanmoins rester ouvert à la discussion sur d’autres options. « Je souhaite que nous parlions de l’essentiel (...) Si l’accord c’était écrire quelques lignes sur un coin de table pour s’arranger entre nous, ça n’aurait pas de sens », a encore glissé Benoît Hamon, reprenant à son compte l’argumentaire martelé par Jean-Luc Mélenchon ces dernières semaines.

En effet, c’est le co-fondateur du Parti de gauche qui, le premier, avait adressé une offre de rendez-vous pour une discussion publique, quelques jours après que Benoît Hamon ait appelé à l’union des forces de gauche alternative au soir de sa victoire à la primaire. Mais, comme le soulignent avec insistance les cadres de la France Insoumise, une proposition détaillant publiquement les conditions d’un rapprochement a été envoyée et elle est restée sans réponse. Désormais, Jean-Luc Mélenchon propose que cette discussion se tienne également en vidéo, puisqu’il a suggéré jeudi soir que le magazine Society la retransmette en direct pour une totale transparence.

Les communistes mettent la pression sur Mélenchon

Une rencontre qui intervient à l’heure où Jean-Luc Mélenchon apparaît à nouveau isolé, alors même que les rapports avec l’allié communiste ne sont pas tout à fait au beau fixe. Une source interne à la place du Colonel Fabien laisse comprendre que la tonalité de la discussion prévue ce vendredi entre Pierre Laurent et Jean-Luc Mélenchon sera franche et musclée. « Il est temps de sortir du bac à sable. Il s’est passé quelque chose dans le camp libéral avec le rapprochement Bayrou-Macron. Se passera-t-il aussi quelque chose du côté de la gauche alternative ? », s’interroge le porte-parole du PCF Olivier Dartigolles. Privé d’accord d’appareil par le soutien sans condition à la campagne de Mélenchon, le secrétaire général du Parti communiste s’inquiète de voir des candidats de la France Insoumise devant les siens en juin prochain. Et à moins de deux mois de la présidentielle, il considère urgent de passer au rassemblement : c’est pourquoi Pierre Laurent entend présenter à son interlocuteur un projet de plateforme en 4 points de programme communs à la gauche alternative, et qui aurait vocation à servir de socle à un rapprochement futur.

Mais les efforts du PCF pourraient rester vains : à l’issue de sa rencontre avec Pierre Laurent, Mélenchon ne s’est pas montré très conciliant. « Il n’y aura pas de ralliement et pas d’alliances », a-t-il lancé. « Le premier qui a dit qu’il maintiendrait sa candidature jusqu’au bout, quels que soient les sondages, c’est Benoît Hamon et je le comprends », a fait valoir l’ancien sénateur. Avant de trancher : « Il ne faudra pas compter sur nous pour faire l’appoint d’une force politique qui a du mal à remonter sur le cheval »."

3 – Les revirements de Benoît Hamon

Revenu universel, dette, déficit public : les trois revirements de Benoît Hamon Source : L’obs’ Temps réel 14/03/2017 http://tempsreel.nouvelobs.com/pres...

"Benoît Hamon se serait-il décidé à écouter les ténors socialistes le trouvant trop à gauche ? Depuis quinze jours, le candidat du Parti socialiste à l’Elysée fait machine arrière sur des sujets structurants à gauche." Lire la suite en se référant à la source.

4 – La propagande promotionnelle de Benoît Hamon continue avec le revenu universel dans la totalité des médias. Quelques exemples parmi des dizaines :

– Sur France Culture. Cultures mondes. Les balbutiements du revenu universel . Le 06/03/2017 . Émission de Florian Delorme

https://www.franceculture.fr/emissi...

– Qui bénéficierait du revenu universel de Benoît Hamon ? Source : Le Monde 15/03/2017 http://www.lemonde.fr/les-decodeurs...

– Comment Benoît Hamon justifie son revenu universel Source : Challenges du 10/03/2017 https://www.challenges.fr/election-...

– Le revenu universel et Benoît Hamon invité aux GG de RMC (10/03/2017) http://rmc.bfmtv.com/mediaplayer/vi...

Voir nos deux derniers articles sur la question et qui démasquent cette vaste opération de propagande.

Revenu d’existence de base made in PS : le monde merveilleux d’Astérix à l’ère du numérique http://www.gauchemip.org/spip.php?a...

Revenu de base 2017 : la grande manipulation politico –médiatique. http://www.gauchemip.org/spip.php?a...

Hervé Debonrivage


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