Citoyens européens, indignez-vous  !

jeudi 23 mars 2017.
 

Si tous les déçus de cette Union-là veulent lui redonner une âme. Par Boris Grésillon, géographe.

«  Indignez-vous  »  : le cri d’alarme lancé par Stéphane Hessel à la fin de sa vie est plus que jamais d’actualité. En considérant la seule Union européenne (UE), le traitement réservé aux réfugiés et demandeurs d’asile en provenance de pays en guerre aurait scandalisé Stéphane Hessel. Sur le plan économique, comment accepter l’aggravation du fossé entre les très riches et les très pauvres alors que l’UE – faut-il le rappeler  ? – demeure l’ensemble le plus riche de la planète  ? Comment justifier auprès des citoyens européens la signature de l’accord commercial entre l’UE et le Canada (Ceta) dans un processus opaque et non démocratique  ? Comment ne pas s’indigner de l’autorisation scandaleuse de fusion entre les deux géants de l’industrie agroalimentaire, Bayer et Monsanto, au mépris des lois en vigueur sur la concurrence, et surtout au mépris des petits producteurs et des consommateurs, de plus en plus inquiets du contenu de leurs assiettes.

Sur le plan extérieur, il y a tout aussi lieu de s’inquiéter. L’UE a acté l’annexion de la Crimée par la Russie ainsi que la partition de fait de l’Ukraine. Pire, l’UE et les États-Unis ont assisté, impuissants donc implicitement consentants, au «  règlement  » du conflit syrien dans le sang par les trois dictateurs Bachar Al Assad, Vladimir Poutine et Recep Tayyip Erdogan. Dans ces conditions, comment ne pas être choqué par le fait que l’UE a décidé de maintenir le processus d’adhésion de la Turquie, au lieu, à tout le moins, de le geler  ?

Face à ces errements, ces reculs et ces lâchetés, il y a tout lieu de s’indigner, comme Stéphane Hessel l’exhortait. L’Union européenne ne se construit plus pour mais contre les citoyens. Les technocrates et les politiques de Bruxelles ont hélas perdu tout contact avec la population, d’autant plus qu’ils n’ont aucun compte à lui rendre. Ils devraient pourtant entendre la colère qui monte. Quelle forme politique l’indignation peut-elle revêtir  ? Là est la question. Sans doute pas la forme d’un nouveau parti politique, car celui-ci se devrait d’être paneuropéen, ce qui est quasiment impossible. Pas non plus la forme des «  initiatives citoyennes  » officielles qui sont presque toujours classées sans suite par la Commission européenne.

En revanche, il est un moyen que la Commission ne contrôle pas, ou pas encore  : Internet et les réseaux sociaux. Si tous les «  indignés  », les déçus de cette Union-là, ceux qui veulent lui redonner une âme, trouvent le moyen de s’allier sur le Net par-delà les appartenances nationales, si leur mouvement s’organise et si leurs revendications se précisent, ils peuvent espérer être entendus – à condition d’être nombreux. De leurs côtés, les indispensables lanceurs d’alerte doivent continuer à jouer leur rôle de «  débusqueurs de scandale  ». Enfin, puisque visiblement les lobbies sont désormais les seuls interlocuteurs des politiques européens (Stéphane Hessel doit se retourner dans sa tombe), pourquoi ne pas créer un «  lobby des citoyens européens  » à Bruxelles, loin de tout populisme  ? Porte-voix de plus de 500 millions de citoyens, il aurait de quoi se faire entendre.


Signatures: 0
Répondre à cet article

Forum

Date Nom Message