Yannick Jadot, ou comment faire de la crème fraîche avec de l’eau...

mercredi 8 mars 2017.
 

Pour la première fois depuis 1969, il n’y aura donc pas de candidat estampillé écologiste à l’élection présidentielle. Et l’accord entre Benoît Hamon et Yannick Jadot est plus déterminé par les préoccupations boutiquières que par une convergence programmatique.

L’accord entre Benoît Hamon et Yannick Jadot met un terme à une farce électorale qui n’avait que trop duré. Si l’absence programmée du candidat EELV était un secret de polichinelle, la mise en scène n’en est pas moins remarquable et la capacité du parti vert à étiqueter en produit bio une denrée frelatée demeure inégalable.

De la primaire de l’automne, il n’est resté dans la mémoire commune que deux éléments : la cuisante élimination de Cécile Duflot au premier tour et le choix du député européen Yannick Jadot au second tour. Le détail de cette consultation a été aussitôt oublié et c’est fort heureux pour les écologistes. Avec 12.582 votants au premier tour et une apogée à 13.926 pour le second, c’est peu dire que cette primaire n’avait guère enthousiasmé les foules (voir les résultats complets). Cécile Duflot, pourtant égérie d’une partie de la presse de gauche et qui dispose d’un rond de serviette à Radio France, avait tout juste atteint les 3.000 voix, autant dire rien. Le vainqueur a, quant à lui, obtenu 4.395 voix au premier tour avant de culminer à 7.430 au second tour, pas exactement l’Everest.

Un accord largement ratifié par pas grand-monde

Depuis, vaille que vaille, Yannick Jadot a tenté de faire vivre la fiction d’une candidature qui irait jusqu’au bout, sans grande conviction il faut bien dire. Avec la fin de la primaire de la "Belle alliance populaire", il était temps de négocier au mieux un désistement de toute façon inéluctable.

Les différents médias tournent en boucle : l’accord péniblement négocié pendant près de quatre semaines a donc été largement ratifié avec 79,53%, autant dire un quasi raz-de-marée. Si les chiffres en pourcentage sont imparables, les résultats en voix sont nettement moins flatteurs. Sur un corps électoral de 17.077 inscrits – celles et ceux qui avaient participé à la primaire de l’automne – seuls 9.433 sympathisants écologistes ont émis un vote soit un taux de participation de 55,24%. Parmi ceux-ci 1.452 ont voté non (15,39%) et 479 blanc (5,08%).

Finalement, ce sont donc seulement 7.502 votants qui ont approuvé un texte qui, s’il comprend quelques éléments programmatiques, est surtout marqué par des préoccupations boutiquières. Si, côté écologiste, l’accord est désormais bouclé, il reste encore a obtenir l’aval du Conseil national du Parti socialiste en ce qui concerne les élections législatives. Rien n’est totalement assuré et des candidatures dissidentes sont toujours possibles.

Il est fort ce Jadot

La maison verte prend l’eau de toute part, mais il faut néanmoins reconnaître à EELV une force marketing qui a peu d’équivalent. Cette capacité à battre de l’eau pour en faire de la crème fraîche force incontestablement l’admiration. Crédité de 1 à 2% des sondages et d’autant plus assuré de ne pas avoir ses cinq-cents parrainages qu’il ne les a pas cherchés, Yannick Jadot a tout de même conclu un accord avantageux pour sa formation (lire les secrets de ce contrat électoral). La raison en est simple : Benoît Hamon se devait de montrer ses capacités de rassemblement pour essayer de repasser le mistigri de la division à Jean-Luc Mélenchon.

Pire, avec l’alliance Macron-Bayrou conclu en quelques heures, il ne pouvait rester englué plus longtemps dans d’interminables négociations d’appareils. Et puis pour l’essentiel, il s’agit de "protéger" les dix derniers députés sortants EELV en ne leur opposant pas de candidats socialistes. Un effort limité, quand certaines circonscriptions sont de toutes façons déjà perdues au profit de LR comme celle d’Isabelle Attard dans le Calvados. Mais, reconnaissons, avec un accord dans 43 circonscriptions, il y a matière à satisfaction pour les écologistes.

Reste une question pour Benoît Hamon : cet accord est-il de nature à relancer une candidature qui patine sévèrement depuis sa victoire contre Manuel Valls ? C’est en réalité peu probable tant il semble durablement distancié par son ex-camarade de gouvernement, Emmanuel Macron. La fonction du vote pour le candidat socialiste semble désormais bien incertaine et le spectacle de cet accord dessine un avenir somme toute fort peu désirable.

Guillaume Liégard. Publié sur le site de Regards.


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