Le PS dans la primaire jusqu’au cou

lundi 16 janvier 2017.
 

Faussement appelé "primaire de la gauche", le scrutin qui doit désigner le candidat socialiste s’est rétréci dans les mêmes proportions que son parti organisateur, empêtré dans ses contradictions et embarrassé par la radicalisation de Manuel Valls.

Organisée les 22 et 29 janvier, la primaire de la "Belle alliance populaire" (ne pas ricaner) a toujours été conçue comme une élection destinée à la mouvance socialiste, vaguement élargie à quelques supplétifs – appendices externes du PS, pour ne pas dire idiots utiles de ce dernier. Si devant les micros, certains hiérarques socialistes ont vaguement appelé Jean-Luc Mélenchon ou Emmanuel Macron à rejoindre leur petite sauterie, la réalité a toujours été autre.

Une primaire maison

Lors du Conseil national du Parti socialiste du 2 octobre, les modalités d’organisation de ces "primaires citoyennes" sont en effet apparues bien limitatives comme le rappelait l’hebdomadaire Politis. Ainsi pouvait-on lire sur le site officiel du PS que cette primaire s’adressait à « l’ensemble des citoyens de gauche et des écologistes qui ne participent pas à la primaire des écologistes ou à l’orientation de Jean-Luc Mélenchon, voire du Parti communiste, de participer à cette primaire même si, si ces derniers revenaient sur leur position, évidemment nous revisiterions la manière dont nous allons organiser la primaire ». Comme on le voit, il s’agit d’une acception fort limitée de ce qu’est l’électorat de gauche.

En réalité, la seule fonction de ces primaires, fixées tardivement au mois de janvier, était de permettre à un président sortant de retrouver une nouvelle légitimité à quelques encablures de la présidentielle. Las, début décembre, le renoncement de François Hollande, incapable d’endosser le costume de candidat, a sonné le glas de ce bel ordonnancement.

Aux candidats déclarés de longue date, Benoît Hamon et Arnaud Montebourg, sont venus s’ajouter Manuel Valls puis, sorti de nulle part, Vincent Peillon. Ce seront donc sept candidats qui s’affronteront pour être investi par la BAP : quatre hommes, tous anciens ministres, issus du Parti socialiste, Jean-Luc Benhamias, François de Rugy et, merci les radicaux d’avoir pensé à la féminisation, Sylvia Pinel.

Valls, révolte-face

Après Emmannuel Macron qui a intitulé Révolution son livre programme, le candidat Manuel Valls a renchéri en affirmant sans rire, dans Le Parisien, que sa « candidature est une révolte ». Après deux ans et demi à Matignon, il fallait oser la formule. Ce n’était qu’un début, le combat allait continuer. Invité de L’Émission politique du 5 janvier sur France 2, le téléspectateur ébahi a ainsi pu entendre l’ancien premier ministre affirmer qu’on lui avait « imposé le 49.3 ». Sans doute a-t-il aussi subi la Loi travail, pour ne pas parler de la déchéance de nationalité qu’on l’a forcé à défendre.

Mais la véritable perle de son intervention fut incontestablement la phrase suivante : « La gauche a trop cédé aux forces de l’argent, au libéralisme ». Et là, forcément, on dit chapeau l’artiste. Il faut souligner ce subtil mélange d’opportunisme sans rivage et de cynisme à tout crin. Mais plus rien n’arrête le révolutionnaire d’Évry. Lui, l’admirateur revendiqué de Clémenceau est allé tenir une réunion publique à Liévin, dans cet ex-bassin minier, fief historique du socialisme français, où le Tigre avait maté une grève de 40.000 mineurs à l’aide de 30.000 soldats.

Certes, réunir deux cents militants apparaît comme un peu faible dans une ville qui comptait encore 1.500 cartes au PS il y a peu, quand 2.000 personnes assistaient au meeting de Jean-Luc Mélenchon à Tourcoing, mais qu’importe : Manuel Valls avait des révélations à nous faire, il est le candidat du travail et du pouvoir d’achat. Mais bien sûr ! Et d’un coup, on se dit, quand même, si ce grand homme avait pu être nommé premier ministre, on n’en serait pas là…

Primaire et effets secondaires

Si le phénomène de radicalisation subite qui touche Manuel Valls pourrait lui valoir un signalement aux autorités compétentes, il traduit plus sûrement un vieil adage socialiste : ne pas confondre ce que l’on dit lors d’une campagne et ce que l’on fera (ou ce qu’on a fait) au pouvoir. Reste la question clef : quelle peut bien être l’issue de cette primaire ? Le rassemblement d’après second tour s’annonce, dans tous les cas, difficile. Il sera en effet compliqué pour les frondeurs de se réaligner derrière celui qui a porté la politique qu’ils ont combattue, si jamais Manuel Valls l’emporte.

Mais l’inverse aura encore moins lieu. Interrogé sur France Info le 5 janvier, Jean-Marie Le Guen, porte-flingue attitré de l’ancien premier ministre, n’a pas réussi à déclarer qu’en cas d’échec de Valls, il soutiendrait le candidat élu. Tout juste a-t-il concédé un fort ambigu « Je m’engage à soutenir le candidat qui peut faire gagner la gauche », comme s’il se laissait encore la possibilité de prendre le train Macron en marche.

En tout état de cause, quel que soit le résultat du scrutin, il sera bien problématique pour un candidat socialiste de surnager entre le redoutable étau que constituent les candidatures conjuguées d’Emmanuel Macron et Jean-Luc Mélenchon.

Guillaume Liégard. Publié sur le site de Regards.


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