Déforestation et propagation de nouvelles maladies infectieuses

samedi 7 janvier 2017.
 

La déforestation, une menace pour la biodiversité et la santé  ?

Un rapport conduit par des chercheurs de l’Institut de recherche pour le développement (IRD), de l’Inserm et de l’université de Bournemouth (Royaume-Uni) vient de préciser les liens entre la déforestation et l’émergence de nouvelles maladies infectieuses. Publiée la semaine dernière dans Science Advances, cette étude montre pour la première fois les mécanismes qui entraînent l’apparition de nouvelles pathologies infectieuses dans les pays tropicaux. À l’origine, les activités humaines induites par l’exploitation de la forêt.

Une mycobactérie proche de celles de la lèpre et de la tuberculose

Observant depuis une quarantaine d’années l’émergence de maladies infectieuses dans les zones tropicales, les chercheurs savaient que les activités humaines et ces pathologies étaient liées. « Mais, aujourd’hui, on a réussi à comprendre les processus qui aboutissent à cette corrélation », se félicite Jean-François Guégan, coauteur de l’étude et directeur de recherche à l’IRD, dans le journal le Monde. Pour mener à bien leur démonstration, les scientifiques se sont penchés sur une mycobactérie proche de celles de la lèpre et de la tuberculose, Mycobacterium ulcerans, responsable de l’ulcère de Buruli chez l’humain. Cette maladie chronique de la peau et des tissus mous, qui se propage essentiellement en Afrique subsaharienne et en Amérique du Sud, se traduit par une nécrose de la peau accompagnée d’ulcères. Pendant trois ans, ils ont observé une vingtaine de sites aquatiques en Guyane française soumis à des pressions anthropiques différentes (déforestation pour les uns, développement de l’agriculture pour les autres). Et en comparant les sites altérés par l’activité humaine et les sites sains, ils ont tenté de comprendre les raisons de l’apparition de cette bactérie, qui vit dans les marécages.

L’équipe scientifique a constaté une modification significative des communautés animales et de la chaîne alimentaire sur les sites où la pression de l’homme a été importante, observant notamment un changement radical et rapide de la structure des espèces. C’est connu, la déforestation a pour effet, entre autres, d’entraîner des changements rapides des milieux aquatiques. « Certaines espèces de prédateurs comme des poissons disparaissent, tandis que d’autres, profitant de cette disparition, pullulent », rapporte ainsi Jean-François Guégan, dans le Monde. C’est le cas de mollusques et de larves d’insectes qui filtrent, broutent ou sucent les algues du fond des marécages. « Auparavant, les prédateurs, en se nourrissant de proies porteuses de mycobactéries, débarrassaient l’environnement de cette activité microbienne. Aujourd’hui, ces proies prolifèrent », poursuit le chercheur. Résultat  : les bactéries s’accumulent dans les endroits les plus affaiblis par la déforestation et le développement agricole.

Ces milieux aquatiques infestés deviennent de véritables réservoirs de bactéries au contact desquels les populations riveraines sont susceptibles de contracter les maladies. En prouvant que tous les systèmes (aquatiques et terrestres) sont connectés, les chercheurs démontrent qu’il est impérieux de mieux comprendre l’impact des changements environnementaux sur l’ensemble des maladies infectieuses, alors même que la planète recense quelque 200 nouvelles maladies infectieuses, transmises par des virus comme Zika ou Ebola.

Alexandra Chaignon, L’Humanité


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