Election présidentielle en Autriche : l’extrême droite battue

jeudi 8 décembre 2016.
 

C) Election présidentielle en Autriche : le soulagement et après ? (Ensemble !)

Le 4 décembre le candidat indépendant et ancien chef du parti Vert Alexander Van der Bellen a remporté le 2e tour des élections présidentielles en Autriche avec plus de 53 %. Cette victoire constitue certes un soulagement pour la gauche et les démocrates en Autriche, mais ne saura pas cacher le fait que le danger de l’arrivée au pouvoir de l’extrême-droite est plus que jamais d’actualité. Aussi à cause de la campagne électorale de Van der Bellen. (Voir ci-dessous un aperçu plus complet de la situation politique autrichienne en avril-mai derniers)

Pourquoi une nouvelle élection ?

Le 22 mai 2016 l’ancien chef du parti Vert, qui s’est présenté sans étiquette, Alexander Van der Bellen a remporté le deuxième tour de l’élection présidentielle en Autriche. Après avoir initialement reconnu sa défaite le candidat du FPÖ (extrême-droite) Norbert Hofer a contesté le résultat pour motif d’irrégularités. Saisi par le FPÖ, la Cour constitutionnelle autrichienne avait ouvert une enquête qui a mené à l’annulation du scrutin du 22 mai.

La Cour a annulé l’élection pour des questions formelles tout en soulignant qu’aucune manipulation du résultat de vote n’a été constatée. Autrement dit, la Cour constitutionnelle a donné une deuxième chance à l’extrême-droite, ce qui n’est pas seulement politiquement problématique mais contraire à la constitution autrichienne. Le nouveau scrutin aurait dû avoir lieu le 2 octobre mais à cause d’une erreur d’impression, les bulletins de vote n’ont pas pu être utilisés. En effet, en 2002 la société d’impressions d’Etat a été privatisée sous le gouvernement de coalition entre les conservateurs (ÖVP) et l’extrême-droite (FPÖ), et depuis, cette entreprise a fait parler d’elle à cause des licenciements et de la pression accrue sur les salariés restants. Finalement, la répétition du 2e tour des élections a eu lieu le 4 décembre.

L’apparence de la polarisation

Dans la mesure où le scrutin du 22 mai était fortement polarisé, la nouvelle campagne électorale a été marquée par l’enjeu principal de mobiliser à nouveau, pour chacun des candidats, son électorat. En tenant compte de la marge d’erreur des sondages, les deux candidats ont été à égalité pendant la campagne électorale.

Dans le contexte de la crise des politiques d’accueil des migrant-es et réfugié-es, l’élection présidentielle semble donc constituer un moment de polarisation politique et cela, malgré le peu de pouvoir réel du président autrichien, qui est fortement encadré par le régime parlementaire autrichien. Tandis que Van der Bellen s’est clairement prononcé en faveur de l’accueil des réfugié-es, Hofer a basé sa campagne sur la protection de l’Autriche de « l’islamisme et de la violence ».

En toute cohérence avec ces positions, le FPÖ a récemment organisé dans le très chic hôtel Hilton à Vienne son 3e « Ball du Bleuet ». Depuis le 19e siècle, le bleuet est le symbole des nationalistes germaniques qui se distinguent notamment par un antisémitisme virulent. Dans la même lignée, le bleuet a été le symbole du parti nazi en Autriche pendant les années de clandestinité entre 1933 et 1938. Ces attaques islamophobes et antisémites sont parfaitement cohérentes avec la ligne idéologique du FPÖ, dont le responsable n’est autre que Norbert Hofer. Dans un manuel à destination des cadres du parti d’extrême-droite, Hofer a écrit que le peuple autrichien se base sur une « communauté de souche » qui est composée de familles « indigènes ».

L’autre facteur de polarisation de la campagne a constitué en une très probable victoire de l’extrême-droite aux prochaines législatives. Le cas échéant, Van der Bellen a annoncé son refus de nommer un chancelier du FPÖ.

La réalité du recentrage

Toutefois, cette polarisation cache l’attraction des deux candidats pour des politiques libérales. Certes, le candidat d’extrême-droite Nobert Hofer entend profiter de la victoire de Donald Trump et des scores élevés de l’extrême-droite allemande de l’AFD pour « contester » le pouvoir des « élites ». En réalité, l’extrême-droite autrichienne vote systématiquement contre la moindre tentative de réguler le secteur bancaire, pour la baisse des cotisations sociales des entreprises et pour la casse des droits des travailleurs. Sans surprise, sa participation au gouvernement entre 2000 et 2007 était une période de privatisations de grande ampleur et de scandales de corruption. La stratégie du FPÖ ressemble dans ce sens fortement à « la raison populiste » qui prétend s’opposer aux « élites » dans les « institutions » tout en omettant les intérêts de classe dans la société. Concernant l’Union Européenne (UE), un effet de domestication du FPÖ est à observer. Ainsi, il ne revendique plus la sortie de l’Autriche de l’UE mais se prononce pour une exclusion des « économies faibles » de la zone Euro. De plus, Hofer soutient les récentes propositions de la Commission Européenne d’aller vers une militarisation croissante de l’Europe.

Dans une dynamique similaire vers des positions libérales, Van der Bellen a abandonné les positions sociales modérées qu’il portait quand il était le chef du parti Vert. Et pour cause, parmi les soutiens officiels les plus importants du candidat vert se trouve une partie importante de la bourgeoisie autrichienne et ses représentant-es politiques du parti social-démocrate et du parti conservateur. Pendant cette campagne présidentielle, la question sociale a seulement été abordé via le CETA. Alors que Van der Bellen semblait ne pas avoir de position claire, Hofer n’a pas caché son refus de ce traité de libre-échange pour favoriser certaines entreprises autrichiennes.

Ainsi, aucun des deux candidats ne s’adresse aux classes populaires pour faire face à la baisse des salaires et aux inégalités sociales croissantes en Autriche. Par conséquent, le choix à cette élections présidentielle s’est résumé à l’opposition entre le volet libéral de la classe dominante et le volet nationaliste de la classe dominante, ce qui n’est pas non plus anodin pour les libertés fondamentales et les droits des minorités en Autriche.

Un président vert pâle, une urgence rouge foncé

Depuis le vote annulé du 22 mai, le paysage politique autrichien a évolué de façon inquiétante. Ainsi, après la défaite du Parti social-démocrate aux présidentielles de mai, le chancelier Faymann (SPÖ, social-démocrate) a démissionné pour laisser sa place au manager Christian Kern (SPÖ). Ce changement de chancelier est allé de pair avec un changement d’attitude des sociaux-démocrates vis-à-vis de l’extrême-droite. En novembre 2016, un chancelier social-démocrate a accepté pour la première fois de débattre publiquement avec le leader de l’extrême-droite Heinz-Christian Strache. Pendant cet échange télévisé, le chancelier Kern a affirmé voir des similarités entre le SPÖ et le FPÖ, car les deux œuvrent pour « faire avancer le pays ».

En même temps, le parti conservateur (ÖVP) est secoué par une perte de votes au profit de l’extrême-droite et des affinités croissantes de responsables du parti vis-à-vis de FPÖ.

Dans ce contexte, la victoire d’Alexander Van der Bellen aux présidentielles aura bien entendu permis d’éviter une avancée hégémonique importante pour l’extrême-droite. Or, comme disait Brecht « le ventre est encore fécond, d’où a surgi la bête immonde » car la dynamique politique en Autriche indique clairement un soutien croissant à l’extrême-droite.

Toutefois, la séquence des présidentielles aura aussi contribué à réveiller les petites organisations dispersées de gauche radicale. Elles ont organisé une première grande conférence de rassemblement en juin 2016 – un vrai succès – qui a permis de lancer une campagne d’actions partout dans le pays sous le slogan de « les riches nous coûtent trop cher ». D’après certains sondages, elles seraient créditées de 25 % - un score totalement inédit depuis l’introduction de la démocratie libérale en 1918.

Benjamin Birnbaum

Source : https://www.ensemble-fdg.org/conten...

B) L’écologiste Van der Bellen s’impose face à son rival d’extrême droite

L’extrême droite autrichienne a perdu, dimanche 4 décembre, son pari de décrocher la présidence de la République, son candidat Norbert Hofer essuyant, selon les projections, une nette défaite face à l’écologiste Alexander Van der Bellen. « Je suis infiniment triste que cela n’ait pas marché, s’est incliné M. Hofer. Je félicite Alexander Van der Bellen pour son succès et appelle tous les Autrichiens à rester solidaires et à travailler ensemble. »

Même si les fonctions du président de la République autrichien sont essentiellement protocolaires, une élection de Norbert Hofer aurait constitué pour la première fois l’arrivée d’un candidat d’extrême droite à la tête d’un Etat européen depuis la seconde guerre mondiale. A ce titre, elle était très observée par les partis alliés du Parti de la liberté d’Autriche (Freiheitliche Partei Österreichs, FPÖ) au niveau européen, le Front national (FN) en France ou le Parti pour la liberté de Geert Wilders aux Pays-Bas, deux pays où se tiendront des élections nationales en 2017.

Quels sont les résultats du scrutin ?

M. Van der Bellen, 72 ans, est crédité de 53,6 % des voix, selon les projections de la télévision publique, contre 46,4 % à M. Hofer, 45 ans, vice-président du Parlement et cadre du FPÖ depuis vingt-cinq ans.

Son score marque une nette progression après les 50,3 % des voix obtenus lors du scrutin initial, le 22 mai. Ce résultat avait été annulé en raison d’irrégularités procédurales, à la suite d’un recours du FPÖ. Cette fois-ci, le parti d’extrême droite a d’ores et déjà fait savoir qu’il ne contesterait pas les résultats.

Le résultat officiel ne sera toutefois proclamé que lundi, une fois que le vote par correspondance des Autrichiens vivant à l’étranger sera dépouillé.

Une victoire surprise

Ce résultat marque un revers net pour un camp populiste pourtant galvanisé par le « Brexit » en juin et la victoire de Donald Trump à la présidence américaine il y a un mois. Les partisans de M. Van der Bellen, qui ont explosé de joie à Vienne, ne cachaient d’ailleurs pas leur surprise : « Nous pensions tous que Hofer allait gagner », avouait David Sheata, un étudiant de 20 ans. Les supporteurs du candidat écologiste, le 4 décembre à Vienne.

L’ancien dirigeant des Verts autrichiens et ex-doyen de la faculté d’économie de Vienne s’est réjoui de la victoire d’une « Autriche pro-européenne ». Le vainqueur a attribué son succès « à l’engagement de dizaines de milliers de gens », indépendants des partis, qui ont organisé la mobilisation en sa faveur, notamment sur les réseaux sociaux.

Une campagne marquée par deux styles opposés

M. Hofer n’avait pas plaidé ouvertement, au cours de la campagne, pour un « Öxit », une sortie de l’Autriche de l’UE, mais il avait de nouveau souligné dimanche vouloir faciliter un rapprochement entre les Etats-Unis de M. Trump et la Russie de Vladimir Poutine.

Evitant les dérapages ouvertement xénophobes qui ont longtemps été la marque de fabrique de son parti, fondé par d’ex-nazis en 1956, M. Hofer avait axé son discours sur la protection sociale, le pouvoir d’achat et la défense de l’emploi, surfant sur les inquiétudes de la population face à la crise des réfugiés et le sentiment de perte de souveraineté du pays.

A) L’extrême droite près du pouvoir en Autriche

Source : http://www.lemonde.fr/europe/articl...

Le candidat du FPÖ Norbert Hofer affronte à nouveau l’écologiste Alexander Van der Bellen à l’élection présidentielle, dimanche 4 décembre 2016.

Et soudain surgit Gertrude. Après près d’un an d’une campagne hors norme, qui vit l’extrême droite (FPÖ, Parti libéral d’Autriche) perdre l’élection de moins de 31 000 voix le 22 mai, mais réussir à faire invalider le scrutin par la Cour suprême en juillet pour vice de forme, il aura fallu qu’une survivante de la Shoah poste une vidéo sur Facebook pour qu’il soit rappelé aux Autrichiens, avec la réédition du scrutin le 4 décembre prochain, que la formation du candidat Norbert Hofer n’est pas un parti comme les autres.

Le témoignage de cette Viennoise âgée de 89 ans a été posté le 24 novembre, à sa demande, sur le compte du candidat indépendant Alexander Van der Bellen, qui aura réussi durant cette campagne à mettre en place une stratégie électorale en ligne innovante. Il a été visionné plus de trois millions de fois. Celle qui a perdu ses parents et ses deux petits frères à Auschwitz demande à ses concitoyens, et surtout aux jeunes, de barrer la route au FPÖ, « un parti qui tente de faire remonter à la surface ce que le peuple a de plus bas ».

« Quand les juifs ont dû nettoyer les trottoirs, énonce-t-elle, les Viennois s’arrêtaient pour les regarder en rigolant. Et c’est cette haine qu’on essaie de faire sortir de nouveau chez les gens. J’ai vécu la guerre civile à l’âge de 7 ans. Jamais je ne l’oublierai. » L’Autriche fut le théâtre d’affrontements qui opposèrent, en 1934, les militants socialistes aux fascistes. Plusieurs centaines de personnes perdirent la vie durant ce conflit. En 1938, le pays fut annexé par Hitler à l’Allemagne nazie.

Des menaces ont visé cette année le candidat soutenu par les Verts, Alexander Van der Bellen. Une journaliste, connue comme étant l’une des meilleures spécialistes de l’extrême droite en Autriche, a également subi des intimidations sans précédent de la part d’internautes, sur les réseaux sociaux du FPÖ et dans les commentaires d’un site de « réinformation » proche du parti.

« Le FPÖ est la variante d’un phénomène européen qualifié de national-populiste », écrit Patrick Moreau, chercheur au CNRS dans une note du think tank Fondapol. Il appartient au groupe parlementaire européen formé à Strasbourg autour des élus du Front national. « Néanmoins, il est enraciné, tant du fait de son histoire qu’idéologiquement, dans le passé autrichien depuis le XIXe siècle. Il est un héritier du courant “national-allemand” et à travers lui du national-socialisme. » L’idéologie « nationale-allemande » est née lors du « printemps des peuples » qui secoua l’Europe absolutiste en 1848. Entre 1870 et 1918, les partis nationaux-allemands furent opposés à la monarchie et à l’Eglise catholique et montrèrent de plus en plus ouvertement leur hostilité aux « non-Allemands » dans l’empire, jusqu’à faire de l’antisémitisme de type racial l’une des composantes principales de leur discours.

Dans les années 1920, ils ont recruté leurs cadres au sein des associations duellistes estudiantines élitistes interdites aux juifs, qui servirent de vivier à Adolf Hitler, à la suite de l’annexion de l’Autriche à l’Allemagne, en 1938. Après la guerre, le FPÖ fut fondé en 1955 sur les bases d’une organisation, la VDU, dont le fondateur, Herbert Kraus, dénonça dans la presse la « prise de pouvoir par un petit cercle d’extrémistes de droite et d’anciens chefs nazis » dissimulés sous le « camouflage » de déclarations consensuelles.

Le FPÖ n’a pas soldé son passé

Jamais le FPÖ n’a soldé ce passé. Au contraire, en 2005, Jörg Haider fut contraint de rompre brutalement avec sa famille politique et de créer un autre parti, le BZÖ, lorsqu’il voulut tardivement effectuer un travail d’inventaire pour se « libérer de ce marécage brun ». Ceux qui restèrent avec le FPÖ derrière un nouveau chef – Heinz-Christian Strache, toujours en poste – souhaitèrent au contraire continuer de s’inscrire dans une ligne historique.

Aujourd’hui, toutefois, le parti concentre ses déclarations publiques sur son hostilité à l’immigration musulmane, en accablant la chancelière allemande, Angela Merkel, jugée coupable d’avoir fait rentrer des terroristes en Europe avec sa politique d’accueil en 2015. Depuis quelques années, M. Strache punit sévèrement les dérapages sémantiques et tente un rapprochement avec Israël. Il a publiquement dénoncé la période nazie et son chapelet d’horreurs. En 2014, la tête de liste du FPÖ aux élections européennes, Andreas Mölzer, a dû retirer sa candidature après des semaines de polémiques au sujet de ses déclarations racistes.

Mais l’extrême droite joue avec la sortie de l’Autriche de l’Union européenne en réclamant un référendum en cas d’adhésion de la Turquie ou d’un renforcement du fédéralisme. Elle s’est rapprochée des pays de l’Est, menés par le souverainiste hongrois Viktor Orban, et souhaite que l’Autriche noue des liens plus étroits avec la Russie.

Norbert Hofer, qui est l’un des théoriciens du FPÖ, est par ailleurs membre de Marko-Germania Pinkafeld, une corporation scolaire réservée aux hommes « allemands » selon un « critère de filiation biologique », explique le chercheur Bernhard Weidinger, du centre de documentation et d’archives sur la résistance (DÖW). Elle se définit en tant que « communauté culturelle allemande » voyant en la « patrie allemande » un ensemble cohérent, « indépendamment des frontières étatiques établies ».

« Fiction »

Ses membres ont le « devoir explicite » de s’engager politiquement pour « l’épanouissement du caractère national allemand » et, en conséquence, cette corporation rejette dans son texte fondateur « la fiction contraire au sens de l’histoire d’une nation autrichienne » telle qu’elle a été « vigoureusement plantée dans le cerveau des Autrichiens depuis 1945 ». M. Hofer a indiqué qu’il était en désaccord avec ce texte, mais ne veut pas quitter Marko-Germania.

Nombre des députés du FPÖ appartiennent à des corporations semblables. Deux de ses élus, sous couvert de l’anonymat, ont confirmé au Monde que ni les immigrés slaves, africains ou français, ni même les Autrichiens naturalisés ne pouvaient intégrer ces corporations, n’étant pas des « Allemands » de souche.

Tout cela a fait très peu débat dans la campagne, avant que Gertrude ne mette les pieds dans le plat. Sa modeste parole, contrairement à celle des experts et des journalistes, ne peut être dénoncée par le FPÖ sans dommage politique. Elle vient semer le trouble chez ceux, désormais presque majoritaires, qui jugent sincère la volonté de dédiabolisation de l’extrême droite.

Par Blaise Gauquelin (Vienne, correspondant)


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