Insectes «  Mondialisation et urbanisation, les raisons d’une invasion  »

mardi 22 novembre 2016.
 

Dommages aux biens et aux services, coûts pour la santé, l’agriculture  : les impacts financiers des insectes envahissants sont nombreux.C’est ce qu’explique Frédéric Simard, coauteur d’une synthèse, publiée dans Nature Communications, sur le coût de ces nuisances d’un nouveau genre.

Une étude scientifique publiée récemment a tenté d’évaluer pour la première fois et de façon globale l’impact économique de la nuisances des insectes invasifs  : diffusion de maladies pour l’homme et le bétail, dégradation d’infrastructures, destruction de récoltes et de réserves, mais aussi des forêts. Menée par une équipe française, les conclusions de cette étude sont sans appel. Les invasions d’insectes représentent un coût très élevé pour l’économie mondiale, estimé à 69 milliards d’euros par an pour les biens et services et à 6,18 milliards par an en matière de santé humaine. C’est en Amérique du Nord et en Europe que ce coût est le plus important. Et c’est loin d’être terminé. Les surfaces terrestres où les insectes invasifs devraient se répandre pourraient s’accroître de 18 % d’ici à 2050 si l’on ne fait rien.

Vous annoncez dans votre étude que le coût sur l’économie mondiale de ces insectes envahissants se chiffre à 69 milliards d’euros au total. Puis vous expliquez que, en fait, il faut presque tripler ce chiffre. Pourquoi une telle différence  ?

Frédéric Simard Tout simplement parce que, en raison de l’état de nos recherches, nous sommes bien en deçà de la réalité. Nous nous sommes fondés sur 700 articles et rapports à travers le monde  ; or, nombre de régions n’ont aucune étude à ce sujet. Notamment l’Afrique, l’Amérique du Sud et même l’Europe, qui en possède très peu. La plupart du temps, nous n’avons pris en compte que les coûts directs. Par exemple, si vous perdez 20 % de votre récolte, cela fait tant de tonnes et vous savez à combien est la tonne. Ce qui est facile à calculer. Mais il reste bien d’autres domaines touchés de manière indirecte, comme le tourisme ou la santé. Quand les gens sont malades et ne vont pas travailler, on ne sait pas exactement combien cela coûte aux entreprises.

D’après cette compilation de données, quels sont les secteurs les plus touchés  ?

Frédéric Simard Cela touche tous les secteurs, aussi bien les infra-structures, l’industrie, le tourisme et l’agriculture, ce qui, par conséquent, a un impact sur la santé.

Beaucoup mettent en avant le réchauffement climatique comme la cause de tous les problèmes. Pour les insectes invasifs, est-ce le cas  ?

Frédéric Simard Ce n’est pas le réchauffement climatique qui est la cause primordiale de ces invasions, mais la mondialisation des échanges, l’augmentation de ceux-ci, qu’ils soient commerciaux ou de passagers. On chiffre à 8 % par an l’augmentation du nombre de passagers qui volent. C’est énorme  ! On multiplie les opportunités de transport de tout un tas d’espèces invasives. Mondialisation et globalisation sont donc les raisons premières de ces nouvelles invasions.

Le changement climatique a donc bon dos  ?

Frédéric Simard Pas vraiment. Il intervient d’une autre manière  : dans l’installation des espèces. Ce n’est pas parce qu’elles s’introduisent qu’elles vont trouver un terrain favorable pour se développer. Le changement climatique peut jouer en leur faveur. Mais ce n’est pas le seul phénomène qui favorise leur implantation. L’adaptation de ces espèces aux milieux urbains, tous ces environnements nouveaux qui n’existaient pas il y a cinquante ans, joue aussi un rôle et pose problème. Rien ne ressemble plus à une ville qu’une autre ville. À partir du moment où ces insectes se sont acclimatés à une ville, ils peuvent le faire dans n’importe quelle autre. Celle-ci a un effet tampon sur les aléas climatiques. De plus, dans ce type d’environnement, il y a beaucoup moins de biodiversité. Je veux dire par là que, une fois installés, ils trouvent moins de prédateurs sur leur chemin. C’est ce qui est arrivé par exemple avec les moustiques tigres.

Pourquoi la France, l’Europe ne sont-elles pas en pointe dans ce domaine, alors que cela les concerne de plus en plus  ?

Frédéric Simard Nous sommes toujours dans cette optique qui veut que l’on ne s’occupe de quelque chose que s’il existe un problème grave. Il n’y a aucune étude préventive. Le principe de précaution est très mal utilisé en France, c’est pourquoi la prochaine étape de notre étude concernera la France.

Entretien avec Frédéric Simard Directeur du département santé et sociétés à l’IRD de Montpellier

réalisé par Eric Serres, L’Humanité


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