Guerre et paix : remarques et questions

mercredi 26 octobre 2016.
 

Le feu s’ouvre à Mossoul en Irak.

Cela saute aux yeux, il y a aujourd’hui un « dérèglement géopolitique ». Selon nous, la situation présente exige que nous le prenions en compte ....

Quelques exemples :

a) Vers une nouvelle guerre froide ? Quelles leçons n’avons-nous pas tirées de l’effondrement du Mur de Berlin. Quelles erreurs ont été commises par l’Occident depuis 25 ans ? Que sont devenus les militants qui ont combattu les euromissiles ? N’avaient-ils pas compris qu’il ne fallait pas humilier la Russie qui avait officiellement perdu la guerre froide ? N’avaient-ils pas compris qu’il ne fallait pas réarmer et étendre l’OTAN ? Même si nous savons que Moscou et Washington jouent à se faire peur et cherchent surtout à effrayer les petits peuples ....

b) Alors qu’on fabrique des armes pour « se maintenir dans la course », n’est-on pas en train de fabriquer des guerres pour pouvoir écouler nos armes et valider la militarisation de nos économies en faillite ? Où sont les économistes qui réfutent cette vision ?

c) Alors que « dérèglement climatique » est dû pour 20% aux activités militaires, où sont les militants (écolos ou pas écolos) qui dénoncent les plus gros pollueurs de la planète, ceux-là même qui préparent et élaborent des guerres écologiques, lesquelles guerres sont dues en grande partie à la quête de matières premières qui doivent servir à la guerre ?

d) Alors que l’un des détonateurs des crises en Europe est liée à notre gestion des conflits au Moyen-Orient, qu’attendons-nous pour réfléchir à une politique non pas par rapport aux 27 de l’UE mais par rapport aux Etats méditerranéens ? En élaborant un projet de CSCE avec une politique « maritimiste » qui permettrait à la France d’agir en partenaire avec ceux qui bordent la Méditerranée...?

e) Alors que le spectre du terrorisme est surtout un prétexte pour militariser nos sociétés, et terroriser les insoumis, ne serait-il pas opportun de dénoncer les amalgames, réévaluer les pseudo-menaces de quelques têtes brûlées et bras cassés qui vont faire du Djihad à Raqqa et trouver les armes intellectuelles pour démocratiser la défense, sécuriser la démocratie en affichant une politique à l’égard de la jeunesse ?

f) Alors que nos politiciens veulent parler d’identité nationale, avons-nous une autre identité que nucléaire (civile et militaire) à l’instar d’Etat quasiment en faillite comme le Pakistan ou la Corée du Nord ?

g) Alors que nos élites se gargarisent d’être à la tête d’une des « puissances » qui siègent au Conseil de Sécurité, alors qu’on s’enthousiasme narcissiquement à l’idée que la France est capable d’avoir une influence sur la "conduite du monde", (cf. Livre Blanc), n’est-il pas venu le temps d’axer la campagne présidentielle sur les enjeux internationaux, en affichant un programme en faveur d’un désarmement (nucléaire et pas seulement nucléaire) ? Ce qui serait la façon la moins « débile » de se démarquer par rapport aux autres « puissances ». Comment en 2017 définir une politique originale qui dépasse la sécurité collective de l’OTAN, la sécurité commune définie par Olof Palme ou Gorbatchev, en proposant une nouvelle initiative ?

En conséquence, ne pouvons-nous pas proposer, au plan national et au plan européen, la création de groupes de travail pluralistes ? Ils pourraient être composés de syndicalistes, de militants de la paix, d’écologistes, d’élus locaux, de spécialistes des stratégies, d’économistes, de sociologues et d’ingénieurs et de militaires. Leur mission serait de formuler des propositions crédibles   :

- pour la définition, dans chaque secteur, aéronautique, naval, terre, territoire par territoire, entreprise par entreprise, de projets de « démantèlement-reconversion » des activités militaires vers des productions civiles socialement et écologiquement utiles…

- pour l’introduction de la question des activités et de toutes les opérations militaires dans les instances et organismes internationaux qui réfléchissent aux causes du « dérèglement climatique ».

N’est-il pas venu le temps de la création d’une « nouvelle internationale des travailleurs et progressistes pour la paix, la liberté, l’écologie et le progrès »  ? En commençant par l’Europe  ?

Autres questionnements

La Guerre à l’offensive ? Séduction de « l’opinion » par la valorisation des nouvelles armes technologiques et nucléaires, la « Guerre » mène son offensive idéologique au pas de charge. Ici, concerts de musique classique en la cathédrale Saint-Louis des Invalides. Là, salon euro-naval, conçu pour les « professionnels », en clair pour les marchands d’armes. Au Bourget, les industriels montent au créneau. L’Arabie Saoudite et consorts font leur marché. Partout, les conférences spécialisées, les revues et livres se multiplient jusqu’à plus soif. La « Guerre » entreprend de convaincre de ses bienfaits. Un « Forum Guerre & Politique » se tiendra à la Gaîté lyrique et à l’auditorium de l’Hôtel de ville de Paris. Son objectif ? Offrir un espace privilégié de discussion sur la « question de la guerre et son impact sur la recomposition des liens dans les sociétés ». Autre champ d’action, le protocole 2016 « Armée-Ecole »renforce la « coopération ». Il l’élargit de l’enseignement primaire à l’enseignement supérieur ainsi qu’à la recherche. Les ministères, Défense et Education, soutiennent que s’est ouverte une époque chargée de menaces multiples : terrorismes, possibilités d’attaques contre la substance économique d’une nation, risques sur l’approvisionnement en énergie et l’environnement, cyberattaques. L’instrument militaire ne suffit pas. Il faut une implication « citoyenne ». Elle se prépare dès l’école primaire. Voisine des thèses américaines, cette doctrine consiste à relier, voire à fusionner, la « sécurité extérieur » et la « sécurité intérieure ». Voir les « Livres blancs ».

Vers une nouvelle guerre froide ? Cette offensive idéologique s’inscrit dans une « nouvelle guerre froide » à l’œuvre. Le Président Obama vient de déclarer à l’ONU : « Nous ne pouvons pas échapper à la perspective d’une guerre nucléaire, sauf si nous nous engageons à arrêter la prolifération des armes nucléaires et à poursuivre l’objectif d’un monde sans ces armes ». A contrario de ce discours, les Etats-Unis engagent un programme de réarmement nucléaire massif, censé s’adapter à une modification de la menace nucléaire. En visite sur la base aérienne de Minot (site des bombardiers nucléaires B-52 et de missiles Minuteman III), le Secrétaire à la Défense Ashton Carter assène : « les Etats-Unis ne veulent pas s’interdire d’utiliser les premiers l’arme nucléaire en cas de conflit ». Il poursuit : « la menace d’attaques nucléaires est toujours forte et sous différentes formes, les Etats-Unis doivent s’y préparer. Il y a une réalité qui est que les adversaires potentiels nucléaires, comme la Russie ou la Corée du Nord peuvent lancer de terribles attaques ». Faisant allusion à l’annexion de la Crimée et au conflit dans le Donbass, il ajoute : « nous ne pouvons pas nous permettre que cela se reproduise. C’est la raison pour laquelle nous travaillons avec nos alliés pour innover et exploiter de nouveaux moyens pour soutenir la dissuasion et pour continuer de préserver la stabilité stratégique ». Chiffré à 108 milliards de dollars, un investissement est programmé sur cinq années, en soutien à la force nucléaire.

Nouveaux ennemis ? La Russie est accusée de se livrer à une gesticulation agressive et de construire de nouveaux systèmes nucléaires. À cet égard, si les exercices militaires russes sont critiquables, notons que les Etats-Unis ont repris une activité intense. Elle n’a d’équivalent que celle réalisée durant la Guerre froide. Le 1er avril 2015, quatre bombardiers B-52H à capacité nucléaire ont survolé le pôle nord dans le cadre d’un exercice (nom de code : Polar Growl) de frappe nucléaire dirigé contre la Russie… Ces avions avaient une force cumulée de 80 missiles de croisière nucléaire, soit une puissance combinée de 800 bombes d’Hiroshima ! Un exercice similaire (nom de code : Polar Roar) a été réalisé le 1er aout dernier. Ces tensions devraient faire prendre conscience du risque d’une guerre nucléaire (volontaire ou par accident) où les Européens se trouveraient une fois de plus au centre.

A présent, les tensions sont attisées par François Hollande et Jean-Marc Ayrault. Leur faillite diplomatique disqualifie la France. Une volonté obscène, un jeu macabre de confrontation avec les Russes ? « Excédé », Vladimir Poutine annule son déplacement à Paris. L’arrêt immédiat des bombardements sur Alep et la recherche de solutions « pacifiques » et de transition démocratique pour la Syrie ne se discuteraient plus avec les belligérants ?

Nous avons condamné le massacre de son peuple par Bachar al Assad. Nous avons condamné les bombardements criminels russes. L’urgence est de sauver les habitants d’Alep. Avec d’autres nous avons clamé : « Halte au massacre ! Halte à la barbarie ! Arrêt immédiat des bombardements ! Trêve des combats pour permettre l’acheminement des aides nécessaires à la survie des habitants d’Alep ! » Nous nous préparions à dire plus fortement à Poutine notre ferme condamnation.

En même temps, nous exprimons notre dégoût des relations troubles que la France et les USA entretiennent avec l’Arabie Saoudite qui ne se prive pas de bombarder le Yemen et sa capitale Sanaa. Les « Occidentaux otanisés » ne s’en émeuvent pas ou si timidement. De même, nous exprimons nos préoccupations à propos des bombardements programmés à Mossoul. Certes, les Kurdes portent un lourd fardeau. Cependant, les bombes jetées en Rafale épargneront-elles les populations civiles ? Les bombes sont-elles la bonne réponse à « l’éradication de Daech et du terrorisme » ?

Scepticisme et vigilance, il est nécessaire de prendre en compte les enjeux géopolitiques et stratégiques de ce vaste espace. En arrière fond, nous avons, ne l’oublions pas, l’Ukraine, l’Iran, le Caucase, la Turquie, l’Arabie Saoudite, etc, et… les élections américaines.

Ensuite, des crimes se commettent régulièrement contre les populations civiles de Gaza. Que fait la France contre le blocus d’Israël ? N’avons-nous pas à travailler, en appui sur la Charte des Nations-Unies et une ONU démocratiquement réactivée, à la naissance d’un nouvel « ordre mondial pacifique, écologique, solidaire et démocratique » ?

Les dépenses militaires mondiales à la hausse. La France fait elle-même monter son budget « Défense ». Ainsi, lors de la dernière édition de l’université d’été de la défense les 5 et 6 septembre 2016, le délégué général pour l’armement, Laurent Collet-Billon, s’est exprimé au sujet du coût de la dissuasion nucléaire. « A l’horizon 2030, un effort absolument colossal au milieu de la décennie, de l’ordre de 6 milliards d’euros par an » serait nécessaire, déclare-t-il. Cette déclaration a créé une vive émotion. La polémique s’est développée.

La réalité est que, en réponse aux recommandations de l’OTAN de porter les budgets militaires des pays membres à 2% du PIB, un certain corporatisme militaire s’allie aux industriels de l’armement pour demander une hausse substantielle du budget « Défense ». Il passerait, d’ici 2020, de 32,7 à 41 milliards d’euros. Notre environnement stratégique, notre participation à de nombreuses opérations extérieures et nos engagements dans le cadre de l’OTAN, rendent « inévitable » un accroissement des budgets militaires. Il est choquant que cet accroissement serve - d’abord - à financer un doublement de la part de la dissuasion nucléaire. La préoccupation essentielle des tenants du « budget militaire à 2 % du PIB » est de garantir la « modernisation » des forces nucléaires. Ce projet aura un coût considérable  : plus de six milliards d’euros annuellement à terme, soit près du double de « l’effort » actuel.

L’OTAN, Washington, Moscou et Paris joueraient-ils à se faire et nous faire peur ? Les nouvelles technologies visent à rendre les armes nucléaires plus précises, d’une puissance réglable en fonction des objectifs retenus donc plus utilisables dans des scénarios dits de « rétablissement de la dissuasion ». La guerre nucléaire se prépare, en France comme aux États-Unis ou en Russie. Rappelons que l’Inde a acheté des Rafale pour ses capacités à « véhiculer » des bombes nucléaires.

La paix est bel et bien en danger. L’existence même de l’humanité est en péril. La France engage une nouvelle course aux armements nucléaires sans débat public ou parlementaire.

L’unification des tâches de « sécurité » confie à l’armée des tâches de police tandis que la police tend à se militariser. L’idée s’installe, « nous sommes en guerre ». L’état d’urgence est maintenu. Sécurité nationale et sécurité intérieure s’inscrivent dans la nouvelle doctrine militaro-policière. La guerre extérieure ? La guerre intérieure ? Elles ne méritent pas une délibération politique. La « cohésion nationale » et les « valeurs de la République » façonnent les esprits, quitte à justifier la répression à l’encontre d’ennemis bien précis : les « islamistes » ou réputés tels, les classes populaires, les mouvements sociaux ?

Dans le même temps, le complexe militaro-industriel et les militaires se remuent tous azimuts. « Les industries de la Défense peuvent être un aout pour la France. Mais à condition d’être soutenues par les pouvoirs publics » assène Philippe Petitcolin, Directeur Général de Safran. « Le monde bouge. Les tensions internationales aussi. Les industriels russes, chinois, coréens sont très actifs sur le marché. Maintenir notre supériorité technologique » souligne Hervé Guillou, PDG de DCNS. De son côté, le Centre d’études stratégiques de la Marine annonce de nouvelles conférences navales « ouvertes » à l’École Militaire. « La Marine du futur. Les outre-mer, une souveraineté (souligné par nous) à défendre. La France possède le deuxième domaine maritime du monde avec 11 millions de km2 dont la protection et la défense ne peuvent être assurées que par la Marine nationale. » Le culte de la « puissance » ? La bataille idéologique et de classe fait rage autour de ce pilier éminemment régalien essentiel à la domination des groupes supranationaux.

N’avons-nous pas à donner de l’espoir en ouvrant le chemin du changement et des changements en ces domaines aussi….

Ben Cramer et Louis Aminot. Fait le 16 octobre 2016.


Signatures: 0
Répondre à cet article

Forum

Date Nom Message