Sarkozy : Un candidat au programme de rupture avec les fondements républicains

mardi 6 septembre 2016.
 

Dans son livre Tout pour la France, Nicolas Sarkozy dévoile un programme dangereux, qui pousse au bout les lignes de fracture esquissées de 2007 à 2012 par l’ex-chef de l’État sur les questions de laïcité, d’immigration, d’ordre ou de solidarité.

Non, Nicolas Sarkozy n’a pas changé. Ou plutôt si  : en pis. Les Français l’avaient congédié au terme d’une campagne présidentielle de 2012 menée sur les terres de l’extrême droite pour tenter de faire oublier un bilan économique et social calamiteux. Il revient, aspirant aux mêmes fonctions, lesté de son livre-programme Tout pour la France (Plon), en librairie aujourd’hui, et qui acterait, s’il était mis en œuvre, une rupture sans précédent avec les fondamentaux de notre République.

1 « l’identité » nationale fantasmée au tréfonds de la droite antirépublicaine

Le battu de 2012 en est convaincu  : la campagne se jouera sur « le problème d’identité ». Une « identité » nationale fantasmée, figée, qui se définit en opposition à l’immigration, la seconde étant censée menacer la première selon une conception en vigueur de 2007 à 2010, avec la création d’un ministère en charge des deux questions. Cette fois, Nicolas Sarkozy met la barre très haut en s’attaquant au droit du sol, sur lequel personne n’est revenu depuis son rétablissement définitif par la loi du 26 juin 1889… à part les autorités de Vichy. En proposant d’instaurer une « présomption de nationalité » pour les enfants nés en France de parents étrangers en lieu et place de l’acquisition automatique de la nationalité à leur majorité, le candidat oublie que les Français sont « les héritiers d’une histoire commune  : celle d’une France européenne, mais aussi au-delà de l’Europe, qui nous fait si divers », l’accuse l’historien Patrick Weil. Sa proposition effraie jusqu’à son ancien conseiller de 2005 à 2011, Maxime Tandonnet  : la réforme du droit du sol « mettrait en cause un principe qui remonte, pas seulement à la République, mais à des siècles d’histoire », alerte sur son blog le haut fonctionnaire, qui promet « six mois d’agitation hystérique, de fureur, de haine frénétique » avec ce projet. « Sarkozy rompt avec le minimum républicain de la Ve République pour revenir aux vieux démons de la droite d’avant 1944, juge de son côté l’historien Alain Ruscio. Il y a derrière cette attaque contre le droit du sol et contre l’immigration une vieille rengaine conservatrice selon laquelle la terre ne mentirait pas, comme l’avait repris Pétain. »

2 un projet global de division et de stigmatisation

Derrière le discours sur l’immigration, se cache un projet de division et de stigmatisation global, qui vise les musulmans, et plus généralement les pauvres, immigrés ou non, et tous ceux qui ont le malheur de ne pas correspondre au modèle d’« intégration » sarkozyste – rebaptisée désormais « assimilation ». Si la laïcité sert de prétexte à un arsenal de mesures contre le port de signes religieux dans l’espace public, un indice révèle qui est réellement concerné  : Sarkozy envisage de supprimer les allocations aux contrevenants récidivistes… Clairement, ce sont d’abord les familles des quartiers populaires qui sont pointées du doigt. Le candidat autoproclamé de « l’autorité » l’est en fait uniquement pour les salariés, les jeunes, et les « minorités » (étrangers, LGBT…) accusées de « chantage »  : majorité pénale abaissée à 16 ans, syndicats frappés au porte-monnaie en cas de débordements dans les manifestations, empêchement de l’« occupation illicite de place » – Nuit debout est prévenue… Au point même de s’attaquer aux fondements de l’État de droit, avec la pérennisation de mesures de l’état d’urgence, comme les perquisitions administratives jour et nuit, et la résurrection de la cour de sûreté antiterroriste datant de la guerre d’Algérie. « Une justice d’exception, présidée par un fidèle du pouvoir en place, par un juge ad hoc, rappelle Alain Ruscio. La comparaison est très surprenante. »

3 un manifeste qui aurait PU s’intituler « tout pour la finance »…

Un autoritarisme qui n’est que le pendant de son programme économique, où la rupture avec le pacte républicain de solidarité est actée, avec le projet d’enterrer ce qu’il reste du programme issu du Conseil national de la Résistance (CNR). « Toute notre politique économique devra désormais être focalisée pour et sur les entreprises », prévient le candidat à la primaire. Le coup de grâce serait donné au système solidaire de retraite avec le report de l’âge légal à 64 ans et la baisse des cotisations des employeurs  ; à la durée du travail qui serait « déterminé(e) librement » par « chaque entreprise »  ; au droit du travail avec la facilitation du licenciement économique, et la baisse et le conditionnement drastiques des indemnités chômage. Pour les riches, en revanche, ce serait le retour aux largesses de 2007  : suppression de l’impôt sur la fortune, exonération des successions jusqu’à 400 000 euros (100 000 actuellement), prélèvement plafonné sur les dividendes, intérêts et plus-values mobilières. Les services publics en feraient une nouvelle fois les frais, avec 300 000 postes de fonctionnaires en moins sur cinq ans. « Le projet fiscal reflète très largement la vision de société d’un candidat, estime Pierre Khalfa, d’Attac. Or la logique générale est ici d’en finir définitivement avec tous les processus de correction des inégalités. » Pour le syndicaliste, « il s’agirait d’un saut jamais franchi ».

Sébastien Crépel avec Aurélien Soucheyre, L’Humanité


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