Moins on est riche, plus on est malade

mercredi 27 juillet 2016.
 

Selon les rédacteurs du dernier Bulletin épidémiologique hebdomadaire (BEH), « en France, les inégalités sociales de santé sont plus marquées que dans la plupart des autres pays européens et ont tendance à augmenter ». Ainsi selon une étude de 2013, le taux de patients hospitalisés pour un infarctus du myocarde (IDM) ou un accident vasculaire cérébral (AVC) était significativement plus élevé parmi la population la plus défavorisée.

Nous ne mettons en ligne ci-dessous que deux extraits de l’étude. Notre lecteur intéressé pourra accéder au texte complet original en cliquant sur l’adresse URL portée en source ( haut de page, couleur rouge).

Introduction

En France, les inégalités sociales de santé (ISS) sont plus marquées que dans la plupart des autres pays européens et ont tendance à augmenter 1,2.

Le poids du désavantage social sur la mortalité cardio-neuro-vasculaire a été décrit dans de nombreux pays industrialisés, avec un risque de décès plus élevé pour les populations les plus défavorisées socioéconomiquement 4,5. Cet impact a été mis en évidence aussi bien avec des données individuelles qu’avec des indices écologiques de désavantage social. G. Rey et coll. ont ainsi montré, pour la période 1997-2001 en France, que le taux de mortalité cardio-neuro-vasculaire dans son ensemble augmentait avec le niveau de désavantage social 6. Face à la diversité des maladies cardio-neuro-vasculaires, des données sur des groupes plus homogènes paraîtraient plus adaptées pour orienter les actions de santé publique.

Des études ont ainsi décrit l’existence d’une association positive entre le désavantage social et la mortalité pour les cardiopathies ischémiques, notamment l’infarctus du myocarde, ainsi que pour les maladies cérébrovasculaires, en particulier l’accident vasculaire cérébral, dans plusieurs pays y compris en France, où les données sont anciennes 7,8,9,10,11. Bien que moins étudiée, la mortalité liée à l’embolie pulmonaire a également été décrite comme plus élevée dans les populations les plus défavorisées socioéconomiquement 12,13. En revanche, pour l’insuffisance cardiaque, l’association est modeste, peu robuste ou significative uniquement pour certaines populations 14,15.

L’impact du désavantage social sur la mortalité cardio-neuro-vasculaire semble également plus important chez les sujets jeunes que chez les plus âgés et ce pour les différentes maladies 10,16. En revanche, il ne semble pas y avoir de différence significative de l’impact en fonction du sexe 4,7,17,18, bien que les résultats soient contrastés pour l’accident vasculaire cérébral ou l’embolie pulmonaire 12,19.

Face au constat de l’augmentation des inégalités sociales de santé en France, le besoin de disposer de données nationales actualisées régulièrement a été fortement affirmé dans la stratégie nationale de santé 3.

L’objectif de cette étude est de décrire l’association entre la mortalité et le désavantage social pour l’infarctus du myocarde (IdM), l’accident vasculaire cérébral (AVC), l’insuffisance cardiaque (IC) et l’embolie pulmonaire (EP), en fonction de l’âge et du sexe.

Discussion

Les résultats de notre étude montrent i) qu’à structure d’âge identique la mortalité augmente avec le niveau de désavantage social de la commune de résidence pour les quatre maladies cardio-neuro-vasculaires étudiées et ii) que les écarts de mortalité selon le désavantage social sont plus marqués chez les moins de 65 ans que chez les 65 ans et plus. Pour l’accident vasculaire cérébral, le lien entre mortalité et désavantage social est également plus marqué chez les hommes que chez les femmes.

L’existence d’inégalités sociales de mortalité mise en évidence dans notre étude a également été observée dans des études internationales portant sur les cardiopathies ischémiques, l’accident vasculaire cérébral et l’embolie pulmonaire 5,12,13,20. En revanche, les résultats des études portant sur l’insuffisance cardiaque diffèrent entre eux 14,21. Ces différences s’expliquent pour partie par des schémas d’étude différents : mortalité en population générale dans notre étude versus mortalité au sein d’un groupe de patients atteints d’insuffisance cardiaque dans les autres. Cet argument est conforté par les conclusions de certains auteurs suggérant un impact limité des facteurs socioéconomiques chez les sujets ayant une insuffisance cardiaque stable 14. Enfin, les mécanismes de l’impact du désavantage social sur la mortalité liée à l’insuffisance cardiaque sont complexes et encore mal connus, cette maladie étant la résultante de nombreux phénomènes physiopathologiques.

Le caractère écologique de notre étude rend complexe l’interprétation de l’association observée entre la mortalité et le désavantage social dans la mesure où elle reflète probablement un effet combiné de facteurs liés aux individus, à leur prise en charge et à leur environnement. Plusieurs hypothèses peuvent être avancées pour expliquer ces résultats. L’incidence des maladies cardio-neuro-vasculaires est très corrélée au désavantage social pour la plupart des maladies artérielles 14,22,23,24. Cela s’explique, en grande partie, par l’adoption plus fréquente par les personnes les plus défavorisées socioéconomiquement de comportements défavorables à la santé (tabagisme, alimentation déséquilibrée, sédentarité par exemple), une prévalence plus importante des principaux facteurs de risque cardiovasculaire (diabète de type 2, hypertension artérielle…) chez ces personnes et un moins bon contrôle de ces facteurs 4,16,22,25,26. De plus, une prévalence plus importante des facteurs psychosociaux type stress ou dépression, des comorbidités cardiovasculaires ou une plus grande fragilité des sujets âgés vivant dans les zones les plus défavorisées seraient également des hypothèses possibles 5,11,21. Pour la mortalité par embolie pulmonaire, l’hypothèse d’une prévalence plus importante des comorbidités comme l’obésité chez les personnes les plus défavorisées est également cohérente avec l’augmentation de l’incidence chez les plus défavorisés 27.

Une prise en charge médicale plus tardive lors de l’apparition de signes cliniques de la maladie, possiblement liée à une mauvaise connaissance des signes évocateurs et à un moindre recours au système de santé, pourrait également expliquer une augmentation de la mortalité en fonction du désavantage social 14,28.

La qualité des soins après un événement cardio-neuro-vasculaire, le soutien social et le suivi des recommandations thérapeutiques après hospitalisation pourraient aussi jouer un rôle important dans la relation entre désavantage social et mortalité cardiovasculaire. Ainsi, pour les patients du registre dijonnais des accidents vasculaire cérébraux, la mortalité à 90 jours augmentait avec le désavantage social, alors qu’aucune relation n’était observée entre la mortalité en soins intensifs et le désavantage social 11. De même, pour l’insuffisance cardiaque, le désavantage social était associé avec la mortalité à un an 21. Par ailleurs, chez les patients souffrant de cette affection, la mortalité était plus élevée chez ceux présentant une limitation dans les activités de la vie quotidienne 15, facteur lui-même lié à la catégorie sociale 29. Pour l’embolie pulmonaire, l’observance du traitement anticoagulant, négativement associée à la mortalité, était associée positivement au niveau d’éducation, l’une des composantes de l’indice de désavantage social 28.

Enfin, l’environnement physique du lieu de résidence pourrait également expliquer une partie des inégalités sociales en matière de mortalité cardiovasculaire. Un environnement dégradé, non-sûr ou dépourvu d’installations sportives et culturelles peut être source de stress et/ou favoriser la sédentarité, ces caractéristiques de l’environnement étant par ailleurs des facteurs de risque artériel et veineux 27. La pollution atmosphérique, facteur de risque cardiovasculaire reconnu 30, est aussi plus importante dans les zones les plus défavorisées socioéconomiquement 31. Enfin, le niveau d’accessibilité des structures de soins peut également retarder la prise en charge médicale des personnes.

Dans notre étude, les écarts de mortalité cardio-neuro-vasculaire entre les quintiles extrêmes de population selon l’indice de désavantage social étaient plus importants chez les moins de 65 ans, quelle que soit la cause de décès. Cette relation inverse est bien décrite dans la littérature pour la mortalité toutes causes et spécifique 10,16. Elle s’explique notamment par un effet de sélection : les personnes vivant dans des conditions socioéconomiques plus défavorables décèdent plus jeunes, réduisant ainsi les écarts de situations au sein des populations plus âgées. Ce résultat est également retrouvé pour les hospitalisations pour maladies cardio-neuro-vasculaires 22,24.

Les écarts de mortalité entre les plus défavorisés et les moins défavorisés étaient similaires chez les hommes et les femmes, excepté pour l’accident vasculaire cérébral, pour lequel l’association était plus forte chez les hommes. Si la grande majorité des études n’ont pas mis en évidence de différence significative en fonction du sexe, y compris pour l’accident vasculaire cérébral, d’autres aboutissent à des conclusions contradictoires 4,6,7,12,17,18. C. Li et coll. ont toutefois observé une mortalité à 28 jours et à un an après un AVC significativement plus élevée chez les hommes ayant de bas revenus mais pas chez les femmes 19. Les hypothèses avancées étaient une prévalence plus élevée des comorbidités chez les hommes ayant un AVC que chez les femmes, des attitudes différentes en termes de recours aux soins ou de suivi des recommandations médicales ou hygiéno-diététiques, elles-mêmes liées à la position socioéconomique.


Signatures: 0
Répondre à cet article

Forum

Date Nom Message