Le FN profite du cloisonnement de ses électorats

mardi 26 juillet 2016.
 

La Fondation Copernic a organisé, sur deux samedis, des journées d’étude sur le Front national, pour déconstruire les idées reçues et dégager des angles d’attaque politiques en fragmentant ses électorats.

« Le FN se nourrit de notre inaction. » C’est de ce constat, à la fois réel et terrible parce qu’il interroge en premier lieu l’action des forces progressistes, que la Fondation Copernic proposait deux journées d’étude sur le Front national.

Le lieu commun le plus répandu tient à la composition de l’électorat frontiste. « LE vote FN n’existe pas, il y a DES votes FN », martèle Willy Peltier, coordinateur général de la Fondation Copernic. « La notion d’électorat est trompeuse », explique Daniel Gaxie, professeur en science politique à la Sorbonne. Avec Patrick Lehingue, chercheur à l’université de Picardie, ils s’entendent pour utiliser le terme de « conglomérat électoral ». Un ensemble hétéroclite formé d’« un électorat ouvrier, un riche, un des petits commerçants, un de pauvres… » avec des « raisons sociales » parfois opposées, analyse Patrick Lehingue  : « fascistoïdes » contre souverainistes, petits patrons anti-fiscalité (au nom de la théorie du « self made man ») contre milieux populaires attachés à la protection sociale (avec priorité aux Français)… Leur seul critère commun, que le FN a d’ailleurs « réussi à imposer dans le débat public », c’est « la substitution du clivage social au clivage ethnoracial », déplore le chercheur picard.

« Un FN flou sur l’économie, la politique salariale, les retraites  »

Il y aurait pourtant à faire pour dépasser la dénonciation du racisme et de la xénophobie du parti de Marine Le Pen, qui « renforce l’idée qu’il est propriétaire du “problème” de l’immigration, c’est-à-dire expert sur le sujet », lance Daniel Gaxie. « Les croisades morales ne convaincront que les croisés », râle Willy Peltier. Il faut au contraire « attaquer (leurs) positions intenables » sur des sujets qui clivent leurs électorats. « Sur l’économie, la politique salariale, les retraites, le FN est flou », lance Louis Pinto, directeur de recherches au CNRS. Lui a observé une « pathologie de la redistribution » sur laquelle s’appuie le Front national pour galvaniser son public  : « l’État gaspilleur » (prestations sociales), « l’État boulimique » (fonction publique pléthorique), « l’État partial » (préférence immigrée), « l’État laxiste » (délinquance galopante, justice défaillante)… « Une axiomatique (2) qui permet de s’adresser de manière différente à plusieurs publics », assure-t-il : « sa force, c’est sa simplicité ». « L’État (ou « Bruxelles ») est une cible facile, plus repérable que la multitude de lieux (collectivités, entreprises, etc.) où se jouent les rapports de classe. »

Le FN n’aime pas la complexité. Ses propositions « vagues, ambiguës » sont en partie rendues possibles par son positionnement  : c’est un « gros » parti – en termes de scores électoraux et de présence médiatique – qui n’a jamais été au gouvernement, ce qui lui permet de se positionner « à la fois dans et hors du champ politique ». Une position de confort qui pourrait voler en éclats le jour où il clarifiera ses positions, selon Patrick Lehingue  : « Il va forcément mécontenter un de ses électorats. »

Grégory Marin, L’Humanité


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