Le macronisme, un rocardisme sarko-compatible

lundi 18 juillet 2016.
 

Le ministre de l’Économie a mis son collectif politique, En marche  !,au service du dépassement des « vieux clivages ». Un refrain sur l’air du « renouvellement de la vie politique » déjà maintes fois entendu…

Son agenda politico-médiatique ressemble au Bottin mondain. Ces dernières semaines, on a vu le ministre de l’Économie, Emmanuel Macron, suivre une étape du Tour de France, pour y rencontrer l’ancien ministre socialiste de l’Agriculture (1998-2002) Jean Glavany, puis l’ancien candidat centriste aux élections présidentielles de 2002, 2007 et 2012 François Bayrou. On l’a aussi vu dans Gala, le magazine de « l’actu des stars », fêter le 88e anniversaire de la chanteuse Line Renaud aux côtés de Vanessa Paradis, Johnny Hallyday, Muriel Robin et Stéphane Bern. Mais c’est ce soir que se tient le rendez-vous qui compte le plus pour cet ambitieux  : le premier grand meeting parisien de son « collectif politique », En marche  !, à la Mutualité.

Selon un sondage pour Paris Match publié la semaine dernière, au moment de la mort de Michel Rocard, Emmanuel Macron serait la personnalité politique qui « incarne le mieux l’héritage » de l’ex-premier ministre de François Mitterrand, devant des caciques socialistes, tels Martine Aubry ou Manuel Valls. Un élément supplémentaire qui pourrait pousser sa candidature à la présidentielle 2017. Pour le compte du président sortant ou son intérêt personnel  ? La question reste posée, après celle de sa démission, dont plusieurs sources politiques imaginent l’annonce officielle ce soir. L’association En marche  ! reprend des recettes de la « vieille » politique

La seule certitude tient à la méthode Macron, qui sur la forme, sous prétexte de « renouvellement de la vie politique » – le titre officiel de « l’association » En marche  ! –, reprend des recettes de la « vieille » politique (porte-à-porte, conférences, formations, séminaires)  ; et sur le fond pratique le même « rocardisme » que ses collègues socialistes du gouvernement, le vocabulaire sarkozyste en plus. Il y a beaucoup de maquillage sur ce « nouveau visage » de la politique, mais les idées, elles, datent. Comme celle du mérite individuel, censé dépasser les barrières de classe  : « Le plus insupportable, ce n’est pas qu’il y ait des riches et des pauvres, écrit le ministre, c’est que les enfants pauvres aient si peu d’espoir de s’élever au-dessus de leur condition et d’avoir l’opportunité de contribuer à la nécessaire transformation du pays. »

Son opération brouille-t-elle Macron lui-même  ? Ainsi affirme-t-il que « la plupart de nos concitoyens » ne réclament « pas plus de protection sociale ». Or, les « marcheurs » qui livrent témoignage en ligne de leur engagement soulignent eux-mêmes comme une « chance » le « système de protection sociale unique » (Sydney), le « système de santé solidaire » (Natacha), le « modèle de protection sociale et de santé dont bénéficie chaque citoyen » (Christophe). Ces « marcheurs », petits soldats recrutés pour « promouvoir » la politique « qui dépasse les vieux clivages », le ministre et ses équipes les ont repérés dans des associations « pour l’éducation, l’agriculture, le logement, l’entrepreunariat »… Pour la communication, le « macronisme » considère que l’engagement transcende les partis. Sur son site, il nuance  : la double appartenance est encouragée, « seulement refusée à ceux qui sont déjà adhérents d’une formation dont les valeurs sont manifestement incompatibles avec les nôtres ». Vu l’insipidité des valeurs développées, difficile de refuser l’adhésion d’un militant PS, LR, voire (question européenne mise à part) d’un FN…

Pour qui se souvient de la mandature Sarkozy, ce message « transpartisan » a clairement des accents de droite. Des « valeurs » qu’Emmanuel Macron dit avoir « chevillées au corps », détaillées sur le site Internet de son collectif, « la première c’est le travail », écrit-il. « Source d’émancipation individuelle », « moyen le plus puissant de se libérer du déterminisme » pour Macron, il avait « valeur de libération » pour Sarkozy, qui, pour combattre le « déterminisme », proposait de « supprimer les droits de succession parce que je crois au travail » (1)… Le bégaiement de l’histoire va au-delà, puisque l’essence même d’En marche  ! est de combattre les « blocages », détaille Macron, notamment « les normes et les contraintes empilées depuis des décennies ». En 2007, Nicolas Sarkozy dénonçait « contraintes et normes de toute nature ». Troublant parallèle. Il est vrai qu’Emmanuel Macron ne se réclame pas personnellement de la gauche, seuls ses collègues du gouvernement justifient leur propre politique, économique notamment, en l’affublant de cette étiquette…

Réseaux macron  : libéraux, strauss-kahniens, banquiers

En marche  ! est présidé par Véronique Bolhuis, compagne de Laurent Bigorgne, directeur du très libéral Institut Montaigne. Son trésorier, Cédric O, ancien conseiller de Pierre Moscovici, comme le secrétaire général, Benjamin-Blaise Griveaux, sont des anciens strauss-kahniens passés au privé (Safran et Unibail-Rodamco). L’association de financement est présidée par Christian Dargnat, ex-DG de BNP Paribas Asset Management. Le trésorier, Emmanuel Miquel, est capital-risqueur chez Ardia. Quant au secrétaire, Stanislas Guerini, directeur client chez Elis, c’est aussi un ancien strauss-kahnien.

Grégory Marin, L’Humanité


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