Après le Brexit : Refondation progressiste

mardi 5 juillet 2016.
 

Ceux qui, de leur grande voix, n’ont cessé de nous vanter le modèle de prospérité britannique sont les mêmes qui, depuis quelques jours, sont aux avantpostes du dénigrement de ce peuple coupable d’avoir enfreint les bonnes règles de la doxa néolibérale. La classe ouvrière, qui a massivement refusé l’austérité, la dés industrialisation et le chômage, les catégories menacées dans leur protection sociale, leur retraite et leur avenir sont fustigées pour crime de lèse-mondialisation capitaliste. Elles n’auraient obéi qu’à leurs « pulsions irrationnelles », à « des fantasmes ».

Nous demandons le respect du vote britannique avec d’autant plus d’insistance que nous n’étions pas pour le Brexit. Ce référendum éludait la question centrale de la responsabilité des politiques austéritaires nationales et européennes dans le rejet de l’Union actuelle. Le faux choix entre l’euro-capitalisme ou le national-capitalisme ne constitue pas une issue progressiste. Il détourne le regard des peuples des vraies causes de leurs difficultés, les empêche de se solidariser contre la responsable de leurs maux : la loi de l’argent. Nous tendons la main au monde du travail et de la culture d’outreManche pour qu’ensemble nous puissions inventer d’autres politiques porteuses de progrès pour tous. Nous savons les inconvénients que peut produire ce vote, y compris pour la cohésion du Royaume-Uni. Mais les menaces de représailles proférées sont immondes. Elles visent à punir les Anglais. Elles ont surtout pour objectif d’impressionner les autres peuples européens pour les empêcher de débattre de la signification du vote britannique après celui des Néerlandais, des Grecs, des Français. Et celui-ci exprime avant tout un nouveau désaveu de l’actuelle construction européenne.

Les forces du capital, avec leur mandataire politique et médiatique, ne veulent surtout pas qu’un débat s’engage autour d’un projet européen alternatif. C’est pourtant la question qui est posée ! Les dirigeants européens actuels gesticulent, palabrent, menacent, pour préserver leur système. On veut ici renforcer la seule zone euro autour d’un petit groupe de pays, là, comme Mme Merkel, changer les traités pour « renforcer le contrôle sur la politique financière et économique ». Nulle trace des préoccupations populaires dans leurs propositions. Nulle trace d’une quelconque autocritique des politiques passées. On nous disait que c’était l’Angleterre qui poussait l’Europe vers l’ultralibéralisme.

Voici une excuse disparue. On peut donc tourner le dos à l’Europe des marchands et de l’argent ! Nous avons la conviction qu’il n’y aura pas de développement européen harmonieux sans que le capital allemand ne consente à partager ses surplus extérieurs au service de la caisse commune, sans une conférence européenne de renégociation des dettes, sans une taxation des transactions financières pour dissuader la spéculation, sans mettre fin à l’évasion fiscale, sans que les 80 milliards d’euros que crée chaque mois la Banque centrale européenne servent à la production, aux services publics, à l’emploi, sans qu’on invente un nouveau fonds européen pour le développement humain et la transition environnementale.

Par-delà les frontières, les peuples et les jeunesses qui refusent les nationalismes fauteurs de divisions, de tensions, de haine et peut-être de guerres, doivent se donner la main, débattre ensemble, interpeller leurs élus nationaux et européens, et initier des forums de refondation progressiste et écologiste de la construction européenne. Toutes les initiatives, des plus petites aux plus grandes, sur tout le continent, pourraient converger dans l’exigence d’une conférence citoyenne européenne pour changer l’actuel projet européen. Il s’agit ni plus ni moins, à des millions de voix, d’écrire une nouvelle histoire écartant les démons des extrêmes droites qui rôdent dangereusement pour imposer leur national-capitalisme avec ses nouvelles concurrences et guerres économiques exacerbées. Rien n’est donc plus urgent que de s’atteler à construire une nouvelle Union des peuples et des nations associés, libres et solidaires. Une autre Europe, pour transformer la mondialisation capitaliste, se tournant vers les peuples du Sud pour de nouveaux projets de codéveloppement durable et solidaire et pour la paix. Il est grand temps de s’y mettre !

Editorial de Patrick Le Hyaric dans l’Humanité Dimanche


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