André Laignel : «  Une entreprise de vassalisation des communes  »

jeudi 23 juin 2016.
 

Fervent défenseur d’une commune qui n’a «  jamais été aussi menacée ni jamais aussi nécessaire  », André Laignel dit son inquiétude face à la «  dilution  » de l’échelon communal.

HD. À quelques jours de l’ouverture du congrès, dans quel état d’esprit sont les maires, dont vous-même  ?

André Laignel. Je fais beaucoup d’assemblées avec des élus, de rencontres, et l’état d’esprit tient en trois mots  : inquiétude, résignation et colère. L’inquiétude concerne tout le monde, la résignation et la colère, ça dépend des tempéraments de chacun…

HD. Quelles en sont les raisons  ? On connaît les difficultés, notamment liées à la baisse des dotations de l’État, mais il y en a d’autres  ?

A. L. La vraie interrogation, c’est la place de la commune à l’avenir. « La Gazette des communes » a titré récemment  : « Qui veut la mort des communes  ? » Bien entendu, la réalité est plus complexe, mais je vois deux dangers majeurs  : l’étouffement financier, d’une part, et, d’autre part, la dilution de la commune.

HD. Que voulez-vous dire  ?

A. L. Depuis 2010, c’est ce que j’appelle le garrot financier  : suppression de la taxe professionnelle, gel puis baisse des dotations  : le constat est connu mais il est central. Pour la dilution, c’est plus feutré… Il y a ceux qui disent qu’il faut supprimer la commune, comme MM. Fillon ou Gattaz, qui a dit « 20 milliards d’économies, c’est facile, il suffit de supprimer communes et départements ». Il y a ceux qui veulent moins de communes, avec une taille minimale. Et il y a ceux qui veulent la dilution, ce que Balladur, dans son rapport, appelait « l’évaporation ». On a oublié qu’il était aussi poète… (rires.)

C’est cela qu’on voit poindre, par exemple dans la loi NOTRe, le fait de transférer des compétences aux intercommunalités, il y a un glissement permanent pour transformer l’intercommunalité – qui est d’ailleurs un très bon outil – en « supracommunalité ».

C’est une entreprise de vassalisation des communes.

HD. Quelles en sont les causes  ? Qu’est-ce qui se cache derrière ce mouvement  ? On est obligé d’évoquer l’ordre libéral, y compris celui du gouvernement…

A. L. Lors de l’examen de la loi NOTRe, les députés de la gauche – communistes, bien entendu, mais aussi la majorité des socialistes – ont réussi à empêcher la suppression de la clause générale de compétence pour les communes et le suffrage universel direct pour les intercommunalités  : on a ainsi évité l’achèvement des communes. Moi, ce qui m’inquiète, c’est l’ambiance, les articles et autres études de pseudo-think tanks qui expliquent qu’il y a trop de communes. Cette petite musique technocratique qui passe partout mais ne reflète pas la pensée des Français. Et on va le démontrer lors du congrès, avec un sondage particulièrement éclairant. Comme on dit, « la commune est la petite patrie dans la grande ».

HD. La commune est un acquis révolutionnaire. Le fait qu’elle soit remise en cause est un révélateur de notre époque. Lequel, selon vous  ?

A. L. Sans doute est-ce le reflet d’une vision technocratique, comptable, mécaniste de la société. De l’oubli de la proximité, du besoin de réflexion. On fait à la commune un procès en archaïsme, alors qu’aucune autre collectivité ne s’est autant transformée – et volontairement  ! – que la commune. Aucune grande politique nationale ne peut se faire sans elle.

HD. Qu’attendez-vous de François Hollande  ?

A. L. J’en attends qu’il réaffirme le rôle de la commune  : je n’en doute pas car c’est sa conviction, il n’a jamais été de ceux qui veulent moins de commune. Mais j’attends aussi des actes  : stopper la régression financière, améliorer la justice des territoires via la péréquation (mécanisme de redistribution– NDLR), lever les contraintes imposées aux communes. C’est ce que je dirai à la tribune. Mais j’ai parfois l’impression que les politiques passent, mais que ce sont toujours les mêmes, à Bercy, qui prennent les décisions…


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