Loi sur le lobbying : timide avancée faisant douter de sa réelle efficacité.

vendredi 5 mars 2021.
 

Un encadrement fantôme émergeant du néant.

1) Lobbys : début timide de régulation

Source : Le billet économique de France Culture. On peut lire et écouter le texte ici].(4mn)

2) Loi Sapin 2, un tout petit pas pour l’encadrement du lobbying

Source : journal Contexte. Article en cliquant ici

Qui rédige journal numérique ? Liste des rédacteurs ici

3) Texte de la loi sur le lobbying

Source : site Web de la législation http://lois.justice.gc.ca/fra/lois/...

4) Les recommandations de l’association Transparentcy international France Source Internetici

5) Illustrons l’ampleur du lobbying par deux articles du journal L’Humanité pour un aspect important de la situation : le lobbying auprès des institutions européennes.

Premier article.

5. 1 Lobbying. Un rapport dénonce l’influence du secteur financier à Bruxelles

Source : L’Humanité 10 Avril, 2014. http://www.humanite.fr/lobbying-un-...

"Combien dépensent les lobbies liés au secteur financier pour influencer les institutions européennes ? La réponse se trouve dans un rapport, publié hier par Corporate Europe Observatory, intitulé «  The Fire Power of the financial lobby » (la puissance de feu du lobby financier). Au total «  l’industrie financière dépense plus de 120 millions d’euros par an pour son lobbying à Bruxelles et emploie plus de 1 700 lobbyistes  », lit-on dans ce texte. 700 organisations veillent dans la capitale européenne sur les intérêts des marchés. Un chiffre à comparer avec les seuls 150 ONG, syndicats et organisations de consommateurs, qui surveillent l’activité de la Commission et du Parlement européens. Les lobbies sont particulièrement présents dans les groupes consultatifs initiés par la Commission pour préparer les projets de législation européenne. Ainsi, dans quinze des dix-sept groupes informels d’experts, l’industrie financière était mieux représentée que les ONG, syndicats et associations de consommateurs."

Deuxième article

5.2 Comment les lobbyistes bruxellois manœuvrent pour «  faire  » la loi

Source : L’Humanité 12 Mars, 2016 par Sylvain Laurens http://www.humanite.fr/comment-les-...

"Chaque jour, explique Sylvain Laurens, sociologue, auteur de « les Courtiers du ­capitalisme. Milieux d’affaires et bureaucrates à Bruxelles », 30 000 lobbyistes œuvrent dans le quartier européen de Bruxelles pour le compte des organisations patronales ou des grandes entreprises. Comme il le montre ici, leur action débute bien en amont de l’examen des directives ou des règlements par le Parlement européen.

En fait, dès l’élaboration de la première mouture des textes par les services de la Commission européenne. Détenteurs de données économiques dont les fonctionnaires de la Commission ont besoin pour élaborer les projets de réglementation, ils usent de cet avantage pour les approcher. Jouant des rivalités entre bureaucrates ou des conflits politiques, ils sont à l’affût d’informations. Leur Graal  ? Le « draft », c’est-à-dire la première version d’un texte législatif.

« Nous, on travaille vraiment plus au niveau de la Commission, même si on est des lobbyistes et que tout le monde s’attend à ce qu’on soit plus au niveau du Parlement », explique patiemment cette lobbyiste défendant les intérêts de l’industrie du gaz à Bruxelles. Et elle n’est pas la seule dans ce cas. Lorsqu’on se penche sur le travail quotidien des 30 000 lobbyistes que compte le quartier européen de Bruxelles, on se rend rapidement compte que la plupart d’entre eux œuvrent d’abord et principalement en direction des fonctionnaires des différentes directions générales (des « DG » dans le jargon bruxellois).

Leur travail suppose l’établissement d’une relation privilégiée non pas exclusivement avec des eurodéputés mais avec un chef de bureau (desk officer) ou un chef d’unité spécialisé en charge de la réglementation de « leur » propre produit. Cette priorité donnée aux relations avec un ou des acteurs administratifs en nombre limité invite à considérer le métier de lobbyiste sous l’angle d’une appropriation par des acteurs privés d’un savoir sur l’administration.

À Bruxelles, les salariés des fédérations patronales fournissent régulièrement aux chefs de bureau avec qui ils sont en relation des données techniques sur leur secteur économique. C’est bien sûr d’abord un moyen pour eux de maintenir l’accès aux couloirs des administrations. Ce faisant, ils sont capables d’identifier l’interlocuteur administratif le plus utile à leurs dossiers et de suivre son agenda personnel.

Suivre à la trace « son » chef de bureau

Connaître « son » desk officer presque personnellement facilite le lobbying à plusieurs égards. Cela permet, par exemple, de savoir quand il est encore utile de pousser une position et quand, à l’inverse, il ne sert à rien de se montrer insistant. Lors d’une observation dans un lobby dépendant du CEFIC (le puissant lobby de la chimie), un lobbyiste m’explique ainsi les difficultés qu’il rencontre actuellement à nouer des contacts avec son interlocutrice habituelle  : « La desk officer avec qui l’on bosse quasi exclusivement à la DG Sanco [Santé et sécurité alimentaire, NDLR] pose problème car elle ne répond plus depuis juillet, depuis l’adoption de la directive sur les films alimentaires. Je pense qu’elle espérait une promotion après avoir clôturé ce dossier mais cela ne vient pas assez vite. Du coup, elle n’engage pas de nouveaux dossiers. »

Pour faire avancer leur position, les représentants d’intérêts économiques ne sont pas seulement liés par les temporalités propres à la gestation des directives. Ils sont structurellement dépendants de la dynamique de carrière de leurs interlocuteurs administratifs. Qu’un de ces derniers fasse ses cartons pour une autre DG, et un dossier pourra bien être enterré pour plusieurs mois. Tout le jeu pour les lobbyistes est alors d’alimenter en données techniques issues des firmes « leur » desk officer, en espérant qu’il ne sera pas muté trop vite et que ce patient travail pourra être monétisé en une attention accrue lors de tel ou tel texte en gestation, ou – mieux encore – par une fuite des premières versions d’une réglementation.

À l’affût des brouillons de directives

"Comme le décrit cet autre lobbyiste d’une fédération du secteur des services, la capacité à trouver, avant les autres lobbyistes, le premier brouillon (draft) d’une directive est une des façons les plus accomplies par lesquelles peut se monétiser cet investissement relationnel au plus près des eurocrates  : « Le draft, il ne va pas le donner à n’importe qui. Il faut qu’il y ait un retour. Il faut que lui y ait un intérêt. L’intérêt le plus souvent, par exemple, c’est que, techniquement, j’ai (en tant que lobbyiste) un document qui est en cours de rédaction et ma position, elle va être calquée sur la position de la DG Marché intérieur. (…) Et donc, à ce moment-là, il va te filer le document. »

Les rencontres dans les restaurants ou dans les cafés bruxellois où s’échange dans une enveloppe tel ou tel premier draft imprimé sont ainsi quotidiennes. Obtenir avant tout le monde les premières grandes lignes d’une directive à venir permet aux lobbyistes de préparer le plus en amont possible du processus législatif une stratégie visant à réorienter un texte. Du côté des eurocrates, si des cas de corruption peuvent ponctuellement exister, ce sont surtout les logiques de ce jeu administratif qui alimentent en permanence les fuites de documents en direction des représentants d’intérêts.

Les racines libérales de la Commission facilitent bien sûr cette osmose et la porosité entre eurocrates et milieux d’affaires. Mais l’explication par l’idéologie serait ici un peu courte. Car les fonctionnaires de ces différentes DG arbitrent en permanence entre plusieurs mots d’ordre libéraux (faut-il par exemple d’abord « construire un marché intérieur » ou faire jouer le principe de « libre concurrence »  ?).

C’est aussi l’existence permanente de ces batailles interservices qui permet aux lobbyistes d’obtenir régulièrement ce type d’informations. Cherchant à exploiter les tensions internes à la bureaucratie européenne, les lobbyistes parviennent à s’approprier un savoir sur l’administration qui est fondamental pour porter politiquement leurs intérêts dans des cercles éloignés de la critique citoyenne.

Un jeu de relations sociales qui évince la parole citoyenne

Les ONG et à plus forte raison les citoyens ordinaires restent très largement à l’écart de ces scènes sociales. Car la monnaie d’échange qui prévaut dans ces relations entre bureaucrates et lobbyistes reste d’abord la capacité à fournir clés en main des arguments techniques liés aux enjeux de fabrication et de normalisation technique des marchandises. Autant d’éléments pour lesquels les firmes ont un avantage structurel lié à la possession des moyens de production et à l’accès aux sites industriels où sont fabriqués les produits qui seront l’objet des réglementations à venir.

Certains pourraient penser qu’il suffirait d’améliorer les processus de consultation proposés par la Commission européenne pour changer les choses. Mais l’on peut en douter. Un système où la légitimité politique repose avant tout sur l’expertise et non sur des processus démocratiques ne peut se réformer à coups d’élargissement du corps des experts."

Fin de l’article

Annexe  : nombre de fonctionnaires et parlementaires européens.

Pour des statistiques de 2012, voir le lien suivant http://www.lacomeuropeenne.fr/2012/...

Nombre de fonctionnaires de la commission européenne 2015 : 32 900 Source : commission européenne http://ec.europa.eu/civil_service/a...

Hervé Debonrivage


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