Loi "travail". "M. le président, il n’y a jamais de déshonneur à prendre en compte les aspirations du peuple"

vendredi 3 juin 2016.
 

56 parlementaires PS, PCF, écologistes et sans étiquette ont adressé vendredi une lettre au Président de la République pour lui demander "d’agir sans attendre pour une sortie de crise" tenant compte "de l’opposition majoritaire en France" au projet de Loi travail.

Paris, le 27 mai 2016

Monsieur le Président de la République,

La France traverse une période de tensions sociales sans précédent alors que la gauche exerce le pouvoir. Nul ne peut se satisfaire d’une telle situation de conflits, d’exaspérations et de souffrances. Cette nouvelle crise était pourtant prévisible.

Nous n’avons pas cessé d’alerter. Comment s’étonner de cette colère toujours plus vive, des mobilisations qui se multiplient, quand un gouvernement issu de la Gauche et des écologistes, après les débats sur la déchéance de nationalité qui avaient déjà profondément meurtri la France, propose une réforme du Code du travail fondée sur l’inversion de la hiérarchie des normes, et assume de faciliter les licenciements ?

Comment s’étonner, dans un moment de grave défaillance démocratique, mais aussi de vibrantes aspirations citoyennes, que l’utilisation de l’article 49-3 de la Constitution, dès le début des débats parlementaires, sur un sujet aussi essentiel pour la vie quotidienne que le Code du travail, soit vécue comme un déni de démocratie ?

Ces orientations et ces décisions ne peuvent trouver en l’état une issue positive pour la France. C’est pourquoi nous vous demandons, Monsieur le Président de la République, d’agir sans attendre pour que le dialogue s’engage avec tous, et pour la sortie de crise que nous croyons encore possible.

D’un point de vue démocratique d’abord. En tenant compte de l’opposition majoritaire que suscite ce texte en France, à l’Assemblée nationale comme chez une majorité de citoyens et de syndicats. En retrouvant le chemin de l’écoute. En renouant avec l’esprit du Bourget. En cessant de vouloir imposer des dispositions dangereuses et régressives pour les travailleurs, et en renonçant à l’usage de l’article 49-3.

Sur le fond du texte ensuite. Il est encore temps d’abandonner ces réformes qui inquiètent légitimement et divisent inutilement la gauche, qui flexibilisent et insécurisent l’ensemble de nos concitoyens, pour enfin affirmer des choix, en matière d’emploi et de code du travail en faveur desquels il existe, en France et au Parlement, une majorité à gauche. Oui, nous savons tous qu’une telle majorité existe pour :

- le maintien de la hiérarchie des normes et du principe de faveur, pour la mise en place de protections contre le dumping social entre entreprises, des mises en concurrences qui n’auront d’autre effet que de tirer vers le bas les salaires et l’ensemble de notre économie.

- des mesures destinées à renforcer le dialogue social, le rôle des organisations syndicales, la présence des salariés dans les conseils d’administration des entreprises, car c’est là aussi un enjeu démocratique majeur.

- une sécurité sociale professionnelle ambitieuse. Elle ne doit pas être une contrepartie à un marché du travail devenu plus précaire et plus flexible mais bien un projet de société, de nouvelles conquêtes sociales pour des parcours de vie émancipateurs.

- la mise en place, non pas de mesures éparses mais bien d’un ensemble de nouvelles protections dans l’économie numérique émergente et l’accentuation de la responsabilité sociale et fiscale des plateformes et autres acteurs économiques qui tirent d’immenses profits des innovations technologiques.

- des dispositions visant à faciliter le partage du temps de travail, véritable enjeu de modernité, essentiel pour lutter efficacement contre le chômage, en rendant notamment plus coûteux, donc dissuasif, le recours aux heures supplémentaires.

Notre responsabilité de parlementaires nous conduit aujourd’hui, Monsieur le Président, à vous presser d’agir. Il n’y a jamais de déshonneur à prendre en compte les aspirations du peuple, à faire le choix courageux de l’apaisement et de la construction collective. Il y a un chemin capable de rassembler en France comme au Parlement. S’obstiner aujourd’hui à lui tourner le dos fait courir à la France de grands dangers pour son avenir collectif.

Nous vous prions d’agréer, Monsieur le Président de la République, l’assurance de notre très haute considération,

Les signataires :

Laurence Abeille, députée du Val-de-Marne

Brigitte Allain, députée de Dordogne

Pouria Amirshahi, député des Français établis hors de France

François Asensi, député de Seine-Saint-Denis

Isabelle Attard, députée du Calvados

Danielle Auroi, députée du Puy-de-Dôme

Laurent Baumel, deputé d’Indre-et-Loire

Philippe Baumel, député de Saône-et-Loire

Huguette Bello, députée de la Réunion

Jean-Pierre Blazy, député du Val-d’Oise

Alain Bocquet, député du Nord

Michèle Bonneton, députée de L’Isère

Kheira Bouziane-Laroussi, députée de Côte-d’or

Isabelle Bruneau, députée de l’Indre

Marie-Georges Buffet, députée de Seine-Saint-Denis

Jean-Jacques Candelier, député du Nord

Fanélie Carrey-Conte, députée de Paris

Patrice Carvalho, député de l’Oise

Gaby Charroux, député des Bouches-du-Rhône

André Chassaigne, député du Puy-de-Dôme

Pascal Cherki, député de Paris

Sergio Coronado, député des Français établis hors de France

Marc Dolez, député du Nord

Cécile Duflot, députée de Paris

Aurélie Filippetti, députée de Moselle

Jacqueline Fraysse, députée des Hauts-de-Seine

Geneviève Gaillard, députée des Deux-Sèvres

Daniel Goldberg, député de Seine-Saint-Denis

Linda Gourjade députée du Tarn

Edith Gueugneau, députée de Saône-et-Loire

Benoît Hamon, député des Yvelines

Christian Hutin, député du Nord

Serge Janquin, député du Pas-de-Calais

Romain Joron, député de la Somme

Régis Juanico, député de la Loire

Jérôme Lambert, député de Charente

Jean-Luc Laurent, Député du Val-de-Marne

Christophe Leonard, député des Ardennes

Noël Mamère, député de Gironde

Alfred Marie-Jeanne, député de Martinique

Kléber Mesquida, député de l’Herault

Philippe Nogues, député du Morbihan

Christian Paul, député de la Nièvre

Michel Pouzol, député de l’Essonne

Patrice Prat député du Gard

Barbara Romagnan, députée du Doubs

Jean-Louis Roumegas, député de l’Herault

Nicolas Sansu, député du Cher

Eva Sas, députée de l’Essonne

Suzanne Tallard, députée de Charente-Maritime

Thomas Thevenoud, député de Saône-et-Loire

Stéphane Travert, député de la Manche

Michel Vergnier, député de la Creuse


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