Analyse CFDT des différentes situations de harcèlement

mardi 3 janvier 2006.
 

Définition du mot harcèlement

Le mot « harcèlement » vient du supplice moyenâgeux de la herse par lequel on cherchait à blesser quelqu’un avec de nombreuses piqûres pour le faire avouer mais pas pour le tuer. Le harcèlement sexuel, connu depuis longtemps, désigne un acte précis, avec une finalité connue. Quant au harcèlement moral, la relation « anormale » entre deux individus dans un couple, au travail ou dans des associations était un domaine encore trop peu exploré.

Rappelons que mot « harcèlement » est apparu dans le champ social en 1998 avec le livre de Marie-France Hirigoyen Le Harcèlement moral, la violence perverse au quotidien. Cet ouvrage a eu le mérite de décrire les processus de harcèlement et d’attirer l’attention sur la souffrance des victimes. Depuis ce best-seller inattendu, des débats, des colloques ont donné corps à un phénomène de société trop longtemps enfoui.

Typologie des situations de harcèlement

Une typologie des situations décrites comme du harcèlement a été établie par les groupes de travail CFDT :

1. Le pervers de l’entreprise. Situation finalement assez rare, elle met en jeu un individu qui voit sa proie comme un objet, il la manipule comme « un chat manipule la souris qu’il vient d’attraper ». Il l’instrumentalise pour combler des trous dans son propre narcissisme. La personne harcelée est très souvent un bon professionnel, rien ne la prédestine à être une cible. Cette perversité, dans les degrés les plus graves, est une maladie décrite par les psychiatres comme irréversible et incurable.

2. La perversité des relations dans une entreprise ou un collectif de travail. Dans ces cas, les individus qui harcèlent ne sont pas des pervers pathologiques mais se prêtent à des jeux pervers, comme des individus sont amenés à se comporter pendant des guerres. D’ailleurs, le langage guerrier, les logiques guerrières sont souvent des références dans les entreprises. La frontière entre compétition économique et guerre économique est souvent franchie dans certaines entreprises. Dans d’autres cas, la confusion entre pouvoir et autorité peut conduire à des relations qui dérivent.

Trois situations différentes :

• Des politiques d’entreprise.

La direction de l’entreprise ou d’un établissement institue des relations « harcelantes » pour gagner de la productivité en croyant stimuler. Les équipes de commerciaux sont parfois placées dans cette situation. Dans d’autres cas, il peut s’agir de faire démissionner des salariés pour éviter d’avoir à procéder à des licenciements. Quelques cas d’entreprises reposant sur des sectes instaurent des pratiques du même genre.

• Un management « instinctif ».

De nombreux responsables d’équipes de travail n’ont jamais eu l’occasion de se former ou de réfléchir sur le type de relation qu’ils entretiennent avec leurs subordonnées. Cela peut conduire à faire n’importe quoi, aux pires humiliations. Il y a une réactivité de plus en plus forte face à ce genre de comportement. Les enquêtes CFDT Travail en questions l’ont largement démontré.

• Les mises à l’écart dans un groupe de travail.

Si les deux cas précédents s’appuient sur des relations hiérarchiques, verticales, qui ne sont pas supportables, la troisième situation met en jeu des membres d’un collectif de travail de même niveau hiérarchique. L’un des membres du collectif de travail est mis à l’écart pour sa couleur de peau, son âge, sa productivité ou tout autre motif. Il est l’objet de vexations, de piques régulières qui sont toutes aussi difficiles à supporter que celles venant de la chaîne hiérarchique et peuvent conduire aux même extrémités.

3. Des conflits que par commodité de langage, on appelle « harcèlement ». Le mot harcèlement est devenu un « mot valise » dans lequel chacun dépose sa réalité. Pour certains, il y a un effet de mode et une commodité voire un rapport de force supplémentaire à désigner tel conflit par les termes « harcèlement ». Qui plus est, si on ajoute moral à harcèlement, l’employeur à une forte pente à remonter. Un conflit sur le temps de travail dans un grand magasin a emprunté cette voie. La presse s’est jetée dessus.

4. La discrimination antisyndicale. Souvent racontée comme du harcèlement, la situation de nouveaux militants créant une section syndicale dans leur entreprise emprunte bien les moyens du harcèlement. La réaction de l’employeur s’appuie sur toutes les ressources de la guerre psychologique pour faire craquer celui ou ceux qui ont osé. Il ne s’agit pas là de qualification juridique des faits (la jurisprudence concernant la discrimination anti-syndicale est très précise et fournie) mais seulement du vécu des militants passés par des périodes où ils sont l’objet de pressions extrêmement difficiles à supporter. On trouve dans ce dernier point, une partie du succès des réunions sur le thème du harcèlement. Les militants ne peuvent oublier les nuits blanches et autres moments de doute des débuts de leur engagement. Pour d’autres, c’est la solidarité et le soutien apportés aux autres dans ces débuts difficiles. n

© CFDT ( mis à jour le 29 décembre 2005)


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