Rapacité des oligarques et complicité des états

lundi 18 avril 2016.
 

L’orgie financière planétaire vient une nouvelle fois d’exploser aux yeux d’une opinion mondiale médusée. Les révélations des « Panama papers », dévoilent cette liste de comptes détenus par quelques possédants ou oligarques, maquillés par le cabinet d’avocats Mossack Fonseca. Fondé en 1977 par Juergen Mossack, fils d’un soldat SS exilé au Panama, il a pour fonction de détourner les richesses produites dans les sociétés. Ainsi se trouve déchiré le voile d’or des pratiques immorales, illégitimes, mensongères, de grandes fortunes mondiales, les mêmes qui s’évertuent à assigner les peuples à l’austérité à perpétuité pour soustraire des sommes considérables au bien commun humain.

Qu’une solide oligarchie se soit constituée depuis l’avènement du néolibéralisme n’est un secret que pour ceux qui refusent d’ouvrir les yeux sur la nature du capitalisme financiarisé qui régente l’économie mondiale, dans laquelle 1% des plus riches détiennent autant que 99% de tous les autres êtres humains.

Que des pays soient réduits à la fonction de sociétés écrans avec la bénédiction des serviteurs du capital n’est pas non plus une nouveauté. Ce qui frappe, c’est l’inertie, si ce n’est la complicité des Etats face à ce système mafieux. Nous sommes en droit de demander, avec nos concitoyens, pourquoi le Panama a été retiré en 2012 de la liste noire des paradis fiscaux édictée par l’Etat français ? Pourquoi la promesse du candidat Hollande faite en 2012 d’ « interdire aux banques d’exercer dans les paradis fiscaux » n’a pas été honorée, comme le prouve une nouvelle fois les activités délictueuses de la Société Générale ?

L’ampleur de ces révélations jette une lumière crue sur une corruption érigée en système de domination oligarchique. Une corruption qui ramène à sa juste valeur cette prétendue dette qui, à travers l’Europe, est utilisée comme argument pour imposer austérité et régressions dans tous les domaines. Qui peut dès lors croire que l’argent n’existe pas pour financer services publics, biens communs, formation, transition énergétique, pour augmenter les salaires, quand il est volé du labeur quotidien réalisé par tous pour fructifier au soleil de paradis fiscaux légalisés par ceux-là même qui ont fait de l’inégalité leur dogme ? La réalité est cruelle : les travailleurs du monde entier, devenus fantassins du capitalisme mondialisé, subissent l’injonction de sacrifier leur sécurité de vie aux desideratas du capital qui, lui, s’organise à l’ombre des souverainetés populaires et des services fiscaux pour mieux garnir la panse d’une minorité aux pouvoirs exorbitants.

Alors que le monde découvre l’ampleur de la fraude et de l’optimisation fiscale, de l’argent caché au bien public dans les comptes offshores, la campagne médiatique pour faire accepter la destruction du contrat de travail bat son plein. Un de ses volets insinue que les banlieues populaires ne seraient que des repaires de terroristes qu’auraient laissé prospérer des municipalités progressistes de gauche. Le regard est détourné vers les milieux populaires incriminés, stigmatisés. La morgue s’abat avec virulence notamment sur Saint-Denis et Aubervilliers. Le problème ne serait pas les paradis fiscaux, l’argent volé par les puissants, les inégalités qui en découlent, l’abandon progressif de l’Etat, l’austérité imposées aux collectivités locales , la difficulté à se loger, la privation de travail dans les banlieues, la pressurisation des travailleurs qui y vivent, considérés comme des réserves de main d’œuvre bon marché ou d’armée de réserve du capital maintenue dans le chômage de masse ou la précarité.

La manœuvre est grossière qui vise à maintenir au « ban » de la société ces « lieux » qui font une part du visage de la France contemporaine, jeune et métissée, et ne demandent qu’à être le fer de lance de son avenir si tant est qu’on considère et respecte les populations qui y vivent.

Quand tant de maires, notamment communistes, d’élus, d’associations se battent avec la population pour défendre les services publics, l’école de la République, le maintien des dotations d’état, les transports ou la santé, le gouvernement préfère les ignorer et mettre l’accent sur les problèmes identitaires et religieux, tirant le débat public vers des eaux très troubles plutôt que de s’en tenir au principe d’une République laïque, pour que vive l’égalité et pour que vive enfin une République sociale.

Le premier ministre lui-même a pris la tête de la croisade en faisant de l’islam le problème essentiel de la France, donnant à l’infime minorité intégriste un poids démesuré pour mieux justifier sa démarche. En se plaçant délibérément sur le terrain identitaire et religieux pour cultiver la peur de l’autre, sans doute entend-il inscrire en France un climat de guerre civile larvée. C’est indigne et irresponsable ! Nous parlions il y a quelques mois dans ces colonnes de dérives. Nous n’imaginions pas à l’époque que la vague serait poussée vers ces rivages extrêmes par l’un des participants à la dernière primaire socialiste devenu chef du gouvernement.

Devant quelques journalistes, comme une confidence pour enfoncer le clou, il a ajouté que « 2017 se jouera sur la bataille culturelle et identitaire ». Rien de mieux pour masquer son effroyable bilan, les millions de chômeurs, la colère sociale, le creusement des inégalités, les scandales financiers qui n’épargnent pas les cabinets ministériels. Rien de mieux pour attiser les braises du vote extrême qu’il espère piteusement convaincre ou susciter, c’est selon, en reprenant les arguments nauséabonds relayés par les « unes » infamantes de quelques organes de presse.

La mobilisation exemplaire contre la loi travail qui redouble d’intensité, la conscience de plus en plus partagée d’une rapacité oligarchique sur les richesses produites par chacune et chacun, peuvent déboucher sur un sursaut civique, politique, populaire pour l’égalité vraie, comme en témoigne le mouvement autour de la « Nuit Debout » qui essaime sur de nombreuses places dans le pays.

On y débat de tout autre chose que de la question du voile ou d’une prétendue « emprise salafiste » sur les cités populaires. Au cœur des discussions, tout simplement, la recherche d’un présent et d’un avenir communs, dignes d’êtres humains que nous sommes. C’est une promesse d’avenir !

Par Patrick Le Hyaric


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