Le mouvement « Nuit Debout » révèle la réappropriation symbolique d’un territoire

jeudi 18 août 2016.
 

Chercheur en urbanisme à l’Université de Grenoble, Luc Gwiazdzinski travaille sur la question de la ville et des mobilités urbaines.

Nous en sommes, ce mercredi, à la 6e nuit d’occupation de la place de la République à Paris. Que vous évoque cette réappropriation de l’espace public par le mouvement citoyen « Nuit Debout » ?

Luc Gwiazdzinski : Cette mobilisation, c’est un engagement par le corps, de l’ordre du « je reprends possession de ma ville et de ma place ». On est dans la réappropriation symbolique d’un territoire, car on a besoin d’une accroche sur le réel. Et l’occupation des places joue ce rôle, car c’est le lieu où les gens se donnent rendez-vous.

Dans la jungle de Calais, où j’ai eu l’occasion de me rendre, il y avait des rues, mais surtout une place. Car il existe toujours une hiérarchie symbolique dans l’espace public. Je pense à l’Égypte notamment, ou à la Grèce.

Et pourquoi la place de la République en particulier ?

L.G. : La place de la République à Paris est un symbole fort, car elle est au croisement d’une histoire longue et de revendications temporaires. Depuis les attentats de novembre, c’est devenu un lieu de rassemblement et de recueillement.

Mais on revisite en permanence la symbolique des places. Tout change, ce n’est plus le mythe de 1968. Chaque génération a droit à son rassemblement. On n’est plus dans une logique de barricades : on occupe la place pour y vivre, pour y organiser une confrontation symbolique avec les institutions. Il est intéressant de constater que l’État a du mal à penser ce mouvement et à le contrer. Car ces mobilisations s’inscrivent dans l’interactivité et s’organisent hors du champ politique, en réinventant un urbanisme temporaire.

Quels sont les enjeux de ce mouvement ?

L.G. : La question n’est pas de savoir comment la mobilisation va se traduire politiquement, car le mouvement « Nuit Debout » est déjà politique, au sens littéral du terme et hors des institutions classiques. Le véritable enjeu, ce sera la capacité du mouvement à s’étendre au-delà du périphérique. Quelles seront les places autour de Paris et de la banlieue à être investies ?


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