Le PCF, de l’Union de la Gauche au 10 mai 1981

vendredi 8 avril 2016.
 

Mai 1981 Une victoire douce-amère…

par Roger Martelli Historien

Mai 1981, François Mitterrand est élu président de la République. C’est l’aboutissement de la stratégie de programme commun. C’est aussi la traduction d’une forte attente de changement.

En une de l’Humanité, ce 21 mai 1981, deux présidents. Le battu s’apprête à quitter le cadre de l’image en même temps que le pouvoir  : c’est Valéry Giscard d’Estaing. Le vainqueur, François Mitterrand, avance droit, face au lecteur. Le suffrage universel a tranché. « Que le changement commence. »

En décembre 1965, le nouveau président élu avait été le premier candidat de gauche – et le premier candidat de toute la gauche – à la première élection présidentielle au suffrage universel. Depuis, le peuple de gauche attendait la victoire, « sa » victoire. Elle est acquise le 10 mai 1981. Le soir même, la Bastille archicomble est en liesse  :

Regarde/

Quelque chose a changé/

L’air semble plus léger/

C’est indéfinissable, chante à l’époque Barbara. Le PCF propose que toute la gauche s’unisse sur un programme commun

L’éditorial du directeur de l’Humanité, Roland Leroy, se veut dans l’air du temps. « Joie et espérance sont nôtres aussi », affirme-t-il. Pour les communistes d’alors, cela n’a rien d’évident. Quelques semaines plus tôt, le 26 avril, au soir du premier tour de l’élection présidentielle, ils sont proprement K.O. Leur candidat, leur secrétaire général, Georges Marchais, est distancé de dix points par rapport à celui qui n’est encore que le premier secrétaire du Parti socialiste. De 1945 à 1978, les communistes ont été en tête de la gauche et souvent de loin. Cette fois, les socialistes ont creusé l’écart. Le choc est rude, inattendu.

Depuis 1962, alors que la Ve République accentue son caractère présidentiel, le PCF propose que toute la gauche s’unisse sur un programme commun. Les engagements programmatiques étant consignés précisément par écrit, il ne sera pas possible aux socialistes de leur tourner le dos, expliquent alors les dirigeants communistes. Et ils sont convaincus que le processus profitera au PCF  : les électeurs français en tiendront compte dans leur vote, dès l’instant où il a été le principal initiateur du Programme et son plus vigilant défenseur.

Les espoirs seront bien vite écornés. Quand le Parti communiste lance l’idée du Programme, le Parti socialiste de l’époque – la SFIO – est dans une situation inconfortable. Il a été associé aux déboires de la République précédente, il s’est enlisé dans les guerres coloniales et il a soutenu le général de Gaulle quand celui-ci est revenu au pouvoir. Au printemps 1969, il est au bord du gouffre  : son candidat à l’élection présidentielle, Gaston Defferre, peine à franchir la barre des 5 % au premier tour  !

Tout change en 1971 avec… François Mitterrand. Il est déjà un vieux cheval de la politique et il n’est pas du tout socialiste. Mais il prend la tête du vieux parti, le transforme en profondeur, lui donne un coup de barre à gauche et signe un programme commun avec les communistes et les radicaux de gauche, le 27 juin 1972. Contrairement aux attentes communistes, son intuition réussit  : en mars 1973, aux élections législatives, le PCF reste en tête de la gauche, mais de peu, et il obtient un score plus bas qu’en 1967 et 1969.

Pour les communistes, responsables et militants, c’est un mystère. La faute à l’anticommunisme ou à l’image désastreuse de l’URSS  ? Problème conjoncturel ou problème structurel  ? On ne sait plus très bien du côté de la place du Colonel-Fabien. Pendant quelques années, le PCF oscille entre l’ouverture unitaire et la critique à l’égard d’un PS qui veut manifestement occuper l’essentiel de l’espace à gauche. Au milieu des années 1970, sous le drapeau de « l’eurocommunisme », les communistes se lancent même dans une ambitieuse tentative de mise à jour.

En vain… À la fin de l’été 1977, conscients de l’allant de leur partenaire, Georges Marchais et ses camarades tentent un bras de fer avec le parti de François Mitterrand  : il faut ancrer le PS le plus à gauche possible. En fait, la mauvaise humeur communiste arrange le partenaire aux aguets  : Mitterrand peut ainsi arguer de ce qu’il n’est pas l’otage des communistes…

En mai 1981, son pari est gagné. L’équilibre à gauche est bouleversé. Beaucoup, au PCF, ont souhaité ouvertement ou discrètement l’échec du numéro un socialiste. Mais la gauche « d’en bas » n’en peut plus d’attendre et la droite est divisée. L’heure de Mitterrand est donc venue. Les communistes n’ont plus qu’à en tenir compte. L’éditorial de Roland Leroy participe de ce réajustement. Le PCF, qui a tant fait pour le Programme commun, ne peut pas bouder la victoire. Désormais, il entend faire partie de la nouvelle majorité, et cela jusqu’au gouvernement.

Son score législatif (16,1 %) est à peine plus élevé que celui de la présidentielle. Les députés communistes sont moins nombreux, mais il y a, en juin, quatre ministres communistes pour la première fois depuis mai 1947. Hélas pour le PCF, dans la majorité ou dans l’opposition, en alliance avec le PS ou en concurrence directe avec lui, la dynamique électorale va rester défavorable. Mais c’est bien sûr une autre histoire…

TEL QUEL Dans l’Humanité du 21 mai 1981Par Roland Leroy « Joie et espérance sont nôtres aussi. Toute la campagne de Georges Marchais a été conduite avec un seul objectif  : battre Giscard et sa politique, ouvrir la voie au changement. Au second tour, l’apport des voix communistes a été décisif. Sans nous la victoire du 10 mai aurait été impossible. Sans nous, elle ne pourrait pas être parachevée. (…) Nous sommes – pour notre part – animés d’une seule volonté  : réussir le changement. C’est pourquoi nous ferons tout ce qui dépend de nous pour qu’aucun obstacle, aucune difficulté n’empêche l’élection d’une majorité parlementaire bien ancrée à gauche, grâce à une réelle représentation communiste et l’installation d’un gouvernement d’union de toutes les forces qui ont permis la victoire. » Roger Martelli Historien


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