SALE TEMPS SOUS LE DRAPEAU

jeudi 29 mars 2007.
 

On sent qu’on est entré dans la phase aigüe de la campagne. Le temps politique s’accélère. Sarkozy avait à peine fini de prophétiser la remontée de Le Pen et son retour sur le devant de la scène médiatique qu’aussitôt les provocations dans l’usage des forces de police se sont accélérées. Le matraquage d’image a commencé. Celles de la gare du nord mettant en scène des "brutes basanées qui cassent tout" viennent fort opportunément compenser les images désastreuses du pouvoir qui emprisonne les directrices d’école et pourchasse les grands pères dans la rue à coup de lacrymos. A sa manière subliminale, à peine énoncée mais vite absorbée par le téléspectateur, on devine aussi le lien avec le débat poisseux de la semaine passée sur le ministère de l’immigration et de l’identité nationale proposé par Sarkosy. C’est pourquoi je voudrais prendre le temps de revenir sur un épisode récent à propos de la réplique de Ségolène Royal à Marseille, si stupidement brocardée.

Il s’est dit beaucoup de choses de toutes sortes concernant le drapeau et la Marseillaise après ce discours. Je ne suis pas neutre sur le sujet. Je dois dire honnêtement que je n’ai de problèmes ni avec l’hymne ni avec le drapeau. Et pour me situer plus clairement encore, j’avoue que je ne compte plus le nombre de fois ou j’ai chanté dans les circonstances officielles où il est pourtant de bon ton de rester muet quand on joue l’hymne national. Par exemple, pendant l’hommage national pour Lucie Aubrac aux Invalides, représentant le Président du Sénat , je la chantais. Mais pas mon voisin sous la pluie, monsieur Sarkozy. N’est-ce pas étrange ? On demande aux joueurs de foot de chanter la Marseillaise dans un stade avant un match mais cette exigence ne s’applique pas aux ministres au cours d’un hommage national devant le cercueil d’une résistante dans la cour des Invalides ?

IL FALLAIT REPONDRE !

Je veux dire plus. J’adhère totalement à ce qu’a dit Ségolène Royal à propos de la Marseillaise. A gauche nous avons trop longtemps assimilé aux seuls Versaillais l’hymne tandis qu’il est pour le reste du monde un chant de liberté et de rébellion indissolublement lié à l’histoire des révolutions populaires. Il ne s’agit pas ici de commentaire musicologique. Il s’agit de dire et définir à cette occasion en quoi consiste notre vision de la France. Cependant je comprends très bien la nature du trouble qui a été créé. Moi aussi, j’aurais été très mal à l’aise si ce qu’elle en avait dit, avait été la course poursuite derrière Sarkozy que les esprits superficiels ont voulu voir. Mais elle a dit le contraire de lui !

Dès lors, j’affirme qu’il n’y a rien de plus normal, légitime et nécessaire venant de quelqu’un qui est candidate pour être présidente de la République que de répliquer à la définition de la Nation et de l’identité nationale donnée par Sarkozy à l’occasion de sa proposition d’un ministère de l’immigration et de l’identité nationale. Je juge positif et utile qu’elle y ait répondu. Son silence aurait posé problème. Elle a eu raison de s’exprimer ! Les citoyens vont aussi trancher ce débat : ou bien la vision ouverte et universaliste de l’identité républicaine des français que décrit Ségolène Royal après tous les socialistes français ou bien l’identité nationale ethniciste que postule Sarkozy dans la tradition maurassienne de la droite classique.

Elle a bien fait de reprendre la balle au bond et d’assumer le débat. Par contre en réduisant la question posée et les réponses données à la misérable « question du drapeau », nombre de commentateurs se sont montrés particulièrement malveillants et nuisibles à l’exigence que suppose ce débat compte tenu de sa portée. Surtout ils sont parvenus à faire un amalgame entre deux positions pourtant antinomiques. Un beau rideau de fumée ! Son seul résultat est de dédouaner l’affreuse proposition de monsieur Sarkozy. J’invite donc chacun à prendre le temps de la réflexion et de la lecture du discours de Ségolène Royal avant de se livrer à d’outrageantes simplifications.

Et pour commencer, comme d’habitude, il faut d’abord définir clairement quel est le sujet réel de la discussion : le discours de Ségolène où sa simplification médiatique. Je note que l’industrie du spectacle et de l’information prenant comme d’habitude les gens pour des animaux a mis en scène la discussion sur le drapeau car tout le reste de ce que disait le discours de Ségolène Royal sur l’identité nationale était sans doute « beaucoup trop compliqué coco c’est pas de l’actu c’est de la philo, faut faire simple et concret » ! Suivant la règle bien connue du frelon médiatique, ce qui était un extrait devient l’essentiel qui bourdonne autour de vos oreilles et contre quoi vous ne pouvez rien sinon gesticuler sans qu’on comprenne pourquoi vu de loin.

Selon cette façon de faire, Ségolène Royal aurait proposé le drapeau pour tout programme. Une fois cette idiotie lâchée, tout le monde embraye car il de l’intérêt de beaucoup de faire semblant que tel soit bien le sujet.....Et là-dessus la machine à commenter se met à tourner toute seule. Hypocritement, chacun commente non ce qu’elle a dit mais ce qui s’en dit. Arrive les grands esprits qui prennent des pauses raisonnables. Ainsi de monsieur Bayrou, champion du monde des leçons de morale. Lui accuse monsieur Sarkozy et madame Royal de « courir derrière Le Pen » et même de « faire son jeu ». Tel quel. Peut lui importe que le contenu de la définition de l’identité nationale que donne Ségolène Royal soit l’exact inverse de celle qu’en donne Le Pen. Cette rouerie est à l’image de ce qu’est en général le tour d’illusionniste de monsieur Bayrou sur pratiquement tous les sujets. Mais dans cette circonstance, je veux vous en donner un exemple particulièrement odieux. Pourquoi n’a t il pas été relevé ? La capacité d’indignation médiatique s’arrêterait elle au pied de monsieur Bayrou iconisé tout vif. Voici ce que monsieur Bayrou a pu dire sans que rien ne lui soit répliqué, juste après avoir fielleusement dénoncé ceux qui seraient des "obsédés de l’identité nationale" et qui feraient "le jeu de Le Pen".

LES ACCOUCHEES SONT DES FRAUDEUSES

Monsieur Bayrou a déclaré : "Je suis favorable à ce que la nationalité française ne soit plus automatique, dès l’instant qu’en Guyane ou à Mayotte, on est venu seulement pour accoucher sur le territoire national" (23 mars 2007 à la Réunion) Prenez un instant pour réfléchir au sens de cette phrase, à l’image qu’elle porte en elle. Inhumaine, injurieuse, vulgaire et machiste cette vision de la femme étrangère qui vient sournoisement pondre son œuf par effraction dans le nid des autres. Je pourrais m’en tenir là. Je pourrais me contenter de coller juste aussitôt après les dizaines de citations de Le Pen faites avec les mêmes mots pour dire la même chose infâme. Mais cela ne suffira pas à situer le degré du scandale qu’est cette phrase là, dans la bouche de cet homme là. Car elle porte une information fausse, que le parlementaire Bayrou ne peut ignorer compte tenu des débats qui ont eu lieu dans les deux chambres à ce sujet. Et à 7 reprises depuis 1986 et les premières lois Pasqua sur le code de la nationalité ! Au minimum, par respect pour ses propres votes personnels, toujours favorables aux propositions de monsieur Pasqua et de ses successeurs de droite , monsieur Bayrou devrait au moins faire semblant de penser que ce qu’il a voté contre le droit du sol avait un sens. Monsieur Bayrou ment car il sait que la nationalité française n’est pas du tout automatique du moment où on est né en France. Et cela depuis les lois qu’il a lui-même voté !

Notre pays connaît le double droit du sol (est Français à la naissance l’enfant d’un étranger lui-même né en France). Cela suppose donc deux générations nées sur place. Le cas précis de celui qui naît parce que sa mère s’est sournoisement faufilée dans l’océan indien ou à travers la forêt guyanaise pour le mettre au monde chez les français est simple : il n’a aucun droit automatique à la nationalité française ! Celle -ci ne lui pas accessible avant l’age de treize ans (avec l’accord des parents) ou de 16 ans (sans cette autorisation). Il ne suffit dondc pas d’accoucher pour que tout soit dit. Il faut attendre treize ansau minimum ! Et à ces conditions d’âge s’en ajoutent d’autres liées notamment à la durée du séjour sur le territoire français.. C’est dans ce contexte que se situe la phrase de monsieur Bayrou répété sur toutes les ondes et médias sans commentaires ni mise au point. C’est ignoble quand on connaît les conditions dans lesquelles s’opère l’immigration des Comores vers Mayotte. Des dizaines de barques incertaines y pourvoient contre fortune dans l’océan indien dont les passeurs sont connus pour jeter à la mer et aux requins leur passagers à la première difficulté, sans faire de différence entre les femmes enceintes ou pas ! Ce qu’a dit monsieur Bayrou n’a donc aucune réalité. Il s’agit seulement de relancer une grossière polémique déjà allumée et entretenue il y a quelques mois quand des illuminés avaient proposé de faire des tests génétiques pour vérifier l’origine des mahorais présents sur l’île de la Réunion ! C’est dans ce contexte qu’il a pensé trouver de l’efficacité électorale avec un racolage xénophobe ! Et le tout, bien sur,avec des mines de bedaudpour débiter ses reproches à Ségolène Royal et en l’invitant à se montrer "raisonnable". Avec cette phrase dont vous mesurez dorénavant le stupéfiant culot de manipulateur : "Il y a des forces politiques ou des personnalités politiques qui font de ces sujets une exploitation. Quand ils sont en panne de voix, ils vont agiter ces sujets, ils vont se servir de ça comme d’un tisonnier pour faire repartir des flammes mal éteintes".


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