L’illégal pillage du Sahara occidental par le Maroc

lundi 25 janvier 2016.
 

L’accord de libéralisation des produits de l’agriculture et de la pêche liant Rabat à l’Union européenne a été annulé, le 10 décembre 2015, par la Cour européenne de justice, au motif qu’il s’applique au Sahara occidental. Une jurisprudence qui met en cause l’exploitation illégale des ressources de ce territoire colonisé.

Coup de semonce au roi Mohammed VI, qui clame à qui veut l’entendre que le Sahara occidental « demeurera dans son Maroc jusqu’à la fin des temps ». Jugé illégal, l’accord de libéralisation des produits de l’agriculture et de la pêche liant Rabat à l’Union européenne a été annulé, le 10 décembre 2015, par la Cour européenne de justice, au motif qu’il s’applique au Sahara occidental, un territoire colonisé au regard du droit international. La conclusion de cet accord, qui remonte à 2012, avait suscité un tollé parmi les associations de solidarité avec le peuple sahraoui. À l’époque, des parlementaires européens s’étaient fermement opposés à la signature de cet accord violant les principes du droit international, la souveraineté du Maroc sur le Sahara occidental n’étant reconnue ni par les Nations unies, ni par l’UE, ni par aucun des États membres. Dès novembre 2012, le Front Polisario, qui revendique l’indépendance des territoires occupés depuis quatre décennies par le Maroc, introduisait un recours auprès de la Cour européenne de justice. Le verdict du 10 décembre, qui vient conclure trois ans de bataille politique et juridique, empêtre désormais les accords de pêche entre le Maroc et l’UE dans les filets d’une jurisprudence qui met en cause le pillage des ressources naturelles du Sahara occidental par Rabat.

C’est que les ressources agricoles et halieutiques ne sont pas seules en jeu. Au cœur du problème des territoires non décolonisés, la question de l’exploitation des richesses au profit d’un État tiers est au centre du conflit opposant les indépendantistes sahraouis au Maroc. Ressources minières comme le phosphate, énergie éolienne et solaire, blocs de prospection pétrolière et gazière offshore… Le riche Sahara occidental aiguise les appétits. Au point que le roi Mohammed VI a placé ce bras de fer économique au cœur du discours qu’il a prononcé, en novembre, à l’occasion du quarantième anniversaire de la Marche verte, par laquelle Rabat a annexé en 1975 l’ex-colonie espagnole. Il annonçait ainsi la création d’un « fonds de développement économique » pour financer « une série de projets qui permettront de valoriser et d’exploiter les ressources et les produits locaux ». Il promettait aussi un « cadre juridique incitatif pour l’investissement, garantissant au secteur privé national et étranger la visibilité et les conditions de compétitivité nécessaires », un appel du pied explicite aux multinationales étrangères. Rabat, prévenait le palais, « s’opposera aux campagnes hostiles qui visent les produits économiques marocains ». « Le Maroc a le droit d’ouvrir la porte à ses partenaires, États et entreprises mondiales, pour profiter des opportunités d’investissement que la région va offrir grâce aux grands projets qui seront lancés, fait valoir le roi. Vu que nous ne faisons pas de distinction entre les régions nord et sud du royaume, il n’y a pas pour nous de différence entre les tomates d’Agadir et celles de Dakhla, les sardines de Larache et celles de Boujdour et le phosphate de Khouribga et celui de Boukraa. » Des propos défiant l’article 73 du chapitre XI de la charte des Nations unies, qui reconnaît le principe de primauté des intérêts des habitants des territoires non autonomes. Les États-Unis, déjà, excluaient le Sahara occidental de leur accord de libre-échange conclu avec le Maroc en 2004. L’arrêt de la Cour de justice européenne sur les produits agricoles signe une importante victoire politique et symbolique pour tous ceux qui défendent le respect du droit international s’agissant de la dernière colonie en Afrique. C’est bien la pression citoyenne internationale contre le pillage des ressources de ce territoire occupé qui porte ici ses fruits  : le géant pétrolier français Total annonçait en décembre son intention de stopper l’exploration des blocs offshore d’Anzarane, concédés en 2011 par l’Office des mines du Maroc au large des côtes du Sahara occidental. Officiellement, selon la multinationale, les analyses préliminaires « n’ont rien donné » et la plongée des cours du pétrole a sans doute incité Total à se tourner vers des investissements plus rentables à court terme. Mais ce retrait intervient alors même qu’une campagne internationale dénonce l’exploitation illégale, par des compagnies étrangères, des ressources du Sahara occidental.

Rosa Moussaoui, L’Humanité


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