La gauche de transformation sociale et écologique doit se mettre plus et mieux au service de celles et ceux qui souffrent

jeudi 7 janvier 2016.
 

Le sursaut citoyen qui a eu lieu dimanche ce 13 décembre 2015 ne peut cacher les tendances de fond. Il est bien sûr heureux qu’une barrière démocratique ait pu priver l’extrême droite de la gestion de l’une ou plusieurs des nouvelles régions. Heureux, que des jeunes et les électrices et électeurs de gauche y aient tout particulièrement contribué.

Mis à part les deux régions où il n’y avait plus de listes de gauche, les listes de droite ou celles de la gauche élues ne le sont que dans le cadre de triangulaires avec d’infimes écarts de voix. Notons que la droite va gouverner les régions qui participent le plus aux richesses nationales. Celles-ci rassemblent 42 millions de Français, soit les deux tiers des habitants du pays. Le parti d’extrême droite a encore progressé entre les deux tours. Il rassemble son plus grand nombre de voix dans l’histoire. Il va disposer de centaines de conseillers régionaux, le triple de son assise précédente, qui vont peser négativement dans les choix des assemblées et risquent de contribuer à renforcer encore un ancrage local. Le sursaut n’est donc qu’un sursis !

Tout semble indiquer que la mobilisation supplémentaire des électrices et électeurs pour empêcher l’élection de candidats d’extrême droite est plus un vote de défense qu’un acte d’adhésion aux choix politiques d’austérité du gouvernement et à ceux de la droite. Cette dernière emprunte de plus en plus les thèmes racistes et xénophobes des extrémistes qu’elle contribue ainsi à banaliser.

La période qui s’ouvre n’est assurément pas favorable au monde du travail et de la création. Tant que perdurera le chômage de masse, la précarité, l’injustice sociale, l’avenir bouché pour les jeunes, tant que les dirigeants politiques continueront de ne pas entendre les citoyens, la crise politique, démocratique, sociale, s’amplifiera avec le risque d’une catastrophe extrême. L’enjeu est donc de résoudre les problèmes auxquels sont confrontés nos concitoyens, par de nouveaux choix politiques et économiques, en choisissant enfin de servir les classes populaires et non plus les puissances d’argent, de combattre l’orthodoxie ultralibérale, de tenir tête aux dogmes bruxellois, de promouvoir non pas seulement la République de l’ordre, mais de faire vivre réellement le triptyque de notre République universelle en s’attachant à progresser vers la République sociale.

Cela ne peut se construire sans changer radicalement la façon de concevoir la politique afin que les millions de citoyens qui s’en sont éloignés retrouvent le goût de la chose publique, en l’irriguant de leurs débats, attentes et espoirs. Sans leur engagement, sans la richesse de leur diversité, sans une recherche inlassable d’unité dans l’action, les tenants de la toute-puissance de l’argent roi qui régente nos sociétés et le monde auront de beaux jours devant eux. À voir et à entendre la manière dont la plupart des responsables politiques et surtout le système médiatique « officiel » ont repris leur manège depuis dimanche soir, il y a de quoi être inquiet. Le grand bazar politicien et les postures de combines ont repris de plus belle, bien loin de la vie du chômeur, du jeune précaire, du travailleur surexploité ou du paysan qui ont du mal à joindre les deux bouts, du créateur ou de l’enseignant à qui on réduit toujours les crédits publics.

Voilà qui est insupportable et révoltant !

L’avenir, pour les classes populaires, n’est pas non plus dans une posture permanente, tenant lieu de politique, faisant de l’épouvantail installé de l’extrême droite le seul et unique objectif pour ne pas avoir à traiter les urgences sociales, démocratiques et écologiques. Des apprentis sorciers espèrent ainsi contourner le mécontentement que provoque leur politique dans le but de sauver l’actuel président de la République dans un duel de second tour face à la candidate de l’extrême droite. Du côté droit, le calcul est aussi cynique, avec pour seul souci immédiat de préparer des « primaires » en vue de cette même élection présidentielle. Folie que toutes ces stratégies politiciennes. Au sommet de l’État, on veut profiter de l’occasion pour terminer le changement de nature du Parti socialiste ­ sa révolution copernicienne ­ jusqu’à changer son nom afin de rendre possible l’installation à terme d’une sorte de « grande coalition entre une partie de la gauche et une partie de la droite », rassemblées dans une même opposition à l’épouvantail de l’extrême droite. Où est l’intérêt général dans ces combines ? Le redressement du pays ? Le plein-emploi ? Le bien-être de la population et l’avenir de la jeunesse dans ces postures ? Le rayonnement de la France dans le monde ?

La gauche de transformation sociale et écologique est très mal en point. Le pire, pour elle-même et surtout pour nos concitoyens, serait qu’elle ne regarde pas en face une réalité douloureuse. Qu’elle ne recherche pas, sans a priori, les causes qui ont pu conduire notre pays au bord du gouffre, sans s’exonérer de ses propres responsabilités. Qu’elle mesure le désarroi de l’immense majorité des ouvriers et employés comme des jeunes qui s’abstiennent et qui restent à la recherche d’un projet neuf et crédible. Elle doit se ressaisir, se mettre plus et mieux au service de celles et ceux qui souffrent et aspirent à du neuf dans la vie démocratique ; du neuf dans les actions unitaires à mener, aux côtés du monde du travail et de la création ; du neuf pour un projet de transformation sociale crédible, parce que de plain-pied dans les réalités contradictoires qu’il ambitionne de transformer profondément, dans le sens de l’émancipation humaine.

Il y a urgence !

Patrick Le Hyaric, eurodéputé Front de Gauche


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